politique à l'égard des rapatriés
Question de :
M. Pierre Cardo
Yvelines (7e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 6 novembre 1997
M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
M. Pierre Cardo. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Voilà trente-cinq ans, les harkis payaient très cher leur tribut au service de la France. Installés d'abord dans des camps, ils ont trop longtemps attendu la reconnaissance de la nation, dont la dernière étape s'est traduite par la loi du 11 juin 1994.
Toutefois, depuis quelques mois, une grève de la faim a été déclenchée par les représentants des harkis, première et deuxième génération, et, récemment, malgré la circulaire de Mme Aubry, les négociations ont été rompues. Une manifestation est même prévue le 15 novembre. Il est probable que la mission d'évaluation de la loi de 1994 et les recommandations faites, sans donner de moyens spécifiques, dans la circulaire aient eu un impact moins fort que les actes observés par la communauté ces dernières semaines.
En effet, comment peut-on vouloir renouer le dialogue quand les forces de l'ordre réquisitionnent et interdisent les couvertures et lits de camps aux grévistes de la faim ? Comment justifier l'interdiction d'accès aux camps des grévistes, à tout citoyen, aux familles, aux élus et même aux parlementaires ? Les routiers sont plus faciles d'accès !
Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous de recevoir une délégation de harkis grévistes de la faim qui méritent au moins autant d'égards que les sans-papiers que vous avez reçus ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je dois vous dire très franchement que je ne comprends pas votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française).
Au mois d'août, en effet, six jeunes harkis ont fait une grève de la faim. Bernard Kouchner et moi-même les avons rencontrés à plusieurs reprises. Nous avons trouvé une solution bien réelle non seulement pour eux-mêmes mais également pour leur famille puisque chacun d'eux a aujourd'hui un emploi et nous continuons à les avoir au téléphone. (Murmures sur les mêmes bancs.)
Depuis, un nouveau mouvement de protestation a été déclenché par d'autres harkis qui se sont installés sur l'esplanade des Invalides. Je vous indique d'abord que les premiers d'entre eux - vous pouvez les interroger - se sont inquiétés des visites de membres de mouvements politiques qui ne sont pas représentés dans cette assemblée et qui ont essayé de récupérer leur mouvement. Ils nous ont demandé une protection que nous avons mise en place. Elle est évidemment assurée par des policiers mais aussi par des personnels de l'Assistance publique de Paris qui ont assisté les six personnes ayant cessé la grève de la faim et qui sont aux côtés de ceux qui la poursuivent.
Dès les premiers jours de ce mouvement, j'ai donné personnellement des ordres pour que des lits de camp et des couvertures leur soient apportés.
J'ai également désigné un inspecteur général des affaires sociales qui fait actuellement le tour des camps car, mesdames et messieurs les députés, il existe encore des camps dans notre pays dont celui de Fouques d'où venaient les six premiers harkis. Sur place, le préfet vient de prendre des mesures très fortes.
Tous les préfets concernés me tiennent d'ailleurs au courant, jour après jour, des mouvements de protestation qui ont lieu actuellement dans sept villes, avec des grèves de la faim.
A ma connaissance personne ne s'est jamais vu refuser une visite dans un camp de harkis. En revanche, pour ceux qui se sont installés sur l'esplanade des Invalides, nous avons effectivement essayé d'éviter, à leur demande, que certaines personnalités politiques viennent leur rendre visite pour récupérer un mouvement qui est d'une très grande dignité et qui appelle de la part de la France, non pas des critiques comme celles-là, mais, une fois de plus, le témoignage de la reconnaissance que nous leur devons ainsi qu'à l'ensemble de la communauté harkie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Tel est l'esprit de la circulaire que j'ai envoyée aux préfets dans laquelle je leur demande de faire le point sur l'application de la loi de 1974. C'est la raison pour laquelle j'ai été amenée à changer le délégué aux rapatriés. Le rapport de la Cour des comptes a d'ailleurs montré que les crédits affectés aux rapatriés avaient été divisés par cinq voire six, ces deux dernières années. Telle est la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Actuellement, les préfets recensent tous les fils et petits-fils de harkis qui sont souvent au chômage, sans formation parce qu'ils ont vécu dans des camps pendant longtemps, pour leur trouver des solutions.
Je me suis entretenu ce matin avec un député de l'opposition à propos de la communauté vivant dans sa ville. D'autres, de votre bord aussi, monsieur le député, m'ont contactée ces derniers jours pour que nous montions des programmes en commun. Dès lors, s'il vous plaît, sur ce sujet, ne nous opposons pas, mais essayons de faire ce que la France aurait dû faire depuis longtemps pour cette communauté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Pierre Cardo
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Rapatriés
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 novembre 1997