Question au Gouvernement n° 141 :
politique à l'égard des retraités

11e Législature

Question de : M. Henri Plagnol
Val-de-Marne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 1997

M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol.
M. Henri Plagnol. Monsieur le Premier ministre, la loi sur le financement de la sécurité sociale proposée par votre Gouvernement et que nous allons voter dans un instant («Ah !» et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) est pratiquement muette sur la redoutable question du financement des retraites, à tel point que le rapporteur pour la branche vieillesse s'en est inquiété. Sans doute ce silence gêné s'explique-t-il par les contradictions de votre majorité plurielle. Mais il s'agit d'une question trop fondamentale pour l'avenir du pays pour que soit remis en cause à chaque alternance le travail du gouvernement précédent.
Le gouvernement d'Alain Juppé a fait adopter une loi instaurant des fonds de pension à la française. Il s'agit d'un système équilibré complétant la retraite par répartition, offrant à tous la possibilité d'un supplément de retraite par capitalisation. La mise en oeuvre de ces fonds de pension est attendue par nos entreprises, qui ont un besoin vital de développer leurs fonds propres.
Combien de temps allons-nous tolérer que ce soient des fonds de pension anglo-saxons qui décident des restructurations de notre tissu économique en mettant la main sur les meilleures de nos entreprises, qui n'ont pas la possibilité de se défendre ?
Les fonds de pension sont également attendus par un nombre considérable de salariés...
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est trop long !
M. Henri Plagnol. ... qui auront enfin la possibilité de développer une épargne-retraite complémentaire, encore plus nécessaire après les mesures de taxation lourdes que vous avez prises contre l'assurance-vie.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Henri Plagnol. Enfin, la mise en oeuvre de ces fonds de pension ouvrira un champ nouveau à la négociation entre les partenaires sociaux, favorisant ainsi une conception moderne de l'entreprise.
A l'heure actuelle, le Gouvernement n'a publié aucun des décrets d'application indispensables à la mise en oeuvre de cette loi. Vous êtes incapable de dire aux Français quelle sera votre politique dans ce domaine. Allez-vous arbitrer dans le sens de votre ministre de l'économie, qui s'est montré plutôt ouvert au principe, ou allez-vous sacrifier cette réforme fondamentale pour des raisons purement idéologiques ?
Oui ou non, monsieur le Premier ministre, allez-vous poursuivre l'oeuvre de votre prédécesseur («Non !» sur les bancs du groupe socialiste) en permettant le développement de l'épargne-retraite par capitalisation, indispensable à la modernisation de notre économie et à la préservation de la solidarité entre les générations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République).
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je ne reprendrai pas le débat que nous avons déjà eu pendant quatre jours sur les retraites. Je dirai simplement que, sur ce thème comme sur tout ce qui touche à la protection sociale, nous avons besoin de sérénité.
C'est l'avenir de nos retraites qui est en question, notamment celui des régimes spéciaux, que l'on regarde souvent en les montrant du doigt, alors que, je l'ai déjà dit devant l'Assemblée, certains d'entre eux offrent, contrairement à ce que l'on croit, des retraites inférieures au régime général et sont confrontés à des difficultés lourdes liées à l'évolution démographique.
Le Gouvernement a décidé de faire le point cette année sur l'ensemble de ces régimes spéciaux pour proposer ensuite des évolutions qui prendront en compte la culture de ces régimes - laquelle a parfois été oubliée - ainsi que la spécificité des salariés qui en relèvent; c'est comme cela que nous évoluerons.
En ce qui concerne les fonds de pension, un accord s'est dégagé au sein de la majorité plurielle, contrairement à ce que vous semblez dire. Nous sommes tous convaincus qu'il faut effectivement préparer l'épargne pour la retraite («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), mais nous pensons tous que le système de répartition doit être le système majeur, massif, au coeur de nos systèmes de retraite, et qu'aucun système de retraite par capitalisation ne peut être envisagé s'il ne remplit deux conditions.
La première, c'est de préserver totalement notre régime de répartition. Permettez-moi de dire que la loi du 25 mars 1997, par l'ampleur des exonérations de charges sociales qu'elle entraîne, permettrait à un certain nombre d'entreprises - beaucoup l'attendent pour cela, je le sais - d'opérer un transfert du salaire direct vers le salaire différé. Cela créerait une concurrence pour la sécurité sociale et pour la retraite car il y aurait un détournement des rentrées de recettes de cotisations sociales.
En second lieu, si des avantages fiscaux ou des exonérations de charges sociales sont accordés au titre de l'épargne-retraite, ces régimes collectifs doivent profiter à tous, et pas seulement à quelques privilégiés.
C'est la raison pour laquelle Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie et des finances, a proposé à un parlementaire de travailler sur un nouveau texte qui remplira ces conditions et permettra de développer l'épargne-retraite, tout en garantissant notre système par répartition et en évitant l'injustice dans nos régimes de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Henri Plagnol

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 novembre 1997

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