Question au Gouvernement n° 1518 :
énergie nucléaire

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 1999

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Ma question s'adresse à Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elle a trait au nucléaire.
La semaine dernière, jeudi dernier exactement, un accident nucléaire dit de criticité s'est produit sur le site de Tokaimura au Japon. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un accident a lieu sur ce site. En 1997, une explosion avait déjà donné lieu à un rapport, falsifié, de la direction de l'entreprise aux autorités.
Notez-le, chers collègues, nous ne sommes pas du tout dans l'Ukraine de 1986 à Tchernobyl. Nous sommes dans un grand pays moderne qui sait ce que c'est que de faire de la belle industrie. Or, manifestement, les salariés embauchés pour traiter ce problème nucléaire n'étaient ni formés aux risques ni informés des dangers qu'ils couraient en manipulant de telles substances. Nous avons vu la semaine dernière des images assez surprenantes montrant des dirigeants de l'entreprise avouer que depuis des années, et de manière délibérée, ils avaient triché sur les manquements aux normes de sécurité.
Je crois, mais peut-être ce point de vue n'est-il pas partagé sur tous ces bancs, que l'industrie nucléaire n'est pas du tout une industrie comme les autres; elle est beaucoup plus dangereuse.
M. Jean Bardet. Vous avez entendu parler des coups de grisou ?
M. Yves Cochet. Il faut donc observer la plus grande vigilance sur les normes de sécurité dans cette industrie.
Dans quelques mois, vous allez, madame la ministre, présenter un projet de loi sur la transparence nucléaire, notamment dans le domaine de l'information, de l'autorité de contrôle, de la responsabilité en cas d'accident, et de ce qu'on nomme les normes de radioprotection, que connaît bien Mme Rivasi.
De quelle manière allez-vous aborder la question de la responsabilité nucléaire ? Pensez-vous, comme moi, que les installations nucléaires doivent êtres soumises aux normes des installations classées pour la protection de l'environnement, ICPE, de la même manière que d'autres secteurs industriels ? En cas de manquement aux règles de sécurité, des sanctions financières et pénales pourraient ainsi être prises contre les personnes morales et même les personnes physiques qui seraient directement responsables de ces manquements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. Une réponse courte, si vous le voulez bien, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement...
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Un accident grave de criticité est survenu dans l'unité d'enrichissement en uranium 235 de combustible destiné au surgénérateur de Joyo à Tokaimura. Il s'agissait, certes, d'une erreur humaine, mais nous savons qu'elle a eu lieu dans un contexte plus général de relâchement des procédures de sûreté, reconnu d'emblée par les autorités japonaises qui l'ont, je dois le souligner, communiqué de façon transparente. Ainsi, Christian Pierret et moi-même avons été tenus régulièrement au courant à la fois par la direction de la sûreté et de l'information nucléaire et par l'ambassade de France au Japon.
Ce relâchement des procédures de sûreté ne concerne pas seulement le Japon, même si l'installation en cause a déjà connu un incident sérieux de niveau 3 en 1997. La récente condamnation de l'exploitant de la centrale de Millstone aux Etats-Unis à une amende de 10 millions de dollars montre qu'un tel phénomène peut se produire partout.
Je vous invite à ce propos à lire le rapport annuel de la direction de la sûreté. Il montre l'importance fondamentale d'une vigilance de tous les instants en ce qui concerne la formation des personnels, la révision régulière des procédures de sûreté et la motivation, à titre personnel et humain, des salariés.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de cet accident ?
D'abord, j'ai demandé à la direction de la sûreté de procéder à un examen des circonstances pour améliorer encore les conditions de sûreté dans les installations comparables en France comme celle de Romans, même si la technologie n'y est pas tout à fait la même.
Bien sûr, le projet de loi que j'aurai l'occasion de présenter au nom du Gouvernement dans quelques mois va améliorer encore le système en organisant, comme l'avait demandé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale en juin 1997, une séparation claire entre les fonctions de production et les fonctions de contrôle.
Il est prévu de soumettre le secteur nucléaire à des règles comparables à celles des installations classées. Comme l'industrie chimique, le nucléaire est une industrie à risque et on ne peut ni le banaliser ni le traiter à la légère. Il faut revoir l'importance des peines. Aujourd'hui, exploiter une installation nucléaire sans autorisation, contrevenir aux prescriptions techniques, ne pas déclarer des incidents est passible, dans le pire des cas, de 10 000 francs d'amende. Cette peine n'est pas de nature à faire peur à des exploitants indélicats.
Le projet de loi prévoit aussi la mise en place de garanties financières. Un effort particulier est d'ores et déjà engagé pour ce qui concerne le dispositif d'élaboration et de diffusion d'une information accessible au public. C'est la tâche du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire, présidé par M. Philippe Lazar, qui a déjà, je crois, bien travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement

Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 1999

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