Question au Gouvernement n° 19 :
énergie nucléaire

11e Législature

Question de : M. Alain Moyne-Bressand
Isère (6e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 26 juin 1997

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand.
M. Alain Moyne-Bressand. J'associe à ma question mes voisins, Charles Millon et Georges Colombier.
Monsieur le Premier ministre, vous avez pris la décision, sans concertation ni dialogue, d'abandonner le surgénérateur de Creys-Malville. Nous savons que cette décision de caractère électoral vise à faire plaisir à Mme Voynet. Mais l'indépendance énergétique de notre pays, à l'origine de laquelle est, entre autres, le général de Gaulle, a fait la richesse de notre développement et de notre économie, et le surgénérateur de Creys-Malville participait de cet esprit.
Son fonctionnement a été confirmé en 1992 par le Premier ministre de l'époque, Pierre Bérégovoy, par MM. les ministres Strauss-Kahn et Hubert Curien, puis par Edouard Balladur. Il a évolué vers la sous-génération, devenant un laboratoire et un outil d'expérimentation. Nous pouvons être fiers de cette technologie que nous partageons avec nos partenaires européens au sein de la société Nersa.
Avez-vous demandé l'avis de Nersa et de nos partenaires avant d'abandonner ce surgénérateur ? Connaissez-vous le coût de cet abandon pour nos partenaires ? Savez-vous ce que vous devrez payer aux communes qui se sont engagées à accueillir les salariés du surgénérateur ? Savez-vous quel coup économique et moral a été porté à notre région par l'annonce de l'abandon du surgénérateur de Creys-Malville ? Vous lui avez fait mal, comme vous avez fait mal à la France en abandonnant une filière nucléaire énergétique dont nous pouvons être fiers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean Glavany. Alors que vous, vous lui avez fait tant de bien !
M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, vous êtes allé à Vilvorde pour soutenir les ouvriers de Renault. Viendrez-vous à Creys-Malville, en France, pour soutenir les salariés du surgénérateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) Ou bien y a-t-il plusieurs catégories d'ouvriers ?
Nous refusons cette décision et nous vous demandons de lancer un débat national sur l'énergie. Vous nous aviez annoncé un dialogue; nous l'attendons !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, vous avez désigné Mme Voynet comme ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Je crains qu'elle ne soit plutôt le ministre du déménagement du territoire ! L'avenir vous demandera des comptes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Vous avez pris quatre minutes sur le temps de votre groupe pour poser votre question alors qu'il est de règle de s'en tenir à deux minutes.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, comme il l'a annoncé il y a quelques semaines, et comme il l'a confirmé dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a, au nom du Gouvernement, annoncé que le programme Superphénix serait abandonné. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - «Hou !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Cette décision vient d'une constatation: ce programme a été très coûteux, puisque plus de 60 milliards d'investissements ont été engagés depuis le début de l'opération.
En outre, le programme ne satisfait pas aux ambitions initiales concernant la production d'électricité.
Je tiens à dire très clairement à l'Assemblée nationale qu'il ne s'agit pas d'une décision motivée par une question de sûreté ou de sécurité. («Et alors ?» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Le programme Superphénix a en effet un très haut niveau de sécurité (Exclamations sur les mêmes bancs), identique à celui des autres installations de la filière électronucléaire.
La décision qui a été prise nécessite une étude approfondie dont je vais essayer de déterminer les contours.
Il s'agit d'abord de déterminer les conséquences et les contraintes juridiques de cette décision.
Il faut ensuite évaluer complètement - et cela va demander du temps - les conséquences techniques et les impératifs de poursuite des recherches nécessaires aux yeux du Gouvernement.
Il faut, en troisième lieu, faire toute leur place aux préoccupations financières puisque sont concernés par le programme Superphénix aussi bien Electricité de France que la Cogema, l'Etat et différents partenaires étrangers, notamment des industriels.
Il s'agit enfin de tenir compte - et vous avez insisté sur ce point dans votre question - des conditions dans lesquelles cet abandon se fera au regard des impératifs d'aménagement du territoire, de maintien de l'emploi et de diversification sur place des activités industrielles. Nous serons très affentifs à tous ces points. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Le Gouvernement souhaite concilier le respect de la loi du 30 décembre 1991 relative au traitement des déchets nucléaires et à leur élimination avec l'arrêt du programme Superphénix.
Mais l'Assemblée nationale doit être consciente que ce processus prendra du temps. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Il est en effet impératif de régler les questions techniques que j'ai évoquées, de se rapprocher des partenaires économiques et financiers, de régler les questions technologiques lourdes, importantes, décisives pour l'avenir du pays, que notre décision entraîne.
M. Jean-Luc Reitzer. Il fallait y penser avant !
M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Enfin, il faut coordonner correctement les moyens d'aménagement du territoire qui seront mis en jeu pour satisfaire l'obligation d'emploi.
Tout sera réalisé en concertation permanente avec les élus locaux, avec le Parlement et l'ensemble des représentants des personnels de la filière. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
En conclusion, j'affirme à nouveau que la fermeture de Superphénix, qui sera réalisée dans quelque temps, va de pair avec la reconnaissance du travail remarquable qui a été accompli par les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers de la filière nucléaire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
Elle va également de pair avec la confirmation très nette par le Gouvernement que l'engagement de notre pays à produire de l'électricité par la filière électronucléaire est irrévocable. Cette filière, qui produit aujourd'hui 80 % de l'électricité de notre pays et assure l'indépendance nationale dans d'excellentes conditions de sûreté et de sécurité de manière non polluante, est essentielle à notre développement économique et énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'union pour la démocratie française.)
M. le président. Je constate, mes chers collègues, que, alors même que vous n'êtes pas d'accord, vous applaudissez tous ! (Sourires.)
La question était très longue, la réponse aussi, et nous devons passer aux questions du groupe socialiste.

Données clés

Auteur : M. Alain Moyne-Bressand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 juin 1997

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