filière bois
Question de :
M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.
M. Patrice Carvalho. Ma question s'adresse à M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les salariés de la SEITA ont manifesté il y a quelques jours. Depuis sa privatisation en 1995, deux sites de ce groupe ont disparu, ceux de Châteauroux et de Périgueux. Nous nous préparons, à présent, à de nouveaux abandons qui ont été évoqués par un de nos collègues, il y a quelques jours, en particulier celui de la production nationale d'allumettes.
La SEITA est-elle déficitaire ? Non, puisque le bénéfice dégagé en 1997 s'élève à 1,2 milliard de francs. Le problème, c'est que la logique de la privatisation est à l'oeuvre.
Prenons l'exemple précisément de la production des allumettes où la concurrence s'est accentuée. Elle est, pour l'essentiel, le fait d'une société suédoise qui produit dans les pays de l'Est européen.
J'ai ici deux boîtes d'allumettes, l'une fabriquée à Saintines, l'autre en République tchèque; sur la seconde est également inscrit: made in France. Par un jeu de sous-traitance, la SEITA produit en République tchèque, recourant ainsi à une main-d'oeuvre moins chère. Les boîtes d'allumettes transitent ensuite par Saintines pour obtenir le label made in France, avant de repartir sur les marchés italien et britannique.
Voilà, monsieur le ministre, à quoi sert une privatisation !
Si l'usine de Saintines est vendue, le marché national sera entièrement aux mains de la concurrence étrangère.
M. Arthur Dehaine. C'est à craindre !
M. Patrice Carvalho. Il faut, au contraire, que la SEITA utilise un peu de ses profits pour diversifier ses productions. Le marché des produits d'allumage s'étend; il faut s'en saisir, sinon il nous échappera.
M. Jacques Myart. OMC !
M. Patrice Carvalho. Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que la France puisse faire face à ce type de logique dévastatrice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le député, la privatisation de la SEITA a été décidée en 1995...
M. Alain Juppé. Il faut la renationaliser !
M. le secrétaire d'Etat au budget ... et c'est à partir de cette date qu'une autre logique a prévalu et que l'on s'est écarté de deux siècles de manufacture des tabacs et de bonne insertion des usines de la SEITA dans leur environnement local.
Il est important cependant que la France dispose d'une entreprise performante dans un secteur, celui des tabacs, où la concurrence internationale est particulièrement vive et où le marché français est particulièrement convoité. C'est pourquoi le Gouvernement veille à ce que cette entreprise évolue de telle façon que le marché national soit bien couvert par des produits fabriqués chez nous et à ce qu'elle développe une logique exportatrice.
Vous avez fait allusion à l'usine d'allumettes de Saintives. Il se trouve que la concurrence du briquet attaque le marché des allumettes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ceux qui ont voté la privatisation de 1995 devraient se montrer moins sarcastiques sur un sujet qui provoque de véritables drames sociaux ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Monsieur le député, je veux vous montrer à quel point le Gouvernement s'implique dans ce problème, en prenant l'exemple du pays de Morlaix. D'abord, il a reçu les élus et les syndicats. Ensuite, il attache une grande importance à la contre-expertise qui sera effectuée à la demande des syndicats avec l'appui des élus. En outre, il a pris, dans le cadre du comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'est réuni hier autour du Premier ministre, plusieurs mesures en faveur du pays de Morlaix, zone d'emploi particulièrement déprimée.
Voilà comment le Gouvernement entend faire prévaloir une logique sociale et d'aménagement du territoire sur une logique marchande. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Patrice Carvalho
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : budget
Ministère répondant : budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 décembre 1998