immigration clandestine
Question de :
M. Jean-Claude Mignon
Seine-et-Marne (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 11 mai 2000
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.
M. Jean-Claude Mignon. Monsieur Fabius, ma question ne s'adresse pas à vous. Elle s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Selon les chiffres de la police nationale, la pression migratoire illégale aux frontières nationales croît nettement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Nicolas Anelka veut rentrer en France !
M. Jean-Claude Mignon. Or vous avez décidé, monsieur le ministre, lors du conseil de sécurité intérieure du 6 décembre, de fermer d'importants postes frontières tenus par la police de l'air et des frontières. Ainsi, 400 fonctionnaires devraient quitter la surveillance des frontières pour être redéployés sur l'ensemble du territoire français.
Vous déshabillez Paul pour habiller Pierre et prenez ainsi le risque de voir se multiplier le nombre de clandestins, avec tous les problèmes que cela pose. C'est ce qu'a illustré un hallucinant reportage diffusé ce week-end sur l'une de nos grandes chaînes de télévision, montrant à quel point il est facile de tromper une police de l'air et des frontières dotée de si faibles moyens. Et ce reportage était corroboré par un syndicaliste fonctionnaire de la police de l'air et des frontières, outré, comme l'ensemble des téléspectateurs, par tant de laxisme.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Allez-vous procéder d'ici quelque temps à une nouvelle régularisation en masse des clandestins ?
M. Thierry Mariani. Comme d'habitude !
M. Jean-Claude Mignon. La recrudescence de ce mouvement fonde-t-elle votre soutien démagogique à la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers ? Allez-vous enfin vous décider à donner à la police les moyens de son action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous abordez un sujet qui se prête à toutes les démagogies. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Thierry Mariani. C'est un spécialiste qui parle !
M. Bernard Accoyer. Il serait donc interdit d'en parler ?
M. le ministre de l'intérieur. Votre question porte plus particulièrement sur les demandes d'asile à la frontière, qui sont effectivement en recrudescence, notamment à l'aéroport de Roissy - en un an, elles y ont doublé. Pour remédier à l'insuffisance de nos capacités en zone d'attente, nous allons d'ailleurs créer, dès le mois de juin, 70 places supplémentaires au centre du Mesnil-Amelot; et, au début de l'année prochaine, une nouvelle zone d'attente sera ouverte au Tremblay-en-France.
Cette pression existe donc bien, mais pas seulement en France. J'étais en Grande-Bretagne il y a quelques semaines: en un an, le nombre des demandes d'asile à la frontière est passé de 41 000 à 71 000. Et, en Allemagne, il atteint 100 000. En France, nous n'en sommes pas là, puisque le chiffre de l'an dernier était de 31 000. Pour autant, la loi RESEDA se révèle un outil efficace et souple.
M. Thierry Mariani. C'est faux !
M. le ministre de l'intérieur. Elle nous a permis d'accueillir, en 1998, 155 000 primo-arrivants - desquels il faudrait, d'ailleurs, déduire 50 000 à 60 000 personnes régularisées au titre de la circulaire du 24 juin 1997. Il y avait plus d'étudiants, plus de chercheurs, plus d'enseignants, plus de scientifiques, grâce aux nouveaux titres de séjour prévus à cet effet.
M. Pierre Lellouche. Il n'y a jamais eu aussi peu d'étudiants étrangers en France !
M. le ministre de l'intérieur. Certes, des points noirs demeurent au niveau des frontières espagnoles ou italiennes; mais le phénomène est lié aux modifications de législation dans ces pays.
Si le taux de reconduite à la frontière avait pu fléchir l'an passé, les chiffres dont je dispose montrent que la loi s'applique, à nouveau, avec une certaine efficacité.
M. Bernard Accoyer. Quelle modestie !
M. Thierry Mariani. C'est faux !
M. le ministre de l'intérieur. Je tiens ces chiffres à votre disposition...
Les préfets ont reçu des instructions. Je rends hommage au travail de la police aux frontières, effectivement redéployée, conformément à l'esprit des accords de Schengen.
Ce sujet se prête, comme je le disais, à toutes les démagogies, à l'angélique comme à la catastrophiste, c'est-à-dire à la vôtre, qui, au nom d'une immigration zéro, méconnaît les données du monde dans lequel nous vivons. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe pour l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous disposons d'un outil qui nous permet d'accueillir à proportion de nos facultés. 100 000 personnes accueillies par an, c'est à mon sens tout à fait raisonnable. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean-Claude Mignon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mai 2000