Question écrite n° 8903 :
euro

11e Législature

Question de : M. Georges Sarre
Paris (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur le recours qu'ont formé, le 12 janvier dernier, quatre économistes allemands auprès du tribunal constitutionnel fédéral en vue d'obtenir le report, voire l'abandon, du projet de monnaie unique européenne. Soutenant que les conditions du passage à l'euro posées par cette haute juridiction en 1993 - soit le respect strict et durable des critères de Maastricht, afin que l'euro soit aussi stable que le mark - ne sont pas à ce jour réunies en Allemagne, ces quatre plaignants lui demandent donc de juger que la troisième phase de l'UEM ne peut intervenir à la date prévue. La pertinence de leur argumentaire critique semble grande. Ces plaignants soulignent en effet que la convergence des économies européennes, purement spéculative, ne reflète pas leur évolution réelle et résulte notamment, en matière de déficit et d'endettement publics, de maquillages et manipulations comptables de la part de l'Allemagne, la France, la Belgique et l'Italie. Ainsi, selon eux, le déficit français dépasserait-il en fait largement les 3,5 % du PIB en 1997 et l'endettement public rapporté au PIB en Europe serait-il aujourd'hui de 74 % sans même prendre en compte le coût du passage à l'euro, qui amplifiera l'endettement des pays participants. Au-delà, ils considèrent que l'ensemble du modèle de Maastricht ne fonctionnera pas : la promesse d'une union politique n'ayant pas été tenue, la création d'une Banque centrale européenne sans aucune assise politique leur paraît vouée à l'échec. En 1996, l'un des plaignants, le professeur Wilhelm Hankel de l'université de Francfort, rappelant aux Français qu'« une union monétaire nivelle les prix mais non les coûts » et prenant acte des « différences considérables de coûts, de productivité de branche à branche et de région à région » dans l'Union, en concluait déjà que l'euro « profitera à toutes les entreprises fortes quelle que soit la localisation de leur production », tandis que « les entreprises faibles seront balayées par l'ouragan de la concurrence, comme en Allemagne de l'Est » (Géopolitique n° 53, printemps 1996). Précisant que les Etats de la zone euro « ne pourront plus pratiquer une politique de conjoncture et de l'emploi parce que la politique monétaire en Europe sera faite par une BCE » et la politique budgétaire « bloquée » par les critères de convergence, il estimait alors que ces derniers « rendront les transferts au profit des pays faibles inévitables si l'on veut éviter chez eux des crises graves sur le marché de l'emploi et des charges pratiquement impayables pesant sur les systèmes sociaux ». Dans le même esprit, un autre plaignant, M. Wilhelm Nölling, ancien membre du conseil central de la Bundesbank, surpris à juste titre de ce qu'« en France et en Allemagne aujourd'hui (...) on ne se demande même plus s'il est raisonnable, d'un point de vue économique, de faire cette union monétaire », rappelait récemment que « l'euro va aggraver la concurrence, le chômage et les conflits sociaux » dans l'Union (Libération, du 7 janvier 1998) et doutait fortement de l'intérêt, pour la France, d'y participer. Il souhaiterait donc connaître sa position sur les différents points de cet argumentaire, ainsi que sur la déclaration suivante du professeur Wilhelm Hankel : « Ce n'est que lorsque les relations des monnaies et des taux de change européens auront été solides et stables pendant des périodes très, très longues, sans qu'on les y ait aidées par des critères contraignants, mais par le fait d'une harmonisation intra-européenne des structures et des productivités, qu'il sera raisonnable d'inscrire cet objectif (d'union monétaire) dans un document. Et si ce pool des taux de change résiste aux tests et épreuves du feu des attaques des marchés financiers mondiaux (...) alors on pourra synthétiser cette association de monnaies en une monnaie unique. A ce moment-là, mais pas un jour plus tôt. » (Géopolitique n° 53, printemps 1996).

Données clés

Auteur : M. Georges Sarre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Dates :
Question publiée le 19 janvier 1998
Réponse publiée le 23 mars 1998

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