Question au Gouvernement n° 1333 :
Corse

11e Législature

Question de : M. Christian Estrosi
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1999

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi. Monsieur le Premier ministre, tout le monde a pu mesurer votre extraordinaire capacité à vous défausser sur d'autres de vos responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Ah oui !
M. Christian Estrosi. Il semblerait que vous ne soyez responsable de rien !
La nomination du préfet Bonnet, ce n'est pas vous ! La proposition émanerait de votre ministre de l'intérieur. La décision, quant à elle, reviendrait au Président de la République. C'est pourtant bien vous qui l'aviez choisi !
Mme Odette Grzegrzulka. Changez de disque !
M. Christian Estrosi. La création du GPS, ce n'est pas vous ! Vous oubliez simplement l'existence d'un comité interministériel à Matignon qui a défini le rôle de ce même GPS le 14 mai 1998.
Bref ! vous ne savez rien, vous ne connaissez rien et, surtout, vous ne décidez de rien.
Tout cela n'est pas digne. On perçoit dans votre comportement la volonté de vous protéger à tout prix (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) avant que la justice n'ait poursuivi ses investigations. Que craignez-vous ?
Comment pourriez-vous sérieusement estimer qu'il ne rentrait pas dans vos compétences de contrôler l'action de ce préfet ? C'est ce que vous faisiez pourtant, avec trois de vos collaborateurs directs, en recevant très régulièrement à Matignon le préfet Bonnet.
Monsieur le Premier ministre, n'avez-vous pas reçu - fait sans précédent ! - le préfet Bonnet et le procureur général de Corse le 14 septembre 1998 ? Votre directeur de cabinet n'a-t-il pas présidé des réunions hebdomadaires sur la Corse jusqu'en mars 1999, date à laquelle elles sont devenues mensuelles ?
Vous étiez informé de certaines dérives, dont l'opposition vous avait saisi ici même: écoutes illégales, enquêtes parallèles, pratiques contestables.
Reconnaissez au moins que votre responsabilité politique est d'exercer le contrôle des préfets.
C'est la Constitution qui l'affirme, et le décret de 1982 indique clairement que le préfet est le représentant du Premier ministre et des ministres.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous, oui ou non, exercé ce contrôle politique sur l'action du préfet Bonnet en Corse ?
Vous l'avez choisi, vous l'avez dirigé, vous l'avez contrôlé: nous attendons de votre part des explications sur les conditions de ce contrôle et nous attendons surtout que, cette fois, vous ne vous défaussiez pas sur d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je répondrai très tranquillement à M. Estrosi qu'il semble ne pas savoir comment fonctionne l'administration et le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Ferrand. Ca, personne ne le sait !
M. le ministre de l'intérieur. Permettez-moi de vous faire un simple rappel. Le préfet, dans tous les départements, représente tout le Gouvernement, c'est-à-dire tous les ministres. Il n'est absolument pas anormal que, pour assurer ses tâches de coordination, l'Hôtel Matignon réunisse les représentants de tous les ministères intéressés et le préfet lui-même.
Prenons l'exemple de l'enquête sur le Crédit agricole. («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Odette Grzegrzulka. C'est un très bon exemple !
M. Jean-Michel Ferrand. Pourquoi ne prenez-vous pas l'exemple de l'enquête sur la MNEF ?
M. le ministre de l'intérieur. L'enquête sur le Crédit agricole, avec 7 milliards d'en-cours, 2 milliards de créances douteuses provisionnées (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), intéresse le ministère de l'agriculture, le ministère des finances, le ministère de la justice et, comme l'enquête était confiée à la gendarmerie, le ministère de la défense et, bien entendu, Matignon. Je ne vois pas en quoi vous pouvez critiquer l'Hôtel Matignon d'avoir assuré son rôle normal de coordination.
M. Yves Fromion. Tout va bien, en effet !
M. Lucien Degauchy. Vous êtes «incritiquable» !
M. le ministre de l'intérieur. Pour le reste, le préfet Bonnet avait été chargé de la sécurité en Corse. Rares étaient ceux qui avaient cette expérience. Il était volontaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Par conséquent, dans une période aussi tragique que celle qui a suivi l'assassinat du préfet Erignac, c'étaient des arguments qui devaient être pris en considération.
Monsieur Estrosi, des dysfonctionnements peuvent toujours se produire, je l'ai déjà dit.
M. Philippe Auberger. Oui, mais il y en a des petits et des gros !
M. le ministre de l'intérieur. Et, dans une démocratie, ils doivent être sanctionnés aussi rapidement que possible. C'est ce qui a été fait. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mais ne vous engouffrez pas dans la brèche et ne remettez pas en cause la politique de l'établissement de l'Etat de droit. Vous avez le droit, bien entendu, de vous opposer, mais vous ne pouvez pas le faire sur n'importe quelle base. (Mêmes mouvements.)
M. Yves Nicolin. Incendiaires !
M. le ministre de l'intérieur. Pensez qu'à l'occasion de ce dérapage lamentable, aujourd'hui relèvent la tête tous ceux qui manient le revolver et le pain de plastic. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Fromion. C'est vous qui en êtes responsables !
M. le ministre de l'intérieur. Moi, je regarde ce qui se passe, monsieur Estrosi. Les coquins triomphent et les fripons pavoisent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. Grâce à vous !
M. Jean-Michel Ferrand. C'est votre faute !
M. le ministre de l'intérieur. Par conséquent, la République maintiendra son cap et nous maintiendrons la continuité de la politique d'établissement de l'Etat de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Ferrand. Vous êtes des irresponsables ! Vous êtes les saboteurs de la République.
M. le président. Chers collègues, on a beaucoup de mal à entendre ce que les uns et les autres disent. Il faut que celui qui pose la question soit écouté en silence et que celui qui répond le soit aussi.

Données clés

Auteur : M. Christian Estrosi

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 1999

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