Question au Gouvernement n° 164 :
Irak

11e Législature

Question de : M. Michel Suchod
Dordogne (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 1997

M. le président. La parole est à M. Michel Suchod.
M. Michel Suchod. Ma question porte sur la crise irakienne et s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Qu'explique-t-on actuellement à l'opinion sur ce dossier ? Comme toujours, que les Irakiens refusent telle mission américaine, que l'expulsion de certains membres de la commission spéciale des Nations Unies va être exigée, que les Irakiens vont tirer sur l'avion d'observation U-2. Je voudrais appeler l'attention de la représentation nationale sur deux réalités.
Premièrement, depuis sept ans, l'Irak coopère avec les Nations unies au point que la lumière est complètement faite sur deux dossiers essentiels. D'abord, sur la question des missiles, les américains savent, nous savons exactement combien de missiles ont été produits, où ils étaient, ceux qui ont été tirés, ceux qui restent. Ensuite, s'agissant du nucléaire, nous savons exactement quelles sont les installations. Elles sont sous contrôle et si la moindre action était reprise, la communauté internationale en serait immédiatement informée. Par conséquent, l'Irak a coopéré.
Deuxièmement, la situation en Irak est grave. Je sais que, dans le cadre du fameux «deux poids, deux mesures», beaucoup de gens s'intéressent peu aux morts en Irak, se préoccupent peu de savoir si un demi-million d'enfants sont morts, comme l'indiquent un rapport de l'OMS et un rapport de l'UNICEF, si un quart des enfants irakiens souffrent de malnutrition et si la résolution «pétrole contre nourriture» est appliquée largement ou avec parcimonie, comme c'est en réalité le cas.
Mais on refuse de permettre aux Irakiens de voir le bout du tunnel. D'ailleurs, Mme Albright, sécrétaire d'Etat américain, a indiqué, à l'université de Georgetown en janvier dernier: «Tant que Saddam Hussein sera au pouvoir, nous maintiendrons les sanctions». Voilà qui dépasse complètement les résolutions des Nations unies.
Le 22 octobre, notre gouvernement ne s'est pas associé aux sanctions. Nous nous sommes abstenus, ainsi du reste que plusieurs membres du Conseil de sécurité, la Chine et la Russie. On parle de prendre aujourd'hui même, à New York, une nouvelle résolution interdisant toute sortie du territoire à des Irakiens. On étudie en ce moment même l'éventualité de nouvelles frappes aériennes sur l'Irak, que je juge pour ma part illégales, et que feraient les Etats-Unis.
Ma question est donc celle-ci: quelle sera à New York, aujourd'hui même, l'attitude du gouvernement français et, plus généralement, peut-on imaginer qu'à l'avenir on renverse la charge de la preuve sur les sanctions ? En effet, aujourd'hui on décide de sanctions qui ne seront levées, un jour, que si la communauté internationale et les Etats-Unis le veulent bien, alors qu'il aurait fallu voter des sanctions pour une durée limitée et ne les prolonger qu'avec l'accord de la communauté internationale. Si nous avions procédé ainsi, cela ferait longtemps que nous aurions vu le bout du tunnel sur ce dossier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, en posant votre question, vous avez émis une opinion sur ce qui se passe en Irak, traduisant des interrogations que l'on peut se poser. La France est attachée au respect de toutes les résolutions des Nations unies. Je dis bien «toutes», et c'est là qu'intervient la crise actuelle.
Ce qui a provoqué cette crise, c'est justement le fait que, le 29 octobre, l'Irak a pris la décision d'expulser les experts américains appartenant à la commission spéciale des Nations unies mise en place pour vérifier le processus de désarmement de l'Irak et que ce pays ait, de plus, décidé d'interdire à l'avion U-2, qui travaille, là encore, pour les Nations unies, de survoler son territoire. Ces décisions ont été unanimement condamnées par le Conseil de sécurité le jour même. Celui-ci a adopté une déclaration exigeant des Irakiens une coopération sans condition ni restriction avec la commission spéciale.
Vous me demandez, monsieur le député, quelle est dans cette affaire la position de la France, notamment aujourd'hui. Depuis le début de la crise, la France a appelé et continue d'appeler l'Irak à rapporter ses décisions, qui sont inacceptables car contraires aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. A notre sens, les décisions irakiennes ne peuvent précisément que retarder le moment où les Nations unies seront en mesure de constater les progrès du désarmement en Irak et de lever les sanctions qui frappent durement, c'est vrai, le peuple irakien - vous avez attiré l'attention là-dessus. Tel est l'esprit de la déclaration franco-russe qui a été adoptée par M. Védrine et M. Primakov lors de la visite du Premier ministre à Moscou.
Pour la France, seule une coopération complète et effective avec la commission spéciale pourra permettre l'application du paragraphe 22 de la résolution 687, auquel, j'en suis sûr, vous êtes attaché, qui précise que la levée de l'embargo suppose cette coopération et un processus de désarmement complet. Notre politique tout entière vise à assurer la réinsertion de l'Irak au sein de la communauté internationale et à vérifier que les obligations fixées par les résolutions auront été remplies. Notre approche générale est donc que les mesures qui pèsent sur l'Irak ont justement pour objectif de l'inciter à modifier son comportement dans le sens d'une plus grande coopération, seule à même de préserver une perspective de sortie du système des sanctions.
S'agissant du vote d'aujourd'hui aux Nations unies, un projet est sur la table, qui semble recueillir un accord. Soyez, en tout cas, certain d'une chose: la France est attachée à l'application de toutes les résolutions, de tout le droit international et elle est également très attachée à l'unanimité du Conseil de sécurité. Ce sera notre attitude aujourd'hui, comme cela l'a été hier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Michel Suchod

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 novembre 1997

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