construction aéronautique
Question de :
M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 1997
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Merci, monsieur Zuccarelli, pour votre non-réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean Ueberschlag. Il n'a rien à dire !
M. Jacques Myard. Monsieur le Premier ministre, je m'adresse à vous car la question que je m'apprête à poser intéresse bien évidemment tout le Gouvernement et plusieurs de vos ministres, même si, en réalité, elle relève peut-être davantage de la compétence du ministre des affaires étrangères.
Le 30 juillet dernier, nous avons appris que la Commission avait décidé de donner son aval à la fusion de deux gros avionneurs américains, Boeing et McDonnell Douglas.
L'industrie aéronautique est l'un des fleurons de notre industrie. Elle emploie 100 000 personnes, elle fait travailler 4 000 entreprises en sous-traitance...
M. Jean-Yves Le Déaut. C'est l'Europe !
M. Jacques Myard. ... et elle est le véhicule d'une co-opération européenne intergouvernementale qui marche et qui, à travers le programme Airbus, fait avancer la construction européenne.
M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien ! C'est grâce à l'Europe !
M. Jacques Myard. Aussi est-il parfaitement étonnant que la Commission, au mépris des intérêts de nos industriels, au mépris de la jurisprudence qu'elle avait assenée dans l'affaire Havilland-Aérospatiale, ait donné son aval à cette fusion. De surcroît, elle a mis en avant un certain nombre de conditions, plus illusoires les unes que les autres, à telle enseigne qu'une compagnie américaine vient de déclarer qu'elle s'en fichait et qu'elle ne les appliquerait pas.
M. Arnaud Lepercq. C'est vrai !
M. Jacques Myard. Nous vous avons alerté. Je vous ai demandé, avec plusieurs députés, d'introduire devant la Cour de justice un recours pour s'opposer à cette décision parfaitement scandaleuse, car, à l'évidence, monsieur le Premier ministre, la Commission s'est couchée devant les intérêts américains, et j'ose à peine dire que vous vous êtes couché avec elle. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît.
Monsieur Myard, terminez votre question nuancée !
M. Jacques Myard. Le mot est peut-être osé, mais c'est une image, monsieur le président.
Ma question est triple, monsieur le Premier ministre: quelles mesures allez-vous prendre au nom de tous les travailleurs français de l'aéronautique pour vous opposer à cette décision néfaste pour nos intérêts ? N'est-il pas grand temps d'évoquer à nouveau les pouvoirs de la Commission en matière de concurrence, de les modifier et de permettre au Conseil européen d'évoquer ses décisions pour au besoin les réformer ? Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre pour pousser à la création d'une société Airbus européenne, dont le statut juridique devra tenir compte de l'importance des intérêts français en la matière ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.).
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, comme il ne s'agit pas que d'une histoire d'alcôve, je reviendrai au fondement. (Rires.)
Contrairement à ce que vous affirmez, la décision de la Commission européenne, le 25 juillet, d'autoriser la fusion entre Boeing et Mac Donnel Douglas a été prise avec des garanties, et le gouvernement français a obtenu des concessions. Boeing s'est engagé à renoncer aux contrats d'exclusivité existant avec certaines compagnies, Delta Airlines, Continental Airlines, American Airlines, et il s'est engagé à renoncer à l'avenir à tout contrat d'exclusivité et à ouvrir certaines technologies à la concurrence.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut veiller à ce que les engagements soient respectés. Il revient aujourd'hui à la Commission de s'en assurer alors que, le 22 octobre, la compagnie Delta Airlines a fait savoir, même si elle a ensuite tempéré ses propos, qu'elle ne renonçait pas au contrat d'exclusivité qui la liait à Boeing pour 644 avions sur vingt ans. Il s'agit là d'une nouvelle inquiétante.
Le gouvernement français, anticipant sur vos demandes, a immédiatement réagi en demandant à la Commission d'ouvrir une enquête sur ces agissements éventuels. M. Van Miert a diligenté cette enquête et M. Gayssot et moi-même lui écrivons aujourd'hui pour l'en remercier et pour lui demander de nous en faire connaître les suites. La Commission devra faire respecter les engagements pris par Boeing.
Au-delà, il est clair que la fusion qui a été réalisée crée une situation particulière, avec un groupe qui réalise 280 milliards de francs de chiffre d'affaires et dont la position dominante doit faire réfléchir.
C'est pourquoi il faudra accélérer la restructuration et le regroupement des industries aéronautiques européennes tant au plan civil qu'au plan militaire. De ce point de vue, nous nous réjouissons des dispositions qui sont prises pour accélérer la création de la société Airbus. Il s'agira en effet d'un instrument permettant de faire face à cette hégémonie que nous sentons poindre et dont nous ne voulons pas davantage que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jacques Myard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 novembre 1997