Question au Gouvernement n° 228 :
emplois jeunes

11e Législature

Question de : M. Pierre Cardo
Yvelines (7e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 1997

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
M. Pierre Cardo. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question concerne les effets du dispositif des emplois-jeunes sur les entreprises d'insertion.
Faute de cadre adapté, les emplois dits d'utilité sociale ont souvent été créés par des entreprises d'insertion. Certains «nouveaux métiers», comme ceux d'agent d'ambiance ou de messager, ont été créés auprès des entreprises de transport, par exemple la SNCF, avec un taux de couverture du coût financier de l'ordre de 50 %. Or aujourd'hui le dispositif des emplois-jeunes assure à ces mêmes entreprises, dont la SNCF, un taux de couverture de 20 % seulement. Il est clair, dans ces conditions, que la SNCF aura tout intérêt à recruter directement ces jeunes. Les entreprises d'insertion qui avaient ce type d'activité et qui l'ont initié seront donc conduites à arrêter leur activité.
Cela pose différents problèmes. Par exemple, ces jeunes, qui ont déjà exercé une activité salariée et qui, pour beaucoup, ont dépassé l'âge de vingt-cinq ans, ne pourront plus être recrutés dans le cadre de ces nouveaux emplois, alors que c'est grâce à eux qu'ils ont été expérimentés. Cela peut paraître injuste.
Ma question peut se décomposer en plusieurs parties.
Premièrement, pourrait-on envisager une dérogation pour les entreprises d'insertion qui travaillent déjà dans le champ de l'utilité sociale, afin qu'elles puissent bénéficier du dispositif des emplois-jeunes ? Pour l'instant, elles en sont exclues.
Deuxièmement, pourrait-on permettre aux jeunes qui ont déjà travaillé dans ce type d'entreprises de bénéficier du dispositif des emplois-jeunes ?
Troisièmement, afin de distinguer clairement les entreprises d'insertion qui font tourner leurs effectifs au bout de deux ans maximum de celles qui oeuvrent réellement dans le champ de l'utilité sociale et qui ont vocation à pérenniser ces emplois - ce qui est le but de votre loi -, ne pourrait-on répondre à la demande des acteurs locaux qui réclament, depuis un certain temps, la création d'entreprises à but social ou à utilité sociale ?
Enfin, madame le ministre, donnerez-vous des instructions aux préfets dans les départements afin d'éviter que certaines collectivités ou acteurs ne détournent l'objet de votre loi en créant des associations qui n'auraient pas le titre d'entreprises d'insertion, mais qui en auraient la vocation ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, vous avez raison de dire que les entreprises d'insertion ont souvent été en avance sur le marché. Elles ont d'ailleurs travaillé dans plusieurs secteurs. Certains des emplois qu'elles ont offerts sont aujourd'hui des emplois jeunes, d'autres ont été repris depuis par le secteur marchand.
C'est la raison pour laquelle, dans la circulaire qui a été envoyée aux préfets, nous avons dit très clairement qu'aucun projet ne pouvait être accepté dans un bassin d'emploi s'il portait atteinte non seulement au secteur marchand, mais aussi au secteur déjà couvert par des entreprises d'insertion. Les choses sont claires.
Vous avez aussi raison sur un second point. Il convient, comme pour les CES, que les jeunes de moins de trente ans qui ont travaillé dans une entreprise d'insertion puissent bénéficier directement du dispositif des emplois-jeunes, s'ils sont en capacité de travailler. Car les jeunes des entreprises d'insertion ont souvent beaucoup de mal à travailler dans un emploi classique, comme le sont les emplois-jeunes, parce qu'ils ne sont pas en état ou physique ou moral de le faire. Cela dit, s'ils en sont capables à la fin de leur stage d'insertion, ils pourront «basculer» vers le dispositif des emplois-jeunes sans aucune contrainte. C'est prévu dans la loi.
Nous avons davantage besoin des entreprises d'insertion en ce moment où le chômage de longue durée continue à s'accroître. C'est la raison pour laquelle, dans mon budget qui vient d'être voté par l'Assemblée et par le Sénat, c'est le poste qui augmente le plus; 6 % et 750 emplois supplémentaires.
Je m'apprête en outre à envoyer une circulaire aux préfets pour leur demander que les entreprises d'insertion puissent toucher la première moitié de la subvention dès le début l'année et l'autre au milieu de l'année, pour éviter ce qui s'est passé dans les années passées: nombre d'entreprises avaient dû déposer leur bilan, parce que l'Etat n'avait pas répondu à ses engagements.
Enfin, nous travaillons actuellement sur la loi contre les exclusions avec l'ensemble du monde de l'insertion par l'économique, entreprises d'insertion, régies de quartier, associations intermédiaires. Ne devons-nous pas avancer de manière plus transparente vers un cadre unique, et pourquoi pas vers l'entreprise à vocation sociale que beaucoup demandent et qui me paraît effectivement constituer un bon objectif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Cardo

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 décembre 1997

partager