Question au Gouvernement n° 1177 :
Internet

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1999

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le 10 février dernier, M. Valentin Lacambre, responsable d'un hébergement sur Internet, a été condamné par la cour d'appel de Paris à verser 405 000 francs à Estelle Halliday pour avoir simplement hébergé un site qui exposait des photos non autorisées par la top model. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je vous en prie ! Cela pose des questions de droit !
Je pense que cette condamnation est doublement inique.
Première injustice, on rend responsable éditorial du contenu d'un site un intermédiaire technique chargé de véhiculer, de transporter, de fournir - automatiquement - des informations dont il ne peut, évidemment, connaître le contenu.
Deuxième injustice, par le montant de la condamnation - 405 000 francs ! - on le traite comme le directeur d'une publication lucrative, alors qu'il fournit l'hébergement à titre gratuit.
Pour conserver l'Internet non marchand, et protéger la liberté d'expression, il faut refuser la responsabilité éditoriale des intermédiaires techniques et l'obligation de déclaration préalable des pages Web. Il faut, évidemment, refuser la mort de l'hébergement gratuit.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que les fournisseurs d'accès et de services ne puissent pas être tenus pour responsables de contenus dont ils ne sont pas les auteurs ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'appartient évidemment pas au Gouvernement de commenter une décision de justice qui vient d'être rendue.
M. Yves Nicolin. Mais on peut changer la loi !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En revanche, il lui appartient d'éclairer l'avenir et de vous dire quelles sont ses intentions. L'Internet est certainement un des grands sujets de société de cette fin de siècle et du début du siècle prochain. Son développement est porteur d'innovations, d'activités et d'emplois. Il est porteur aussi d'une nouvelle forme de liberté d'expression. Mais qui dit liberté dit responsabilité.
Le problème que vous posez, et qui est juste, est de savoir, dans cette forme nouvelle d'expression, comment doit se matérialiser la responsabilité.
Que font les hébergeurs ? Ils reçoivent sur leurs ordinateurs un très grand nombre de sites et ils permettent à tout un chacun qui utilise l'Internet de les consulter. S'agissant de l'hébergeur que vous venez d'évoquer et qui a été condamné, il y avait plus de 40 000 sites sur ses ordinateurs. Il lui était donc à l'évidence impossible de connaître le détail de chacun des sites qu'il héberge.
Pourtant, il faut bien que quelqu'un soit responsable.
Il faut bien faire la différence entre l'hébergeur et celui qui produit un site et le met sur le réseau.
M. Yves Nicolin. Voilà !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'hébergeur joue un rôle proche de celui de France Télécom, qui n'est pas responsable du contenu des conversations qui peuvent passer sur les fils téléphoniques. En revanche, France Télécom est capable, si la justice le trouve nécessaire, de retrouver l'origine d'un appel.
Il faut donc que les responsables éditoriaux de ce qui est mis sur le Net soient ceux qui produisent le contenu, mais que l'hébergeur, lui, soit capable, si c'est nécessaire - les exemples sont nombreux: violation de la loi, terrorisme, pédophilie - de retrouver l'origine de l'émetteur et de permettre à la justice de faire son travail.
Il convient donc que la législation soit adaptée en ce sens. D'ailleurs, je vous informe - mais en bon connaisseur de ces choses, vous devez le savoir - qu'une directive est en préparation à Bruxelles, qui va dans le sens que vous souhaitez. Elle permet de faire la différence entre l'hébergeur, qui est un prestataire de services techniques, et celui qui met sur le réseau un site particulier, qui doit être responsable de son contenu et qui est susceptible d'être poursuivi en justice.
Soit la directive européenne viendra suffisamment tôt et nous nous y adapterons, soit il faudra que la France légifère. Mais il convient d'aller dans ce sens de façon à permettre le développement de l'Internet, la sécurité des personnes et la liberté d'expression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 1999

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