Question au Gouvernement n° 1636 :
fonctionnement

11e Législature

Question de : M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 11 novembre 1999

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. A ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, j'espère obtenir une réponse complète.
Le ministre de l'intérieur, M. Jean-Pierre Chevènement, déclarait hier par le biais d'un grand quotidien national: «Le fonctionnement de l'institution judiciaire est opaque. Les principes qu'elle affiche sont formidables, mais ils sont loin de la réalité ! J'ai l'impression que moins l'Etat donnera d'instructions aux procureurs laissés libres de leur pratique, plus il laissera le champ ouvert à des réseaux d'influence, à des mouvances idéologiques ou syndicales qui, par définition, n'ont de compte à rendre à personne.»
Ces propos sont pour le moins contradictoires avec la réforme du Conseil supérieur de la magistrature à laquelle le garde des sceaux, Mme Elisabeth Guigou, semble si attachée.
Et M. Chevènement n'est pas le seul à formuler de sérieuses réserves contre ce projet de loi. En effet, le président du groupe Radical, Citoyen et Vert à l'Assemblée nationale, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, qui appartient lui aussi à votre majorité, déclare aujourd'hui même que son groupe ne votera la réforme du CSM qu'à la condition que le texte mentionne qu'un membre du parquet qui n'appliquerait pas les directives générales de la politique pénale du garde des sceaux encourrait des sanctions disciplinaires.
Auquel de vos ministres allez-vous donner satisfaction ? Lequel de vos ministres allez-vous dès lors mettre en porte-à-faux ? Enfin, croyez-vous vraiment opportun de réformer la Constitution sur un texte qui fait si peu l'unanimité sur tous les bancs de cette assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le Gouvernement a engagé, à l'initiative du Premier ministre, une réforme de la justice d'une ampleur inégalée depuis 1958, date de la réforme de Michel Debré. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette réforme a pour objectif, d'abord de rapprocher la justice des citoyens, ensuite de rendre la justice plus impartiale. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Jacques Myard. C'est faux !
Mme la garde des sceaux. L'impartialité, qu'est-ce que c'est ? C'est à la fois l'indépendance et la responsabilité des magistrats...
M. Jacques Myard. C'est faux !
Mme la garde des sceaux. ... pour une meilleure protection des droits des personnes. Sur cette réforme de grande ampleur, nous avons avancé puisque le premier volet sur la justice au quotidien a heureusement été adopté dans sa totalité par le Parlement.
S'agissant du deuxième volet, relatif à la protection des droits des personnes et à la présomption d'innocence, un texte est en navette et il est extrêmement important qu'à cette occasion nous déterminions les éléments qui, dans la décision juridictionnelle des juges, doivent être soumis à des contre-pouvoirs, à d'autres regards, pour que soient renforcés les droits de la défense. Cela est en cours.
Enfin, troisième volet, un projet de loi vise à intégrer dans la loi ce qui est ma pratique depuis deux ans, c'est-à-dire l'interdiction des instructions individuelles.
Monsieur le député, si l'on pense que la justice doit être impartiale et que les droits des personnes doivent être mieux respectés, alors il faut commencer par voter le projet de loi constitutionnelle. Vous l'avez d'ailleurs fait à une écrasante majorité, il y a un an. Il faut confirmer ce vote le 24 janvier. («Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Ce faisant vous ferez un premier pas en avant si vous vous préoccupez justement de la responsabilité des magistrats. En effet, si vous votez cette réforme, le Conseil supérieur de la magistrature ne sera plus composé majoritairement de magistrats et les décisions disciplinaires les concernant seront prises par un organisme composé majoritairement par des non-magistrats.
Ensuite, nous pourrons examiner le projet de loi organique dont je vous communiquerai les principaux éléments d'ici à la fin novembre ou au début décembre, pour mettre en oeuvre la responsabilité disciplinaire des magistrats.
Tout cela n'est pas nouveau. Je me suis exprimée à plusieurs reprises ici et au Sénat pour dire comment le Gouvernement comptait avancer sur la responsabilité des magistrats et des décideurs publics. Continuons, mais commençons par voter le projet de loi constitutionnelle au Congrès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. François Rochebloine

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 novembre 1999

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