Question au Gouvernement n° 1064 :
délinquance

11e Législature

Question de : M. Jean-Luc Warsmann
Ardennes (3e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 1999

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Premier ministre, face à l'augmentation de la délinquance des mineurs, vous avez déclaré le 12 janvier dernier: «L'éloignement des délinquants les plus durs sera organisé». Après votre déclaration, une question toute simple vient à l'esprit: où accueillir ces délinquants que l'on veut éloigner de leur quartier ?
Une des principales réponses à cette question réside dans les unités éducatives à encadrement renforcé, ces centres où les jeunes sont étroitement encadrés en vue de leur rendre des repères, de leur réapprendre les valeurs du travail et de l'effort. Ces centres, ces unités, la décision de les créer a été prise par vos prédécesseurs Alain Juppé et Jacques Toubon en 1996. Cinquante centres devaient être ouverts avant le 31 décembre 1998. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Lorsque vous êtes arrivé au gouvernement, vous avez pris la décision de tout bloquer. Pis: alors que six centres devaient ouvrir quelques semaines après votre arrivée - ce qui signifie qu'ils étaient financés et que les éducateurs qui devaient y travailler avaient été nommés -, vous avez annulé les arrêtés de nomination ainsi que la décision d'ouverture de ces centres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Aujourd'hui, un an et demi après, vous nous dites que vous avez changé d'avis, que vous allez reprendre l'ouverture de ces centres et que vous en avez d'ailleurs programmé une dizaine pour 1999.
C'est totalement insuffisant. Je vous poserai donc deux questions.
Quand allez-vous enfin achever l'application du plan d'ouverture de cinquante centres lancé par l'ancienne majorité ?
Mme Odette Grzegrzulka. Lancé, mais sans que les crédits aient été prévus !
M. Jean-Luc Warsmann. En second lieu, face à la nouvelle augmentation de la délinquance des mineurs, notamment en 1998, quels nouveaux moyens allez-vous mettre en place, au-delà de ce plan, pour nous donner véritablement la possibilité de rendre la sécurité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendant et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je répondrai d'abord à votre question sur les «unités à encadrement renforcé» - puisque c'est ainsi qu'on les appelait lorsqu'elles ont été créées par le précédent gouvernement.
Lorsque je suis arrivée place Vendôme, il en existait huit et non pas cinquante. Plusieurs d'entre elles avaient dû être fermées parce que leur projet éducatif ne «tenait pas la route». (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Louis Debré. Ce n'est pas vrai !
Mme la garde des sceaux. A la fin de 1998, il existait treize «dispositifs à encadrement renforcé» - c'est la nouvelle appellation. Nous en avons donc créé cinq de plus. M. le Premier ministre m'a autorisée à en créer dix autres en 1999, de sorte qu'il y en aura vingt-trois à la fin de cette année.
En outre, le conseil de sécurité intérieure qui aura lieu demain se penchera sur la question de savoir s'il ne faudrait pas en augmenter encore le nombre (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) tant il est vrai que nous avons réussi, en 1998,...
M. Jean-Louis Debré. A tout casser !
Mme la garde des sceaux. ... à faire entrer deux cents jeunes dans ces dispositifs à encadrement renforcé. Ceux-ci permettent des séjours de rupture, avec une discipline certes très forte, mais toujours dans un but éducatif. Ils sont destinés à réinsérer ces jeunes dans leur famille, dans leur quartier et dans la société.
M. Philippe Briand. Parlons-en !
Il faudrait vraiment qu'un nombre plus important de jeunes puissent «passer» par ces structures et bénéficier d'un tel encadrement: un éducateur-un jeune.
M. Jean-Louis Debré. Vous avez perdu dix-huit mois !
Mme la garde des sceaux. Il faudrait aussi, vraisemblablement, allonger la durée de leur séjour.
M. Yves Fromion. Alors, faites-le !
Mme la garde des sceaux. Je tiens à le dire ici: la grande majorité des jeunes ne sont pas des délinquants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et, parmi eux, il n'y a pas que des multirécidivistes.
Il est très important de continuer à développer les dispositifs décidés par le conseil de sécurité intérieure du mois de juin, c'est-à-dire, pour la grande masse des primo-délinquants: le traitement en temps réel, la convocation immédiate par la justice du mineur accompagné de ses parents, les mesures de réparation et de sanction proportionnées au délit commis, de la lettre d'excuse au travail d'intérêt général. 80 à 90 % des mineurs à qui sont appliquées ces procédures ne récidivent pas, je tiens à le souligner.
A l'encontre de ceux qui commettent les actes les plus graves, il y a la prison. 4 000 jeunes mineurs y sont allés en 1998. Et, de ce point de vue, contrairement à ce qu'on entend trop souvent, la justice n'est pas laxiste. Même des jeunes de moins de seize ans se retrouvent en prison lorsqu'ils ont commis des crimes - pas seulement des crimes de sang, mais également des vols en réunion. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Le conseil de sécurité intérieure se penchera sur ces questions avec un double objectif: d'abord, faire en sorte d'apporter des réponses beaucoup plus efficaces à la lutte contre la délinquance des mineurs (Exclamations sur les mêmes bancs);...
M. Yves Nicolin. Enfin !
Mme la garde des sceaux. ... ensuite, faire en sorte d'avoir toujours à l'esprit et l'éducation et la sanction, car aucun jeune ne peut être considéré a priori comme irrécupérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Warsmann

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Jeunes

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 janvier 1999

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