établissements
Question de :
M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 8 mars 2000
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Madame la ministre de la justice, il y a quelque mois, vous avez mis en place une commission chargée de réfléchir et de proposer des solutions pour assurer un contrôle extérieur efficace des établissements pénitentiaires. La préoccupation est légitime au regard des attentes d'une société démocratique. Elle est aussi - mais faut-il le rappeler ? - d'une grande actualité.
Le Parlement s'est lui-même saisi - et d'ailleurs avec un consensus assez fort sur ces bancs - de la question. D'abord, en revendiquant un droit de visite à tout moment des députés et sénateurs dans les prisons de leur circonscription.
Ensuite, en créant des commissions d'enquête, notamment une commission d'enquête présidée par Laurent Fabius, qui rendra son rapport dans quelques mois.
De son côté, la commission présidée par M. Canivet n'a pas souhaité agir dans l'urgence. Elle a procédé à de nombreuses auditions et vous a remis hier ses conclusions, qui s'articulent autour de vingt-neuf propositions dont certaines sont particulièrement novatrices.
Madame la ministre, quelles sont vos intentions quant à ces propositions ? Dans quelle mesure, comment et selon quels délais comptez-vous les mettre en oeuvre en les articulant avec le travail mené par notre assemblée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Robert Pandraud. Pourquoi nous «court-circuiter» ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je tiens d'abord à rappeler qu'il y a deux ans, en avril 1998, j'avais présenté au conseil des ministres une communication sur la politique pénitentiaire qu'entendait mener le Gouvernement, et déjà à l'époque, j'avais indiqué que la question du contrôle externe des prisons était très importante.
Cette communication a d'ailleurs déjà débouché sur des décisions concernant le contrôle. C'est le cas du code de déontologie dont le décret vient d'être approuvé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
En ce qui concerne le contrôle externe, j'ai installé en juillet 1999 la commission Canivet dont la composition est très représentative de l'ensemble de la société française. Je lui ai demandé de me faire des propositions. Au vu du rapport de très grande qualité qu'elle m'a remis, ces propositions me semblent novatrices et, pour certaines, audacieuses.
Quelles seront les suites données à ce rapport ?
D'abord, j'ai décidé, compte tenu de sa qualité, d'en assurer une très large diffusion. Je l'ai déjà transmis aux commissions parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat qui se livrent à l'enquête que vous connaissez bien. J'ai également décidé de le transmettre aux organisations professionnelles représentant le personnel, ainsi que, bien entendu, à tous les parlementaires et aux intervenants, lesquels sont très nombreux - n'oublions pas que 30 000 personnes entrent tous les jours dans nos prisons.
Ensuite, je voudrais souligner que, d'ores et déjà, certaines recommandations du rapport ont fait l'objet d'un début d'exécution. C'est le cas pour l'amélioration de la situation matérielle dans les prisons, dont le rapport souligne la nécessité. Je rappelle à la représentation nationale qu'un programme de six nouveaux établissements à été lancé - ils seront livrés en 2002 - et que, à la suite de la visite de votre commission des lois à la Réunion, il est même prévu d'en construire un septième à Saint-Denis.
Les contrôles externes sont nécessaires à la fois pour mieux protéger les droits des détenus et pour faire reconnaître le professionnalisme du personnel pénitentiaire. Car il faut bien savoir que l'amélioration des conditions de la détention des détenus doit absolument aller de pair avec l'amélioration des conditions de travail des personnels et que l'une et l'autre sont intimement liées. Si les conditions de travail du personnel sont meilleures, les conditions de la détention deviendront alors meilleures, et si les conditions de la détention sont meilleures les conditions de travail du personnel seront alors elles-même améliorées.
Je vais soumettre ces propositions à une concertation approfondie que je mènerai moi-même avec les personnels de l'administration pénitentiaire, car la réforme se fera avec eux.
Pour ce qui est du calendrier, je vous indique que, dès le 20 mars prochain, je soumettrai ce rapport et ces propositions au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire que j'ai recommencé à réunir il y a un an et demi - il n'avait plus été réuni depuis douze ans !
Vous voyez donc que j'ai un programme de travail important.
L'administration pénitentiaire n'a rien à craindre de cette ouverture sur l'extérieur. Elle a d'ailleurs montré, au moment de la publication du livre de Mme Vasseur, qu'elle acceptait d'ouvrir les établissements, de montrer ce qui s'y passe, de montrer ce qui va bien, car beaucoup de choses vont bien, et ce qui, en effet, va moins bien. Je pense que c'est l'opacité et non l'ouverture qui est nuisible, car c'est l'opacité qui contribue à porter un regard faux sur l'administration pénitentiaire.
Les personnels de l'administration pénitentiaire ont tout à gagner à une revalorisation de la mission très importante qu'ils exercent au nom de la nation et à ce que l'ensemble de la nation s'intéresse de façon continue à la situation dans nos prisons et pas seulement par crises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Bruno Le Roux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 mars 2000