politique à l'égard des retraités
Question de :
M. Nicolas Forissier
Indre (2e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.
M. Nicolas Forissier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité..
Depuis quelques mois, le Gouvernement nous a gratifiés d'une série de rapports sur les retraites: trois rapports du conseil d'analyse économique et un rapport du Commissariat général du Plan. Ce dernier confirme, mais cette fois-ci de façon chiffrée, avec éloquence et noir sur blanc, que l'avenir à court terme de nos retraites est gravement menacé de faillite. Faillite du régime de la fonction publique, tout d'abord. La charge pour l'Etat, et donc pour l'ensemble des contribuables, passera de 172 à 325 milliards de francs de 1998 à 2020. Faillite des régimes spéciaux, et en particulier de ceux d'EDF et de Gaz de France, ensuite. Faillite du régime des cadres, enfin. En 2015, nous devrons trouver 110 milliards de francs supplémentaires juste pour maintenir à flot le système des retraites.
Le rapport du Commissariat général du Plan ne révèle rien de nouveau. Il ne fait que confirmer, bien au-delà de ce que nous savions, et avec des chiffres, une situation extrêmement menaçante.
Face à cela, la prise de conscience du Gouvernement et de la majorité peut paraître un peu tardive. Elle est en tout cas l'aveu d'une certaine irresponsabilité si l'on veut bien se souvenir que, durant des années, la gauche a nié l'existence de tout problème et a bloqué l'indispensable adaptation des régimes de retraire.
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. C'est vrai !
M. Nicolas Forissier. L'honnêteté oblige à rappeler, en effet, que vous avez rejeté la réforme de 1993 mise en oeuvre par Edouard Balladur concernant le régime général. Vous vous êtes également opposés à l'évolution des régimes spéciaux, en jetant même de l'huile sur le feu, ce qui a ôté toute sérénité au nécessaire débat proposé par Alain Juppé. Vous avez aussi refusé pendant longtemps, trop longtemps, l'instauration de complément de retraite par capitalisation, effectuant maintenant un retournement qui se cache derrière les mots.
Après avoir joué au pompier pyromane, vous vous retrouvez aujourd'hui acculés et obligés de prendre des décisions difficiles dans l'urgence.
A cet égard, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que la méthode retenue par le Gouvernement ces derniers jours est peu respectueuse des droits du Parlement. Alors que la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale est à peine achevée, nous apprenons en effet, par voie de presse, avec la divulgation du rapport Charpin, que les menaces pesant sur nos régimes de retraite sont extrêmement graves et bien plus encore que ce que nous savions.
Le Gouvernement doit donc cesser de tergiverser. Il doit annoncer clairement quelles mesures il entend prendre pour sauver le régime des retraites et selon quel calendrier. Vous le savez, la faillite annoncée ne surviendra pas dans trente ou quarante ans.
M. Claude Lanfranca. Posez donc votre question !
M. Nicolas Forissier. Elle peut d'ores et déjà être programmée pour 2010-2015, c'est-à-dire demain.
Je souhaite également que le Gouvernement nous dise comment il entend éviter la paupérisation d'un nombre croissant de retraités qui subissent la hausse des prélèvements - CSG, impôt sur le revenu -, tout en ne profitant pas du retour de la croissance. Pourtant, ils ont comme les autres fourni tous les efforts nécessaires ces dernières années.
Madame la ministre, je vous demande donc de nous donner des réponses précises avec un calendrier précis sur les mesures que vous serez obligée de mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le député, je vais répondre en lieu et place de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité...
M. François Goulard. Pourquoi ?
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ...car vous avez centré votre question sur la situation prévisible des régimes de retraite des fonctionnaires.
Nous savons tous que notre système de retraite sera confronté à un choc démographique à partir de 2005 et jusqu'en 2040, et que nous devons l'adapter si nous voulons maintenir les principes d'équité entre générations.
A cette fin, le Gouvernement a confié au Commissariat général du Plan, en mai 1998, une mission d'analyse de notre système de retraite. Elle associe les syndicats représentatifs des salariés, les gestionnaires des régimes de retraite et des représentants des retraités, qui travaillent dans la plus grande transparence, ce qui explique que la presse en parle.
Des projections ont été réalisées à partir de diverses hypothèses macro-économiques portant notamment sur l'évolution du chômage, car ce facteur a une très forte incidence.
La presse a récemment fait état de certaines de ces hypothèses selon lesquelles, en 2015, l'Etat pourrait être amené à augmenter de manière notable sa contribution à l'équilibre des retraites des fonctionnaires à raison de 100 milliards cette année-là. Je voudrais insister sur le fait qu'il ne s'agit là que d'un scénario parmi d'autres qu'a retenus le commissariat général. Ce n'est qu'une simple hypothèse de travail. En outre, je n'ai pas l'intention de les évoquer aujourd'hui, le Commissariat général du Plan devant le faire dans les jours qui viennent, au sein de la commission de concertation.
Nous disposerons du rapport définitif à la fin du premier trimestre 1999 et nous souhaitons que ses conclusions soient aussi largement partagées que possible. Le Gouvernement ouvrira alors, sur ces bases, un dialogue avec les partenaires sociaux sur les différentes pistes de réforme. (Exclamations sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
J'entends bien que vous nous pressez mais ce sont souvent ceux-là mêmes qui nous pressent aujourd'hui qui, en 1995, négligeant tout souci de pédagogie et de dialogue, ont voulu forcer le cours des réformes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous n'avez pas fait avancer beaucoup les choses sur ce problème. Alors laissez le Gouvernement avancer en s'appuyant sur la pédagogie (Exclamations sur les mêmes bancs) et, sur le principe selon lequel on ne réforme pas ou on ne fait pas évoluer les régimes de retraite contre les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. François Goulard. Zéro ! zéro !
Auteur : M. Nicolas Forissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Ministère répondant : fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 décembre 1998