égalité des sexes
Question de :
Mme Martine Lignières-Cassou
Pyrénées-Atlantiques (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 28 janvier 1999
M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.
Mme Martine Lignières-Cassou. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. La gardienne !
Mme Martine Lignières-Cassou. Au nom du groupe socialiste et, je le pense, de l'ensemble des mes collègues dans cet hémicycle, je voudrais ici, madame la ministre, exprimer notre colère devant ce que nous considérons comme un refus de la part du Sénat de modifier la Constitution pour garantir la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous savons d'expérience que les droits des femmes se conquièrent et que rien ne leur a jamais été donné.
M. Claude Goasguen et M. Yves Nicolin. Badinter !
Mme Martine Lignières-Cassou. Mais nous étions confiants et confiantes quant à l'aboutissement de ce projet, car nous l'avions voté ici même à l'unanimité, le 16 décembre dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Mme Christine Boutin et M. Yves Nicolin. Non !
Mme Martine Lignières-Cassou. Nous étions d'autant plus confiants et confiantes que ce texte est la traduction de la volonté du Premier ministre de moderniser la vie publique, volonté partagée par le Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Certes, nous savons que cette révision constitutionnelle est une première étape et qu'elle doit être suivie de lois d'application pour entrer dans les faits. Mais c'est une étape incontournable. Le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de nous le rappeler puisque, dans sa décision consternante du 18 janvier (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), il a annulé les dispositions relatives à la parité sur les listes des élections régionales.
Madame la ministre, nous souhaiterions connaître votre analyse du vote émis hier par le Sénat car, pour nous, il mérite de figurer dans les annales anthologiques de l'hypocrisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La majorité sénatoriale s'est drapée dans des arguties philosophiques, cache-sexe de son archaïsme.(Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Badinter !
Mme Martine Lignières-Cassou. Oui, le concept d'universalisme peut aussi servir à renforcer la domination masculine. Beau gâchis ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Madame la ministre, nous voudrions aussi savoir si, pour vous comme pour nous, la modification de l'article 3 de la Constitution est indispensable pour que nos assemblées soient effectivement composées à parts égales d'hommes et de femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le Gouvernement a-t-il toujours la volonté de faire aboutir cette réforme pour qu'enfin le pays des droits de l'homme soit aussi celui des droits des femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, hier le Sénat a en effet rejeté le projet de loi sur la parité...
M. Claude Goasguen. Badinter !
Mme la garde des sceaux. ... proposé par le Gouvernement, approuvé par le Président de la République et adopté à l'unanimité sur ces bancs, ici même à l'Assemblée nationale.
Mme Christine Boutin et M. Yves Nicolin. Non ! Ce n'est pas vrai !
Mme la garde des sceaux. Sur les raisons de ce rejet, Nicole Péry et moi-même, qui défendions le projet,...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Badinter !
Mme la garde des sceaux. ... avons tout entendu. D'abord, que ce projet était inutile parce que, c'est bien connu, ce sont les femmes qui ne veulent pas exercer les fonctions et mandats électifs. Ensuite, on nous a dit que ce projet remettait en cause de grands principes, par exemple celui de l'universalité, et que nous risquions d'aller vers une république sexuée. Ce à quoi nous avons répondu que nous préférions une république sexuée à une république sexiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Nous avons aussi entendu que ce projet de loi produirait des effets pervers puisque, ayant reconnu aux femmes certains droits particuliers, il faudrait les reconnaître à d'autres catégories. Ce à quoi nous avons répondu que les femmes ne sont pas une «catégorie», qu'elles sont la moitié de l'humanité, et que l'on en trouve d'ailleurs dans toutes les catégories. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
La solution du Sénat consiste à s'en remettre à la bonne volonté des partis politiques et au cours naturel des choses. C'est ce qu'on fait depuis des siècles, avec le résultat que l'on sait: 5 % de femmes au Sénat et 11 % à l'Assemblée nationale, grâce à l'engagement pris par les partis de gauche de présenter plus de femmes lors des dernières élections législatives.
Plusieurs députées du groupe socialiste. Eh oui !
Mme la garde des sceaux. Le Gouvernement, bien sûr, reste sur sa position. Il préfère faire confiance au législateur et souhaite la modification de l'article 3 de la Constitution qui vise précisément à incarner cette souveraineté. Par conséquent, il serait bon que le Sénat évolue. Si tel n'est pas le cas, la réforme sera bloquée et la parité ne se fera pas, compte tenu de la position du Conseil constitutionnel.
Je pense toutefois que le Sénat pourra évoluer car j'ai noté hier que nombre de sénateurs n'avaient pas l'air très fier de ce qu'ils avaient fait. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
En tout cas, le Gouvernement est déterminé à mener à bien cette réforme. Il a d'ores et déjà programmé la deuxième lecture du texte à l'Assemblée le 16 février, et au Sénat début mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Eric Doligé. Autant supprimer le Sénat !
Auteur : Mme Martine Lignières-Cassou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 1999