plans d'urgence
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2000
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Notre pays est encore sous le choc des deux catastrophes qu'il vient de subir: les tempêtes d'un côté et, de l'autre, la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika. Les premières, caprices de la nature, sont difficilement évitables. On ne peut que les constater, les déplorer et surtout y faire face et réparer les dégâts, même s'il importe d'en tirer toutes les conséquences. La seconde soulève l'indignation - je dirai même l'écoeurement - et un tel désastre, celui-ci évitable, ne suscite qu'une réaction: «Plus jamais ça !»
Au-delà de la détresse des habitants des régions touchées, ce sont nos forêts, nos paysages, nos rivages, notre patrimoine architectural historique qui sont ravagés; des emplois et des activités économiques sont menacés.
Dès le lendemain de ces catastrophes, la France et les Français ont été exemplaires. La solidarité de la population, le dévouement et l'efficacité de tous les services publics, l'engagement de tous les instants des élus locaux ne seront jamais assez salués. Vous-même, monsieur le Premier ministre, comme les membres du Gouvernement, êtes présent sur le terrain aux côtés des élus et de la population.
Dès le 12 janvier, vous avez annoncé un plan de mesures dont l'ampleur est à la hauteur des dommages subis. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, ce qu'il en est de la mise en oeuvre de ce plan sur le court, le moyen et le plus long terme, afin de redonner espoir et courage à toutes les victimes et à ceux qui continuent de se battre courageusement pour réparer l'irréparable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, à la fin du mois de décembre, notre pays a été frappé par deux catastrophes d'une exceptionnelle gravité. Deux ouragans...
M. Jean-Louis Debré. Trois, avec Voynet !
M. le Premier ministre. ... ont touché les deux tiers du pays, fracassant une partie de nos forêts. A cela s'est ajoutée une marée noire, conséquence, sans doute, avec le naufrage de l'Erika, de la violence de la mer, mais aussi, et peut-être surtout, conséquence d'un système qui privilégie encore le transport à bas prix de produits polluants et donc dangereux, au détriment de la sécurité et de l'environnement.
M. François Goulard. Et la convention de 1992 ?
M. le Premier ministre. Les deux tiers de nos départements, beaucoup de nos régions ont été frappés par les intempéries. Devant la représentation nationale, qui se réunit à nouveau aujourd'hui, je veux saluer la mémoire des victimes, prendre avec vous ma part du deuil des familles éprouvées dans la vie de leurs proches. Je pense aussi à tous ceux qui ont souffert durement, parfois plusieurs semaines, en étant privés d'électricité, de chauffage, de téléphone, et dont la vie quotidienne est encore, pour certains, fragilisée par la perte de leur outil de travail ou par des atteintes à leur patrimoine.
Une fois de plus, tous les élus des départements concernés, comme dans l'Aude par exemple, ont été présents sur le terrain auprès de leurs administrés et se sont mobilisés. Ils m'ont confié, quand j'étais auprès d'eux - ou m'ont écrit pour me le dire - à quel point leur département ou leur commune étaient éprouvés.
Je veux rendre hommage à nouveau au grand élan de solidarité qui s'est manifesté dans le pays à travers l'action des maires, des élus des autres collectivités, des fonctionnaires de l'Etat, des agents du service public, des militaires venus nombreux en renfort, des agents d'entreprises d'électricité étrangères venant témoigner la solidarité de l'Europe.
M. François Goulard. Et des ministres en vacances !
M. Charles Cova. Et de Mme Voynet !
M. le Premier ministre. Les ministres compétents et moi-même (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) nous sommes rendus immédiatement sur le terrain, interrompant nos vacances. (Protestations sur les mêmes bancs.) Le président de la République lui-même s'est rendu sur le terrain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Ecoutez, ne sondons pas les vacances des uns et des autres et ne regardons pas d'où ont été proclamées certaines mises en cause vengeresses.
M. André Santini. Allons ! Allons !
M. le Premier ministre. Vous faites preuve de bon sens, monsieur Santini.
Evidemment, le Gouvernement a pris immédiatement des mesures d'urgence. Par la suite, dès le 12 janvier, un plan d'ensemble a été arrêté, après un travail considérable, qui concerne l'ensemble des personnes et des biens ayant souffert des dégâts.
M. Philippe Briand. C'est bien tout ce qui a été arrêté !
M. le Premier ministre. Il concerne les particuliers, les agriculteurs, les pêcheurs, les conchyliculteurs, les propriétaires forestiers et même les agents économiques des autres secteurs d'activité touchés par les ouragans.
Ce dispositif d'ensemble répond à quelques principes d'action: d'une part, une mise en oeuvre rapide, en particulier pour celles et ceux qui sont confrontés à des situations de précarité dans leur vie personnelle ou professionnelle; d'autre part, l'expression forte de la solidarité nationale à la hauteur des besoins, tels qu'ils sont aujourd'hui estimés.
Au total, les mesures annoncées représentent un effort budgétaire de plus de 4 milliards de francs pour l'année 2000, sans compter les prêts qui représentent eux-mêmes 12 milliards de francs, auxquels il faut ajouter les 6 milliards de francs sur dix ans prévus pour l'aide à la reconstitution de la forêt.
Il est fait appel, autour de ces mesures, simultanément, à une série de dispositifs et d'actions adaptés à la diversité des situations, parce que justement celles-ci sont diverses: des dotations exceptionnelles, des prêts à taux nul, des délais, voire des dégrèvements pour le paiement des impôts et des charges sociales, des avances de trésorerie, des aides à l'indemnisation du chômage partiel.
Un plan national pour la forêt a été adopté, qui vise à aider ce secteur à faire face aux conséquences des destructions et, au-delà, bien sûr, à reconstituer la forêt française.
Le Gouvernement souhaite, par ailleurs, que l'Union européenne puisse apporter aussi son concours à la réparation des dommages causés par la tempête et la marée noire. Il saisira la Commission, dans les jours qui viennent, de demandes précises.
Enfin, le Gouvernement entend tirer les enseignements de ces catastrophes. Je réunirai, à cet effet, pour nouer le dialogue, les représentants des associations d'élus. Un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire se tiendra à la mi-février à Nantes. Auparavant, je réunirai les élus de la façace atlantique à l'hôtel de Matignon.
Un comité interministériel de la mer se tiendra à Nantes le jour du CIADT qui nous permettra d'annoncer les démarches qui seront engagées par le Gouvernement sur les plans national, communautaire et international...
M. Lucien Degauchy. Quel programme !
M. le Premier ministre. ... afin de renforcer la sécurité du transport maritime et mieux prévenir les pollutions.
A cet égard, le Gouvernement sera particulièrement attentif aux propositions de la commission d'enquête dont votre assemblée, paraît-il, prendra l'initiative.
Une mission d'évaluation des enseignements à tirer des ouragans sera mise en place.
Pour faire face aux besoins, le Gouvernement continuera de prendre toutes les mesures nécessitées par les circonstances et dégagera tous les moyens appropriés avec détermination et en étroite concertation avec l'ensemble des élus. Soyez certains que nous ferons face au défi de la reconstruction et que nous le ferons dans la durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2000