Question au Gouvernement n° 1395 :
politique fiscale

11e Législature

Question de : M. Philippe Briand
Indre-et-Loire (5e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 2 juin 1999

M. le président. La parole est à M. Philippe Briand.
M. Philippe Briand. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je voudrais avant tout conseiller à M. Kouchner l'usage de la médecine plutôt que celui de la comptabilité publique ! On peut lire, en effet, dans le Monde paru aujourd'hui que le déficit était de 40 milliards en 1995 et de 14 milliards en 1997, sous Juppé. Le résultat obtenu depuis deux ans n'est pas fabuleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française - Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, deux ans après, il ne se passe pas un jour sans que les Français découvrent, par médias interposés, les délices de la fiscalité de votre gouvernement. En deux ans, il est vrai, personne n'a été oublié. Tout d'abord, les ménages, qui ont le tort d'avoir épargné un peu pour leurs vieux jours ou pour leurs enfants: doublement de la CSG. Les familles qui ont des enfants: baisse sans précédent du plafond du quotient familial. Les entreprises qui se battent chaque jour dans la compétition internationale pour garder des marchés et préserver l'emploi: surtaxe de 20 milliards de l'impôt sur les sociétés, à un moment où tous vos amis européens baissent l'impôt sur les sociétés, l'Angleterre et l'Allemagne ayant pour objectif entre 20 et 25 % en l'an 2002.
Les Français n'oublient pas non plus la hausse de la redevance télé, la hausse des prélèvements sur l'essence, la hausse des prélèvements sur le tabac, et, comme votre gouvernement ne sait plus quoi taxer, vous taxez deux fois la même chose,...
M. Maxime Gremetz. N'importe quoi !
M. Philippe Briand. ... je veux parler du droit de bail que les propriétaires bailleurs paieront deux fois pour les loyers cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
L'imagination fiscale de votre gouvernement n'a pas de bornes. Elle redouble même d'efforts depuis quelques semaines: annonce de la création d'une écotaxe et d'une nouvelle contribution sur les bénéfices des sociétés, prétendument pour financer des allégements de charges, mais personne n'est dupe: ce sont bien des impôts en plus alors que les trente-cinq heures ne devaient rien coûter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous n'aviez qu'à ne pas dissoudre !
M. Philippe Briand. Puisque votre majorité semble s'émouvoir, je voudrais être objectif: vous avez tout de même minoré de dix francs par mois la TVA sur les abonnements à EDF-GDF.
Alors, ma question est simple. Quand allez-vous mettre un terme à cet excès fiscal, qui est bien la première des caractéristiques de votre gouvernement, ce qui vous distingue de vos amis socialistes européens, avec lesquels vous animez des estrades ? En matière de fiscalité, en dépit de tous vos efforts sur les tribunes, vous ne parlez décidément pas la même langue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je tiens d'abord à vous remercier pour la première partie de votre intervention, car ce que vous avez dit est exact: à la fin de 1997, le déficit de la sécurité sociale était bien de 14 milliards. Mais ce qu'a dit M. Kouchner l'est également: votre gouvernement prévoyait qu'il serait de 47 milliards. Entre les deux, il s'est passé quelque chose.
M. Alain Juppé. Un miracle !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au mois de juin, le Gouvernement a changé, et le déficit est passé de 47 à 14 milliards. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comme quoi, les Français ont eu raison, et les résultats ont été au rendez-vous.
J'en viens à votre question.
Je laisserai de côté le côté malicieux qui vous fait oublier chaque fois de dire, par exemple que, lorsque la CSG a augmenté, c'est en compensation de la suppression des cotisations.
M. Philippe Auberger. Pas uniquement ! Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est demandé aujourd'hui un effort spécifique aux entreprises sur leurs bénéfices mais c'est pour financer la baisse du coût du travail des salariés les moins qualifiés.
M. Pierre Lellouche. Les trente-cinq heures !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'il n'en était pas ainsi, monsieur le député, après la longue liste que vous avez donnée, il y aurait au total une augmentation des prélèvements obligatoires. Or on constate, et vous avez les statistiques sous les yeux, que leur taux n'a pas augmenté. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. Mais si ! C'est faux ! Menteur !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je sais que cela vous surprend ! Vous êtes tellement habitués, en effet, à ce qu'un gouvernement ne puisse pas faire autrement que d'augmenter les prélèvements obligatoires, comme vous l'avez fait vous-mêmes de 1993 à 1997 (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), période pendant laquelle il y a eu la plus forte hausse que notre pays ait connue au cours des vingt dernières années, notamment avec deux points de TVA...
M. Philippe Auberger. N'importe quoi !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et je vois que M. Juppé les revendique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale.)
Les prélèvements obligatoires ont été stabilisés, et, si ces arguments ne vous gênaient pas, vous les écouteriez en silence. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Il y a d'ailleurs une preuve à tout cela. Vous prétendez, et vous n'avez pas tort, que trop d'impôt, ce n'est pas bon pour le pays, et le Gouvernement en est d'accord. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé en juin 1997 qu'il commencerait à stabiliser les différents prélèvements pour les baisser ensuite. La stabilisation est faite !
M. Philippe Auberger. Et la TVA ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si les impôts avaient augmenté comme vous le prétendez, selon votre propre logique, nous n'aurions pas les résultats économiques que nous avons. Nous avons les meilleurs résultats économiques de la décennie, ceux-là mêmes que vous n'avez pas été capables d'avoir. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Philippe Auberger. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est bien parce que nous avons stabilisé les prélèvements obligatoires. Les Français le savent qui, jour après jour, voient la croissance et le pouvoir d'achat être plus forts dans notre pays que chez nos voisins et le chômage baisser, comme Martine Aubry l'a rappelé tout à l'heure.
Laissez-nous continuer sur la même voie,...
M. Philippe Auberger. Vous vous enfoncez !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... stabiliser les prélèvements obligatoires puis les baisser. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je comprends que ce sujet vous gêne. Vous avez été les plus grands taxeurs des années 90. Nous ferons baisser les prélèvements obligatoires mais, de grâce, cessez de vous agiter sur vos bancs en disant: oui, nous avons fait des bêtises, mais comment se fait-il que vous ne les ayez pas corrigées plus vite ? (Protestations sur les mêmes bancs.) Nous les corrigeons au rythme que l'économie permet. Il vaut mieux corriger lentement vos bêtises que d'être ceux qui les ont faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François Vannson. C'est lamentable !

Données clés

Auteur : M. Philippe Briand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 juin 1999

partager