Question au Gouvernement n° 1336 :
commerce international

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1999

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et porte sur l'OMC, «l'Organisation mondiale du Commerce, dont je crains qu'elle ne devienne bientôt l'OCM, «l'Organisation commerciale du monde»...
Les quinze pays européens se sont réunis récemment et ont décidé la libéralisation des marchés dans trois nouveaux domaines qui, pour l'instant, échappent aux prérogatives de l'OMC.
Le premier domaine est celui de l'investissement avec le transfert de l'AMI - Accord multilatéral sur l'investissement - de l'OCDE vers l'OMC.
Le deuxième domaine est celui de la politique de la concurrence: par l'intermédiaire de ce que l'on appelle la condition nationale, des transnationales seraient en droit de demander le même traitement que des petites firmes locales.
Le troisième domaine, enfin, est celui des marchés publics. Compte tenu des mécanismes de règlement des différends de l'OMC, des transnationales pourraient faire juger des Etats et des gouvernements pour distorsion de concurrence du fait de la non-ouverture du marché dans les domaines de la santé, de l'école, des déchets ou de tout autre secteur public.
La négociation commencera l'an prochain en vue de ce que l'on appelle le «round du millennium» qui s'annonce pour fin novembre, début décembre, à Seattle.
Il y a trois semaines, l'OMC a déjà condamné l'Union européenne parce qu'elle avait une politique extérieure protectionniste pour l'importation des bananes.
Aujourd'hui même, l'OMC va condamner l'Union européenne simplement parce qu'elle ne veut pas importer de la viande aux hormones et c'est quelque chose comme 200 millions de dollars que nous allons devoir payer à ce titre.
C'est véritablement là un problème international, qui concerne l'Union européenne aussi bien que la France. Or ce sont des questions dont nous débattons fort peu dans cette enceinte. Le Gouvernement entend-il organiser un débat en juin pour associer la représentation nationale à la préparation et au suivi des négociations de l'OMC ?
M. Philippe Vasseur. Très bien !
M. Yves Cochet. Au-delà, quelles réformes la France entend-elle proposer pour y intéresser la société civile et pour faire évoluer la jurisprudence de manière à rendre les conditions du commerce plus équitable ?
Sur le fond, enfin, le Gouvernement soutient-il l'élargissement des domaines de compétences et d'intervention de l'OMC ? Quel bilan a-t-il déjà tiré de l'Uruguay Round avant de se lancer dans de nouvelles négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Philippe Vasseur, M. Franck Borotra et M. Dominique Bussereau. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le député, le conseil informel des ministres du commerce de l'Union européenne, qui s'est tenu lundi dernier à Berlin, a été l'occasion d'un premier échange de vues entre les Etats membres, dans la perspective de la réunion des ministres de l'OMC à Seattle, fin novembre et début décembre, qui devra décider du lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales. Nous reparlerons du sujet de manière plus formelle à Bruxelles, fin mai, lors du conseil des affaires générales, et encore à l'automne, sous présidence finlandaise. (Mouvements divers sur les mêmes bancs.)
Permettez-moi, monsieur le député, de commencer en répondant à votre dernière question. Il faut tirer le bilan des accords d'Uruguay. Un travail technique est en cours sur ce point, à Bruxelles et à Genève. Mais d'ores et déjà, grâce au règlement des différends, nous avons un peu progressé pour équilibrer, au niveau de l'OMC, les tentations unilatérales de certains de nos partenaires. (Mêmes mouvements.) C'est là une évolution favorable, car les dernières années et particulièrement la crise des pays émergents ont bien montré que nous avons besoin d'un cadre plus solide pour l'échange économique international. J'ajoute qu'en 1998, nous avons exporté la moitié de notre production industrielle, contre moins d'un tiers en 1986, année du lancement du cycle d'Uruguay. C'est dire que, avec ou sans nous, les entreprises s'internationalisent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Quel talent !
M. Jean-Luc Préel. Quel brio !
M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Faut-il ensuite, dans ce contexte, ouvrir l'OMC à de nouveaux sujets ? Je crois que oui. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lellouche. Il «croit que oui» !
M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. L'échange international ne peut plus se résumer à la question des barrières tarifaires. Et si certains de nos partenaires, à commencer par les Etats-Unis, souhaitent limiter le champ de la prochaine négociation à quelques baisses de tarifs pour ouvrir encore plus nos marchés, je crois que ce n'est point suffisant. Nous devons peser pour que les prochaines négociations ne se limitent pas à la recherche d'une plus grande ouverture et qu'elles apportent une réelle contribution à la régulation des échanges internationaux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je pense notamment à l'environnement et à la protection des consommateurs, ou encore aux normes sociales. (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. le président. Vous applaudirez à la fin, mes chers collègues.
M. Jean-Louis Debré. Oh non !
M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. J'ai donc demandé la création d'un groupe de travail commun à l'OMC et à l'OIT; il faudra en outre prévoir l'articulation entre les accords environnementaux et les règles de l'OMC.
En second lieu, rien ne se fera sans les pays en développement, en particulier les plus pauvres d'entre eux. Ce sera un point central de notre discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Enfin, il ne serait pas raisonnable d'abandonner aux seules forces du marché les questions relatives à l'investissement. Il ne s'agit pas de recommencer les erreurs de l'AMI; nous devons protéger notre exception audiovisuelle et négocier un accord qui ne menace pas la souveraineté des Etats.
M. Pierre Lellouche. Cest fini ?
M. Olivier de Chazeaux. Appelez le SAMU !
M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Enfin («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants), nous avons deux nouvelles réunions à prévoir pour préciser la position française, sur l'agriculture, avec M. Jean Glavany, et sur l'environnement, avec Mme Voynet. (Mêmes mouvements.) S'agissant des normes sociales, j'organise un colloque le 15 juin. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous aurons à en discuter avec vous cet automne dans le cadre de la préparation de la prochaine négociation; un débat sera organisé avec la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : commerce extérieur

Ministère répondant : commerce extérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 1999

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