Russie
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 10 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et fait suite à celle posée tout à l'heure par mon collègue Jean-Louis Bianco sur la Tchétchénie.
«Il y avait au Goulag un peuple qui jamais ne s'est plié, jamais n'a accepté l'idée de la soumission, je veux parler des Tchétchènes.» Cette phrase a été écrite par Alexandre Soljenitsyne dans L'Archipel du Goulag. («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Hier, au nom des députés Vert, j'ai eu l'honneur de recevoir dans cette maison M. Ilias Akhmadov, ministre des affaires étrangères tchétchène, venu s'exprimer au nom de son peuple. A notre demande, M. Ilias Akhmadov est revenu à l'Assemblée nationale. Il est en ce moment même dans une tribune du public; - et je lui demande de se lever - pour écouter la réponse qu'apportera le ministre des affaires étrangères du Gouvernement de la France. (Protestations sur divers bancs.)
Ce monsieur, qui représente son peuple, n'a pas obtenu de visa de la part du Gouvernement français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - «Hou !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je pose donc la question à M. le ministre des affaires étrangères: pourquoi celui qui représente un peuple massacré par l'armée russe et par un régime dictatorial ne peut pas obtenir d'un gouvernement qui s'est indigné devant la catastrophe humanitaire du Kosovo un visa pour s'expliquer et défendre la cause de son peuple ?
Je demande à M. le ministre des affaires étrangères pourquoi il ne reçoit pas son homologue. Attend-il que la Tchétchénie soit un champ de ruines, qu'il n'y ait plus d'interlocuteur pour se préoccuper de ce problème qui est en train d'embraser le Caucase ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Enfin, je lui demande quelle est la position qu'il compte exprimer au nom du Gouvernement français lors de la prochaine réunion de l'OSCE qui aura lieu à Istanbul la semaine prochaine ?
Comment la France, qui a fait preuve de courage politique en invoquant le droit d'ingérence lors de la question du Kosovo et face à la crise du Timor oriental en décidant de geler les aides à l'Indonésie, pourrait-elle rester aujourd'hui silencieuse face à ce qui se passe en Tchétchénie ? Ce n'est pas une affaire intérieure.
M. Christian Bataille. Assez ! Arrêtez !
M. Noël Mamère. C'est le problème de la Fédération de Russie avec une République. Si nous restons silencieux, nous serons complices de ce qui est déjà un crime de guerre, et sera peut-être demain un crime contre l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (Exclamations sur de nombreux bancs.)
S'il vous plaît, un peu de silence ! Seul M. le ministre des affaires étrangères a la parole. Et jusqu'à plus ample informé, c'est moi qui préside cette assemblée !
M. Jean-Michel Ferrand. Non, c'est M. Mamère !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la question de la Tchétchénie est une question grave, qui doit être traitée avec sérieux et avec compassion pour le calvaire que subissent les populations civiles qui sont frappées par une escalade militaire dont j'ai dit tout à l'heure ce qu'il fallait en penser. Ce n'est pas ainsi qu'on trouvera une solution équitable et durable à la question de la Tchétchénie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Akhmadov est, en effet, en visite en Europe. Il était aux Pays-Bas. Il devait être invité par les instances du Conseil de l'Europe, ce qui nous avait amenés à dire que, naturellement, les autorisations nécessaires lui seraient délivrées tout de suite, puisque nous sommes le pays hôte.
Par la suite, cette invitation des instances du Conseil de l'Europe n'a pas été confirmée. Nous avons cependant fait savoir que M. Akhmadov pouvait naturellement venir en France, qu'il serait reçu et écouté parce que, dans cette affaire très grave, de même que nous avons sollicité les avis de tous ceux qui sont concernés directement ou indirectement, nous trouvons normal que le point de vue tchétchène soit entendu. Il convient que les informations que les Tchétchènes ont à nous transmettre nous soient communiquées pour que nous précisions notre position, qui est déjà très claire, me semble-t-il, et que j'ai rappelée tout à l'heure, à propos de ce qui a été dit depuis plusieurs semaines. Nous ne croyons pas qu'une solution militaire, à supposer qu'elle puisse être justifiée par des actions de terrorisme, ce qui n'épuise évidemment pas le sujet, soit la solution à rechercher.
Il n'y a pas de solution en dehors du dialogue. Nous demandons aux Russes de reprendre ce dialogue qui existait il y a quelques années. Il est, par conséquent, tout à fait normal que les autres pays qui souhaitent que la Russie, dans son intérêt même, et dans l'intérêt de l'Europe tout entière, retrouve la voie de la solution politique, pratique le dialogue - nous aussi, nous devons le pratiquer pour connaître l'ensemble des arguments.
Il n'y a, monsieur Mamère, aucun problème à cet égard. Soyez assuré que nous sommes tous en train de rechercher la meilleure solution possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 novembre 1999