valeurs mobilières
Question de :
M. François d'Aubert
Mayenne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. François d'Aubert.
M. François d'Aubert. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les turbulences observées sur les bourses et les marchés financiers, voire les baisses importantes qu'il faut naturellement interpréter avec prudence, ont au moins deux conséquences. D'abord, elles inquiètent les épargnants et les petits porteurs d'actions. Ensuite, elles portent en elles-mêmes le risque d'un ralentissement de la croissance mondiale, donc de la croissance européenne, et donc de la croissance française, alors même que le projet de budget pour 1998 est fondé sur une hypothèse de croissance forte de 3 %, que certains trouvent optimiste.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur le ministre. Premièrement, vous paraît-il opportun, au moment où les épargnants sont inquiets, de les matraquer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) par des mesures fiscales et sociales, qui aboutiront en particulier à brimer les dividendes, l'avoir fiscal et à désinciter les épargnants de financer les entreprises ?
M. Arthur Dehaine. Très juste !
M. François d'Aubert. Deuxièmement, vu les circonstances, ne vous paraîtrait-il pas opportun, au contraire, d'inciter les épargnants à investir dans les entreprises, dans les dividendes, dans les actions plutôt que dans les obligations, ce qui implique des mesures de redressement ?
Enfin, troisièmement, monsieur le ministre, compte tenu des éléments récents et du risque de ralentissement de la croissance, ne pensez-vous pas devoir être amené, par mesure de précaution, à revoir vos prévisions de croissance pour 1998 ? Il en est encore temps, puisque la discussion budgétaire n'est pas terminée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, avant de vous répondre, je souhaite évoquer de façon plus générale la situation actuelle des marchés. La baisse sur les différents marchés a été très brutale et s'il est sans doute trop tôt pour se livrer à un quelconque commentaire sur les évolutions à venir, je voudrais néanmoins faire deux ou trois remarques qui replacent cette situation dans son contexte.
Tout d'abord, comme chacun le sait ici, la crise des monnaies et des bourses que nous voyons se dérouler a pris racine en Asie, en raison des difficultés rencontrées par les économies asiatiques au cours de ces dernières semaines. L'analyse en est maintenant bien connue: des politiques conduites faisant apparaître des déficits courants trop importants; des politiques de change ne tenant pas assez compte des interdépendances régionales; une expansion trop rapide du crédit conduisant à de la spéculation et des gouvernements n'ayant parfois pu prendre à temps toutes les mesures nécessaires en raison de difficultés politiques locales. Après une très forte croissance, une crise d'ajustement se déroule donc sous nos yeux. Dans ces pays, elle doit trouver sa solution sous l'égide des organisations internationales mises en place par Bretton Woods - je pense à la banque mondiale et au FMI. Pour autant, au point où nous en sommes aujourd'hui, je ne crois pas que cette crise remette en cause les potentialités de croissance en Asie, même s'il est probable qu'elle les ralentira pour quelques mois.
Ensuite, la baisse des bourses à laquelle nous assistons n'est pas totalement inattendue. Peut-être vous en souvient-il, à l'hiver dernier, Alan Greenspan, qui dirige le système de réserves américain, mettait en garde les marchés contre leur exubérance irrationnelle. Cela n'a pas empêché les bourses, y compris celle de New York, de continuer à monter très rapidement. Aujourd'hui, nous assistons à une chute importante. Ce qu'il ne faudrait pas, c'est que la baisse elle-même devienne irrationnelle. Ce qui fonde les cours des actions des entreprises, au moins à moyen terme, ce sont bien sûr les perspectives de profit et, pour les entreprises européennes, c'est principalement, sinon exclusivement, la croissance en Europe.
M. André Santini. Il parle pour ne rien dire !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions il convient de s'interroger - c'est un peu le sens de votre question - sur les conséquences possibles sur la croissance de ce que nous vivons aujourd'hui sur les marchés. Nous pouvons dire aujourd'hui qu'en France comme en Europe, la reprise est là, qu'elle est solide et profonde. Pour ma part, je pense qu'elle n'est en aucune manière atteinte par ce qui se passe sur les marchés.
Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons vécu une période durant laquelle la croissance était très forte en Asie et beaucoup plus faible en Europe. Nous pourrions bien entrer dans une période où la reprise serait forte en Europe et plus modérée en Asie. L'économie mondiale ne tourne jamais avec tous ses moteurs à plein régime et l'on ne peut écarter d'un revers de main l'hypothèse selon laquelle la croissance mondiale pourrait maintenant être plus volontiers tirée par ce qui se passe en Europe. D'autant que la reprise européenne, qui a longtemps été fondée sur ce que lui apportait l'extérieur, se reconvertit depuis plusieurs mois vers une croissance fondée sur la demande interne. C'est d'ailleurs la logique du Gouvernement dans sa politique économique. Chacun d'entre vous sait bien qu'il n'y a pas de lien direct entre ce qui se passe sur le marché boursier et la croissance.
M. Pierre Mazeaud. Monsieur le président, c'est bien long !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons connu des périodes durant lesquelles la croissance était faible et les marchés s'envolaient. Nous pourrons très bien connaître des périodes pendant lesquelles la croissance restera forte et où les marchés seront moins puissants.
M. le président. Monsieur le ministre, s'il vous plaît, pouvez-vous conclure ?
M. Didier Boulaud. Mais il répond à trois questions à la fois !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens à vos remarques, monsieur d'Aubert. Je ne m'attarderai pas sur ce qui est un peu trop directement lié à notre débat budgétaire: non, je ne crois pas aujourd'hui que les hypothèses de croissance de notre pays soient remises en cause ! En revanche, il faut rester très attentif aux évolutions. Il faut notamment faire en sorte que la surveillance de la liquidité et de la solvabilité du marché, sur lesquelles j'ai attiré l'attention de la Banque de France et des autorités monétaires françaises, se poursuive, car l'équilibre de notre marché repose sur cette liquidité.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Monsieur le président, intervenez ! Dix minutes que le ministre parle !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous m'interrogez sur les mesures qu'il faudrait prendre. Il faut faire en sorte que le marché fonctionne normalement. C'est ce à quoi, pour ma part, je m'emploie, comme d'ailleurs l'ensemble de mes collègues du G 7. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Mes chers collègues, si vous souhaitez que les réponses des ministres soient plus courtes, peut-être pourriez-vous éviter de poser trois questions en une seule ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. François d'Aubert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Marchés financiers
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 octobre 1997