Question au Gouvernement n° 1039 :
Allemagne

11e Législature

Question de : M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 20 janvier 1999

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.
M. Bernard Cazeneuve. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
La semaine dernière, lors de sa visite en France, M. Trittin a fait part à ses homologues français de la décision prise par le gouvernement allemand de mettre fin par voie législative aux activités de la filière électronucléaire allemande, et plus particulièrement aux contrats de retraitement liant la France à l'Allemagne, les électriciens allemands aux industriels français.
Cette décision est surprenante et grave.
Elle est surprenante parce qu'elle s'inscrit en contravention des contrats liant la France à l'Allemagne, dont un certain nombre ont force juridique de traités internationaux. («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Elle est grave pour trois raisons.
D'abord, elle privera l'industrie française du retraitement de 20 % de sa charge, notamment l'usine de la Hague, située sur un bassin d'emplois mono-industriel, que l'industrie nucléaire soit militaire ou civile, bassin d'emplois qui souffre.
Ensuite, elle risque de remettre en cause l'excellente collaboration initiée en Europe entre la France et l'Allemagne, notamment dans le domaine de l'EPR.
Elle est grave, enfin, parce qu'elle n'est pas assortie d'une décision du gouvernement allemand de rapatrier sur son territoire les déchets allemands retraités au sein de l'usine de La Hague.
Je voudrais par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser trois questions simples: que peut faire le Gouvernement pour ramener les Allemands à de meilleurs sentiments ? Que peut-il faire pour relancer la dynamique de l'EPR, c'est-à-dire les réacteurs de nouvelle génération (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et essayer de relancer la filière «Mox» ? Enfin, que peut-on faire pour contraindre les Allemands à rapatrier sur leur territoire les déchets retraités à La Hague ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, la coopération, au demeurant très positive, avec l'Allemagne dans le domaine nucléaire (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) ne peut se résumer à la seule question des contrats de retraitement. Elle couvre de nombreux thèmes tels que la sûreté avec les deux autorités de sûreté, la sûreté dans les pays de l'Est, en Russie ou en Europe de l'Est, la technologie avec le très important projet EPR de réacteur nouveau pour lequel la société allemande Siemens a déclaré il y a quelques jours son intérêt et réaffirmé son intérêt et son engagement,...
M. Yves Nicolin. Bavardage !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... la gestion sûre et transparente des déchets nucléaires.
Sur ce dernier point, il faut souligner l'intérêt du retraitement en termes énergétiques. Il est évident puisque 96 % du combustible usé est recyclé en nouveau combustible...
M. Philippe Briand. C'est vous qui êtes usé !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et qu'une tonne de combustible usé a la même valeur énergétique que 20 000 tonnes d'équivalent pétrole. L'usage du Mox dans dix réacteurs allemands n'est d'ailleurs pas remis en cause dans l'immédiat, et c'est tant mieux pour l'usine de Cadarache, qui pourra bénéficier d'un bon plan de charge.
L'Allemagne a décidé, et c'est son droit souverain, d'abandonner au 1er janvier de l'an 2000 le retraitement de ses déchets. La loi allemande sur le nucléaire qui est en préparation et qui doit concrétiser cette décision de la coalition allemande doit encore faire l'objet de négociations dans ce pays avec les électriciens concernés.
M. Pierre Lellouche. L'Allemagne paiera !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Toutefois, il faut tenir compte dès à présent en France de cette décision.
Sur le plan des matières et déchets ultimes présents à La Hague, il faut prévoir le retour total en Allemagne dès que possible de la totalité des déchets. C'est la loi française. A ce titre, l'entretien que j'ai eu avec M. Juergen Trittin, le ministre fédéral allemand de l'environnement, peut être jugé très constructif (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), puisqu'il s'est engagé à organiser le retour dès cette année de six châteaux de déchets à haute activité, au demeurant prêts à partir de Cherbourg depuis janvier 1997, dont les modalités de retour seront fixées le plus vite possible.
S'agissant des conséquences économiques de cette décision, des divergences existent entre les points de vue allemand et français. L'Allemagne estime que nous sommes en présence d'un cas de force majeure prévu dans les contrats, et le Gouvernement français estime que le jeu des contrats privés entre COGEMA et les électriciens, d'une part, et des actes internationaux de 1989 et 1990 auxquels vous avez fait référence, d'autre part, conduit à une interprétation différente de celle qui est donnée par le gouvernement allemand et pourrait conduire, s'ils n'étaient pas respectés, à des applications dommageables pour l'économie française. Il faut donc trouver une compensation d'une manière ou d'une autre.
Je suis certain que le groupe de travail qui a été mis en place à Postdam lors de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, il y a quelques semaines, saura trouver les solutions pragmatiques, positives et dynamiques pour garantir l'intérêt des uns et des autres dans le cadre du respect de la fixation par chacun des pays de sa politique énergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Cazeneuve

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 1999

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