Question au Gouvernement n° 176 :
élections professionnelles

11e Législature

Question de : M. Roger Meï
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 1997

M. le président. La parole est à M. Roger Meï.
M. Roger Meï. Madame le garde des sceaux, le 10 décembre, plus de 15 millions de salariés et de chômeurs vont avoir à élire leurs 15 000 conseillers prud'homaux. La juridiction des conseils de prud'hommes, unique au monde, est un instrument irremplaçable de la vie démocratique.
Lors du débat budgétaire consacré à la justice, le 21 octobre dernier, Georges Hage, au nom du groupe communiste, vous a demandé de faire en sorte que soient déclarées irrecevables toutes les listes suscitées par le Front national. Dans votre réponse, vous vous êtes engagée à faire montre de vigilance sur la recevabilité de ces éventuelles candidatures.
M. Robert Pandraud. Est-ce démocratique ?
M. Roger Meï. Aujourd'hui le Front national tente d'obtenir des conseillers prud'homaux sous le sigle CFNT dans au moins 32 départements et 121 sections. Cela ne peut laisser personne indifférent, et en tout cas pas les organisations syndicales représentatives.
En conséquence, madame le garde des sceaux, sans attendre les recours, quelles mesures concrètes allez-vous prendre en amont pour interdire de telles listes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, une semaine après la clôture des listes pour les élections prud'homales du 10 décembre, nous constatons que près de 200 listes portent le sigle CFNT, Confédération française nationale des travailleurs. Ces listes, à l'évidence, font référence à un parti politique dont les pratiques, les comportements, les idées sont en totale opposition avec ce que représentent les conseils de prud'hommes, c'est-à-dire une justice exercée par des pairs et qui vise à défendre, hors de toute exclusive et de toute exclusion, l'ensemble des salariés de notre pays.
M. Jean Ueberschlag. Ce parti vous a pourtant fait gagner les élections !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous n'avons pas eu la possibilité de modifier la loi lorsque nous sommes arrivés au pouvoir puisque les délais qui étaient impartis pour déposer les listes étaient déjà entamés. Je regrette d'ailleurs que cette loi n'ait pas été modifiée auparavant, car tout le monde savait pertinemment que ce risque existait.
Mme Odette Grzegrzulka. Très juste !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai moi-même essayé de voir si le décret permettrait de modifier le texte afin d'éviter que des partis politiques puissent se présenter aux élections.
Mme Françoise de Panafieu. Et la CGT, c'est quoi ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais le Conseil d'Etat nous a donné un avis défavorable. Depuis, nous avons demandé aux préfets, avec l'accord de M. le Premier ministre, de porter devant les tribunaux l'ensemble des listes comportant des irrégularités flagrantes.
Aujourd'hui, des tribunaux donnent leurs premières décisions sur les recours présentés par des préfets ou des organisations syndicales. Les prises de position sont très diverses. Le tribunal d'instance de Bordeaux, par exemple, a annulé une liste émanant d'une organisation défendant la préférence nationale qui s'inscrit en violation des principes fondamentaux de notre droit tel que rappelés dans le préambule de la Constitution de 1946. Il en a été de même pour les tribunaux de La Rochelle, de Bobigny et de Montbrison. Mais des décisions inverses ont été prises en Côte-d'Or, dans la Marne, dans les Alpes-Maritimes, en Saône-et-Loire et dans le Doubs. En tout état de cause, une fois que les élections auront eu lieu, il sera toujours possible aux candidats d'attaquer, à nouveau, devant les tribunaux, ces listes.
Sachez en tout cas que, dès janvier prochain, le Gouvernement modifiera la loi afin qu'un parti politique qui défend des thèses qui ne sont dignes ni de la République ni de la démocratie ni de la démocratie sociale dans les entreprises ne puisse plus présenter des listes aux élections prud'homales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)
M. François Vannson. C'est une réponse stalinienne !
Mme Françoise de Panafieu. Quant à la question, elle était surréaliste !

Données clés

Auteur : M. Roger Meï

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 novembre 1997

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