Question au Gouvernement n° 1087 :
égalité des sexes

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 3 février 1999

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis que, en 1982, le Conseil constitutionnel a annulé une loi prévoyant des quotas pour les femmes et les hommes, seize ans se sont écoulés avant qu'on ne propose au Parlement une révision constitutionnelle, somme toute assez modeste, puisqu'elle ne vise qu'à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats, alors que le préambule de notre Constitution garantit, lui, l'égalité entre les femmes et les hommes.
Que s'est-il passé en France depuis seize ans ? Rien ou presque. Certes, il y a eu la loi Roudy, et fort heureusement, mais elle est mal ou peu appliquée...
Mme Yvette Roudy. Elle n'est pas appliquée du tout !
M. Yves Cochet. Elle ne l'est pas du tout, vient de dire Mme Roudy.
Il y a eu également l'émergence, au niveau européen, du concept de parité. Il y a eu, évidemment, les manifestations des mouvements féministes. En 1995, il y a même eu, organisée par l'ONU, à Pékin, une grande conférence internationale sur le droit des femmes. («A Pékin !» sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République.) Pourtant, je vois que, dans notre assemblée comme pour l'ensemble des mandats et fonctions, il n'y a pas plus de femmes élues aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1982. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je pense donc qu'il faut faire quelque chose.
On a déjà débattu du concept de parité et de l'universalisme. Je voudrais répondre à ceux et à celles qui pensent que la parité serait une sorte de brèche communautariste que, au contraire, celle-ci représente une grande avancée universaliste dans la mesure où les femmes ne sont pas plus que les hommes une catégorie: elles sont la moitié de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Nicole Catala. Très juste !
M. Yves Cochet. Au moment où le Sénat a la faculté de bloquer cette réforme importante, au point que l'on peut se demander si, lors du Congrès, cette réforme ne pourrait pas tout simplement avorter, le Gouvernement doit prendre une initiative.
En cas de blocage, monsieur le Premier ministre, vous êtes en mesure, en vertu des articles 11 ou 89 de la Constitution, de proposer l'organisation d'un référendum au chef de l'Etat. Le ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Bouvard. Comme pour le traité d'Amsterdam !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le Sénat a en effet profondément bouleversé le texte que votre assemblée a voté à l'unanimité, tous groupes politiques confondus.
Mme Odette Grzegrzulka. C'est scandaleux ! Quels ringards, ces sénateurs !
Mme la garde des sceaux. Il refuse que l'on modifie l'article 3 de la Constitution pour y introduire l'objectif de parité.
Je le répète ici, devant vous: je suis attachée, et le Gouvernement avec moi, pour des raisons symboliques et politiques, à ce que ce soit cet article 3 qui fasse l'objet de la révision constitutionnelle. («Très bien !» et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Bernard Roman. Très bien !
Mme la garde des sceaux. Le Sénat préfère modifier l'article 4, c'est-à-dire s'en remettre à la bonne volonté des partis politiques pour promouvoir l'accès des femmes aux fonctions politiques. Il empêche ainsi le législateur de prendre ses responsabilités. Il y a là un paradoxe étonnant: le Sénat admet que les partis politiques sont responsables de la sous-représentation des femmes dans les assemblées et, dans le même temps, il veut s'en remettre à eux pour trouver la solution au problème !
M. Bernard Roman. Incroyable !
Mme la garde des sceaux. La vraie question est la suivante: le Sénat veut-il oui ou non de cette réforme constitutionnelle ?
Mme Odette Grzegrzulka. Supprimons le Sénat !
Mme la garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur Cochet, de trouver que l'argument d'universalisme est trop facile. Car, après tout, l'universalisme s'est accommodé depuis deux siècles d'une domination masculine presque sans partage dans nos assemblées politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Sylvia Bassot. Ce n'est pas vrai !
Mme la garde des sceaux. Qui s'est ému alors de cette dérogation choquante à l'universalisme ? Combien de fois faudra-t-il répéter que les femmes ne sont une catégorie, mais la moitié de l'humanité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Je tiens à dire ici que le Gouvernement souhaite que l'article 3 soit révisé et que le Sénat évolue car, sinon, la réforme sera bloquée en raison de la position qu'a prise le Conseil Constitutionnel en 1982 et qu'il a réaffirmée le 14 janvier dernier.
Je pense que le Sénat peut évoluer, car nombreux sont les sénateurs qui n'étaient ni fiers ni satisfaits de la décision prise par leur majorité.
Le projet reviendra devant vous en deuxième lecture le 16 février. Il reviendra le 4 mars devant le Sénat. Je souhaite que nous mettions ce temps à profit pour faire en sorte que la réforme constitutionnelle passe et qu'elle passe avec l'aval des deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 1999

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