durée du travail
Question de :
M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 23 juin 1999
M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.
M. Dominique Dord. «La loi ne peut pas décider tout pour chacun. Nous croyons à un Etat qui ne décide pas tout, mais qui fixe simplement le cap.» Ainsi s'exprimait Martine Aubry,...
Mme Odette Grzegrzulka. Elle a raison !
M. Dominique Dord. ... hier, dans un accès de lucidité, dans un grand journal du soir, que personnellement je ne trouve pas très libéral - monsieur Chevènement - et en tout cas vraiment pas ultra-libéral - monsieur Gayssot !
Quel dommage, monsieur le Premier ministre, que vous n'en tiriez pas les conséquences pour vous-même et pour votre politique ! Bien au contraire, sur le second volet des 35 heures, vous vous apprêtez à nous entraîner, et avec nous tout le pays, dans un maquis de dispositions nouvelles, là où il faudrait de la simplification.
En voulant tout régenter, tout régler, tout prévoir depuis Paris, dans une approche ultra-socialiste, comme s'il existait une entreprise type, vous vous heurtez à la réalité, à leur diversité, à leur rythme d'activité, à leur histoire, à leur organisation, à leur marché et aux secteurs dans lesquels elles évoluent.
Sauf à y mettre un prix insensé, monsieur le Premier ministre - ce que vous n'avez d'ailleurs pas hésité à faire avec EDF-GDF, à qui vous avez versé 110 000 francs par emploi -, l'aménagement autoritaire du temps de travail ne crée pas d'emploi. Pire, il créera, et je vais essayer de vous le démontrer très brièvement, de l'injustice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. Mes chers collègues, ne vous énervez pas: j'exprime tout haut ce que vous n'osez pas dire alors que vous le pensez. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) En effet, le délai d'un an supplémentaire que vous vous apprêtez à accorder aux entreprises jouera, et vous le savez, contre les salariés, contre les salaires, contre le pouvoir d'achat. C'est un an de plus, en effet, sans aucune augmentation de salaire.
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. Ce même délai d'un an jouera contre la création d'emplois et pour le développement du travail précaire à temps partiel, les entreprises, et c'est bien légitime, refusant de charger elles-mêmes leur sac à dos avant de passer sous votre toise. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Un peu de silence ! M. Dord va conclure.
M. Dominique Dord. Enfin, mes chers collègues, face à votre enthousiasme général, je voudrais également ajouter que, s'agissant du SMIC, vous entrez dans une mécanique infernale. Car si Mme Aubry écrit, toujours dans ce grand journal du soir, que «majorer le SMIC de 11,4 % immédiatement n'est pas possible», cela ne l'empêche pas, quelques lignes plus bas, de garantir à ceux qui le perçoivent que leur salaire mensuel ne baissera pas. Quelle virtuosité !
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. En réalité, en relevant ainsi le salaire plancher - et vous n'avez pas le choix - c'est toute la pyramide des salaires que vous allez écraser. Ce sera très injuste, et pour ceux qui sont juste au-dessus du SMIC et pour ceux qui sont juste au-dessous, c'est-à-dire tous ceux qui travaillent moins de 35 heures et qui sont rémunérés sur la base du SMIC.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dord.
M. Dominique Dord. Je conclus, monsieur le président. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je comprends que cela vous fasse mal, mes chers collègues ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Alors, monsieur le Premier ministre, ne nous dites pas que les salariés passés à 35 heures avec maintien de leur salaire en sont heureux à 80 %. A trente-deux heures, et avec une légère augmentation, je pense que vous auriez pu obtenir 100 % d'heureux ! Mais votre gouvernement a déjà mangé son chapeau sur la baisse des charges sociales.
Alors, ma question est simple: combien de temps vous faudra-t-il pour renoncer enfin à l'aménagement autoritaire du temps de travail ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, à qui il reste peu de temps pour répondre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Encore une fois, monsieur le député, le débat sur la lutte contre le chômage mérite mieux qu'une caricature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.). Ce qui s'est passé depuis un an dans notre pays, le fait qu'une entreprise sur deux aujourd'hui négocie la réduction de la durée du travail,...
M. Thierry Mariani. Elles n'ont pas le choix !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... que 475 emplois aient été créés cette semaine, ce qui donne maintenant 73 000 emplois créés - plus de la moitié de la baisse du chômage de l'année dernière,...
M. Philippe Auberger. C'est du bluff !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... deux fois plus déjà que ce que nous avions prévu pour cette année -, mérite peut-être une analyse autre que celle que vous avez faite.
D'abord, la preuve est faite que, sous certaines conditions négociés par les chefs d'entreprise et les syndicats sur le terrain,...
M. Franck Dhersin. Allez-y, sur le terrain !
M. Bernard Deflesselles. Laissez-les faire !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... car ils ont sans doute une maturité qui dépasse les slogans et les anathèmes, et, personnellement, je m'en réjouis, la réduction de la durée du travail crée des emplois.
Je suis ravie de voir que vous vous intéressez enfin aux smicards et aux bas salaires. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Les salaires ont perdu en pouvoir d'achat lorsque vous étiez au pouvoir, alors qu'ils ont crû de 3 % cette année, meilleur score depuis vingt ans.
J'ajoute que la réduction des charges sociales dont vous avez parlé permettra non seulement de réduire dans de bonnes conditions la durée du travail et de créer des emplois, mais encore de laisser une marge aux entreprises pour créer des emplois ou pour augmenter les bas salaires, et nous savons combien c'est une nécessité dans notre pays.
Monsieur le député, disons les choses simplement: que demande et que propose la droite pour lutter contre le chômage ? Rien ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Qu'êtes-vous capables de faire si ce n'est opposer un scepticisme permanent à tout ce qui se fait, y compris dans les entreprises ? Pour vous, dans le fond, la politique, c'est accompagner le marché. Pour nous, c'est fixer un cap, fixer des priorités. Etre moderne, ce n'est pas être plus ou moins libéral, c'est régler les problèmes des Français et c'est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Dominique Dord
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 1999