reconduite aux frontières
Question de :
M. Serge Poignant
Loire-Atlantique (10e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 10 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. Une seconde, monsieur Poignant.
Mes chers collègues, la séance n'est pas terminée. Ne serait-ce que par courtoisie pour M. Poignant, je vous invite à rester à vos places. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Vous avez la parole, monsieur Poignant.
M. Serge Poignant. Monsieur le ministre, vous avez adressé récemment aux préfets une circulaire demandant une action méthodique et organisée pour interpeller et reconduire à la frontière les immigrés en situation irrégulière. Dans cette circulaire, vous constatez un niveau anormalement bas des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière: 20 % selon votre circulaire. Que se passe-t-il donc sur le terrain ?
Permettez-moi de prendre un exemple parmi d'autres, relaté tout récemment dans la presse. Un arrêté d'expulsion a été pris à Nantes au mois de février, à la suite du refus d'un maire, socialiste, de l'agglomération nantaise d'officier en octobre en sa mairie le mariage de l'intéressé, refus justifié puisque, après enquête, il s'est avéré que le ressortissant étranger en situation irrégulière avait déposé en même temps deux demandes de mariage avec deux femmes françaises différentes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et l'expulsion n'a pas eu lieu parce que la préfecture - c'est elle qui le dit - ne disposait pas des moyens nécessaires à la reconduction à la frontière.
Comment votre circulaire pourrait-elle donc être appliquée ?
En réalité, vous venez de vous apercevoir que votre loi n'a jamais été appliquée. Vous avez des pressions diamétralement opposées de toutes parts au sein de votre majorité plurielle et entre le ministère de la justice et le vôtre. Pour ménager la chèvre et le chou, le Gouvernement excelle en maîtrisant parfaitement la politique du «ni-ni»: ni expulsion, ni régularisation.
Les Français en ont assez des décisions de justice non appliquées, des dossiers classés sans suite, des délinquants non poursuivis et des plaintes non enregistrées parce que jugées inutiles. Le rapport de l'INSEE indiquant que seul un fait de délinquance sur cinq est enregistré par les services de police en témoigne d'ailleurs, même si vous avez tenté de dire le contraire à la question d'un de mes collègues il y a quinze jours.
Ma question est donc simple: quand aurez-vous réellement la volonté de faire appliquer les lois de la République, en donnerez-vous réellement les moyens sur le terrain, et vous en donnera-t-on les pouvoirs au sein du Gouvernement ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, j'ai pris une quinzaine de circulaires sur l'entrée et le séjour des étrangers.
Dans la mesure où la loi RESEDA a permis des régularisations sur la base des liens de famille ou d'un certain nombre de critères d'intégration, ou simplement pour la raison que des étrangers auraient pu être menacés s'ils avaient été reconduits dans leur pays, dans la mesure aussi où cette loi fait intervenir le juge à cinq reprises, il est tout à fait normal que ceux qui ne peuvent pas être régularisés fassent l'objet d'une mesure de reconduite.
J'ai donc adressé une circulaire aux préfets après avoir constaté que, dans certains départements, la moitié des étrangers déboutés n'avaient pas fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Comme il s'agit d'un sujet extrêmement difficile, vous le savez, puisqu'il fait intervenir non seulement la police et la gendarmerie, mais aussi la justice, les consultats étrangers et les transporteurs, et que jamais, même au temps de M. Jean-Louis Debré, on n'a beaucoup dépassé le chiffre de 10 000 éloignements par an, j'ai cru bon d'adresser cette circulaire pour que la loi soit appliquée, afin que je puisse résister à deux démagogies concurrentes: la démagogie de ceux qui confondent la liberté de circulation et la liberté d'installation des étrangers sur notre sol, et la vôtre qui consiste à faire croire que cette loi n'est pas appliquée. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elle est appliquée !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Non !
M. le ministre de l'intérieur. J'y veille. Je fais en sorte qu'elle le soit aussi humainement que possible. Il n'y a pas de contrôle au faciès. J'ai, au contraire, demandé qu'il n'y ait pas de contrôle systématiquement sélectif, mais des contrôles dans un certain nombre d'endroits où se concentrent les irréguliers, le train Vintimille-Strasbourg par exemple, pour être clair.
La loi, parce qu'elle a été votée par le Parlement et qu'elle s'impose à tous, doit être appliquée. C'est mon seul objectif. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Auteur : M. Serge Poignant
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 novembre 1999