politique de la santé
Question de :
M. Yves Fromion
Cher (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1999
M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.
M. Yves Fromion. Monsieur le Premier ministre, selon diverses sources, un projet de décret viserait à étendre à l'alcool les compétences attribuées à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Cette information a reçu une confirmation indirecte à travers les confidences de la présidente de la MILDT à un journal du soir, au mois de janvier.
Eu égard à l'importance de la mesure envisagée, on ne peut qu'être, une nouvelle fois, surpris de la désinvolture - apparente sans doute - avec laquelle la représentation nationale est traitée.
En effet, les dispositions envisagées soulèvent des problèmes considérables.
D'abord, un problème économique évident, lié aux conséquences qu'aurait un amalgame fait entre les drogues et l'alcool. Sans doute convient-il de lutter contre les abus de consommation d'alcool qui constituent un véritable problème de santé publique. Mais ce ne peut être au détriment de la production et de la consommation raisonnable et conviviale de vins et boissons alcoolisées.
Dans le contexte des difficultés européennes aiguës où se trouve l'agriculture française, il serait déraisonnable de prendre des mesures injustement pénalisantes, en termes d'image, donc de ventes, qui affaibliraient l'un de nos principaux secteurs agro-alimentaires et l'un de nos principaux postes à l'exportation.
Par ailleurs, le parallélisme que vous voulez introduire entre drogues, médicaments, alcool et tabac est de nature à banaliser la consommation des drogues. Vous offrirez ainsi aux partisans de la dépénalisation des produits psychotropes l'occasion rêvée pour exiger un alignement des législations, notamment répressives,...
M. Christian Bourquin. La question !
M. Yves Fromion. ... entre drogues, alcool et tabac, dès lors que vous aurez institutionnalisé l'amalgame.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Yves Fromion. Ecoutez-moi au lieu de crier ! Vous réagirez après !
Enfin, troisième et dernière observation, croyez-vous sincèrement que la MILDT soit en mesure de s'intéresser efficacement au problème de la prévention de l'alcoolisme quand on considère objectivement, et sans procès d'intention, les faibles performances à mettre à son actif en matière de lutte contre les drogues depuis sa création ?
M. Christian Bourquin. La question !
M. Yves Fromion. Monsieur le Premier ministre, eu égard à l'ampleur des conséquences que je viens de rappeler, pouvez-vous préciser si vous envisagez effectivement de prendre des mesures visant à faire entrer l'alcool dans le champ des compétences de la MILDT ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, je vous remercie d'avoir entamé, et sur ce ton, un débat nécessaire. Mais si le débat s'impose, rien n'a été tranché pour le moment et, surtout, il n'a pas été décidé d'opérer cet amalgame, comme vous semblez en accuser le Gouvernement.
En revanche, monsieur le député, ce qui compte - mais j'ai compris à travers vos propos que vous en étiez d'accord - c'est de réduire les risques pour les individus, jeunes ou moins jeunes. Telle est, en effet, la position du Gouvernement. Nous avons fait ce terrible constat dans le «baromètre jeunes» - quatre ans d'études sur la consommation chez nos jeunes - que la consommation de tabac commence à l'âge de douze ans ou douze ans et demi; l'alcool prend le relais et s'additionne à partir de quinze ans, dit-on, et, à dix-neuf ans, il y a consommation de drogues illicites.
Ce que nous souhaitons, monsieur le député, c'est non pas stigmatiser les produits mais, puisqu'il s'agit de «poly-toxicomanies», prendre en charge globalement les personnes.
Cela dit, vous avez tort d'affirmer que la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie n'a pas été performante. Elle a la tâche difficile de réunir l'ensemble des ministères intéressés - et ils sont très nombreux - afin que la politique de réduction des risques, de tous les risques, qu'ils proviennent des toxiques légaux ou illégaux, qui est celle du Gouvernement, soit prise en compte, pour améliorer la santé, en particulier de notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Yves Fromion
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé et action sociale
Ministère répondant : santé et action sociale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 1999