défense et usage
Question de :
M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 2 février 2000
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, car le sujet, me semble-t-il, est important: il touche toutes les catégories sociales de la population et revêt même une certaine gravité.
Monsieur le Premier ministre, il ne se passe pas une semaine sans que nous n'apprenions que celles et ceux qui ont pour devoir de défendre notre langue la bafouent et la trahissent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
C'est un haut fonctionnaire des finances qui s'adresse dans un idiome étranger au Parlement européen alors même qu'il y a une traduction simultanée.
C'est un PDG d'une entreprise nationale qui impose ce même idiome étranger comme langue de travail de son conseil d'administration.
C'est votre ministre de l'éducation nationale qui lance des appels d'offres dans ce même idiome étranger. (Sourires.)
C'est vous-même, monsieur le Premier ministre, qui, lors de manifestations publiques dans des voyages à l'étranger, au Québec ou en Chine, vous adressez dans cette même langue étrangère à des gens qui, parfois, ne la parlent pas. («Oh !» sur divers bancs du groupe socialiste.)
Enfin - dernière nouvelle - c'est l'Assistance publique de Paris qui refuse de publier des articles de recherche écrits en français et impose cette même langue étrangère.
Monsieur le Premier ministre, trop, c'est trop !
Nous ne pouvons accepter que notre langue devienne une langue morte ! Nous ne pouvons accepter d'être obligés d'utiliser une langue étrangère comme langue de travail, au mépris de nos intérêts économiques, politiques et culturels. J'en prends à témoin M. Lang !
Après la pensée unique, va-t-il nous être imposé la langue unique ? Après l'exclusion sociale, allez-vous favoriser l'exclusion linguistique ?
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures comptez-vous prendre - mesures que vous respecterez vous-même, je n'en doute pas - pour que la langue française demeure en France la langue de travail de chacun, pour que l'on puisse vivre et travailler en France en parlant français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, je ne vous répondrai pas en breton, ne connaissant pas cette langue et n'ayant pas besoin de m'en excuser puisqu'elle n'a jamais été parlée dans la région qui, depuis, bientôt vingt-cinq ans, m'élit. (Sourires.)
M. Yves Nicolin. Vos électeurs ne sont pas rancuniers !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Sur les questions touchant à la francophonie, je vous invite à raison garder et, en particulier, à ne pas considérer le français comme une citadelle assiégée par la langue anglaise.
Dans le même temps que l'on constate dans de nombreux pays dits francophones la volonté de s'ouvrir à la langue anglaise - laquelle, ne l'oublions pas, est aussi une des grandes langues du continent africain - les pays anglophones manifestent eux - et sans que cela soit souligné autant qu'il le faudrait - une grande appétence de français et nous essayons de satisfaire cette demande.
L'une des priorités affichées du sommet de Hanoï a été de renforcer la présence et la pratique du français, notamment dans les institutions internationales, et une ligne de crédits spécifique a été prévue pour organiser la formation à cette fin des diplomates concernés.
M. Jean-Louis Debré. Répondez à la question posée !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je me permets de rappeler que le français n'est pas une langue de travail dans toutes les institutions et dans toutes les enceintes, mais nous essayons, chaque fois que l'occasion nous en est donnée, de rappeler aux fonctionnaires qui dépendent du gouvernement français et de son autorité...
M. Jean-Louis Debré. Il faut le dire à M. Jospin aussi !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... qu'ils ont à s'exprimer en français chaque fois que ce dernier est une langue de travail reconnue.
Telles sont les réponses que je tenais à vous faire.
De grâce, n'ayons pas de la francophonie une idée rétrécie. Adoptons plutôt une attitude conquérante. Le français est réclamé. Donnons-nous les moyens de répondre à cette demande. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jacques Myard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Langue française
Ministère interrogé : coopération
Ministère répondant : coopération
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 février 2000