sécurité alimentaire
Question de :
M. François Sauvadet
Côte-d'Or (4e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 8 novembre 2000
M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, tous les groupes de notre assemblée, qu'ils appartiennent à l'opposition ou à la majorité, vous ont interrogé sur la crise de l'ESB. C'est que, vous l'avez rappelé, le problème est préoccupant.
Nous n'avons, quant à nous, nullement l'intention d'expoiter les peurs ou d'alimenter la psychose, ce serait irresponsable et indigne (Applaudissements sur plusieurs bancs) tant vis-à-vis des personnes qui ont pu être touchées par cette maladie, que pour la filière toute entière, dont on a peu parlé jusqu'à présent, et pour les maires et les consommateurs qui s'interrogent.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, vous avez invoqué tout à l'heure le principe de précaution. C'est bien lui qui devrait précisément vous engager à interdire sans délai l'utilisation des farines animales dans l'alimentation animale, quels que soient les types d'élevage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
L'avis de l'AFSSA, que vous avez sollicité, ne sera connu que dans plusieurs mois, ses principaux responsables l'ont confirmé. Comme un doute subsiste, le principe de précaution nous engage à le dissiper (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) et la meilleure manière de le faire, c'est encore d'interdire les farines animales.
Vous nous avez dit, monsieur le Premier ministre, que le dossier était à l'étude: on dirait que vous avez découvert le problème aujourd'hui. Pourtant, il y a dix-huit mois, je m'en souviens, nous vous avions interrogé, ici-même, sur le sort qui devait être réservé à ces farines dont nous ne voulions plus qu'elles soient utilisées dans l'alimentation animale.
Je regrette, au nom de mon groupe et, je crois, de toute l'opposition, que des études n'aient pas été entreprises plus tôt et nous demandons que cette interdiction soit effective.
Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé des tests. Comment ne pas s'étonner que nous n'ayons pas encore aujourd'hui les moyens de réaliser des dépistages systématiques ? Certes, les tests sont difficiles à élaborer et n'ont pas tous une efficacité reconnue. Mais donnons-nous tout de même les moyens d'assurer un dépistage aussi systématique que possible: c'est l'une des clés de la confiance retrouvée.
M. Alain Calmat. Cela ne veut rien dire !
M. François Sauvadet. Enfin, monsieur le Premier ministre, vous avez beaucoup parlé de l'inquiétude des consommateurs et des collectivités - mais je m'étonne qu'on n'ait pas plus mentionné ces milliers d'éleveurs qui, aujourd'hui, doivent faire face à des préoccupations extrêmement graves (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance),...
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. François Sauvadet. ... le marché s'étant complètement effondré et la filière ayant été désorganisée. La majorité, pour ne pas dire l'immense majorité d'entre eux, a pourtant joué la carte de la qualité. Ils sont, aujourd'hui, dans le même état d'esprit que l'opinion tout entière.
M. Jean-Pierre Soisson. Bravo !
M. François Sauvadet. Je regrette, une fois encore, que vous n'ayez pas plus clairement et plus activement anticipé une crise qui était à l'état larvaire depuis plusieurs mois (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) que vous n'ayez pas engagé un plan plus efficace et un dialogue plus actif au niveau européen en matière de sécurité alimentaire.
Mme Christine Boutin et M. Jacques Godfrain. Très bien !
M. François Sauvadet. En effet, le paradoxe de la situation, dont vous vous êtes en partie responsable, c'est que notre pays se voit placé au coeur de la tourmente, alors que c'est sans doute celui qui a consenti le plus d'efforts en matière de sécurité alimentaire durant la dernière décennie.
M. Jean-Pierre Soisson. Bravo !
M. François Sauvadet. J'aurai donc simplement deux questions complémentaires à vous poser, monsieur le Premier ministre: quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour permettre à toute la filière - éleveurs, bouchers, abatteurs, transformateurs - de faire face à cette situation de crise ? Vous devez apporter des réponses à tout un secteur de l'économie.
Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre au niveau européen pour préparer l'avenir ? Cela ne peut se faire que par un dialogue soutenu sur le plan de la sécurité alimentaire avec nos partenaires. Sans doute faudrait-il relancer les protéines d'origine végétale pour remplacer ces farines animales dont nous ne voulons plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ainsi que sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je vais répéter les réponses que j'ai déjà apportées à ces questions, et en ajouter une, puisque vous avez formulé une interrogation nouvelle.
Lorsque les farines animales ont été mises en cause par les scientifiques, on était en 1996: c'est vous, la majorité d'alors, qui avez pris la décision de les sécuriser. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. A l'époque, le ministre s'appelait Philippe Vasseur !
Mme Christine Boutin. Maintenant, c'est vous qui êtes au pouvoir !
Un député du groupe socialiste. Et Vasseur est parti !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Et c'est vous qui avez pris la décision de ne pas les interdire pour l'ensemble des cheptels ovins, et nous n'avons pas critiqué cette décision. Compte tenu de la durée d'incubation de la maladie, ces mesures prises en 1996 produiront leur effet à partir de l'année prochaine.
Depuis cette époque, monsieur Sauvadet, aucun élément scientifique nouveau n'est venu remettre en cause les analyses faites en 1996.
M. François Sauvadet. Je le sais !
Mme Christine Boutin. Mais les malades sont beaucoup plus nombreux ! C'est Mme Gillot qui le dit !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame Boutin, comprenez que, compte tenu de la durée d'incubation, les cas les plus nombreux d'ESB qui sont apparus... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. Mes chers collègues, le sujet est d'importance. Laissez le ministre répondre.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... sont les conséquences directes des décisions prises ou non prises il y a cinq ans, c'est-à-dire en 1995. Comprenez aussi que les décisions prises en 1996 ne donneront leurs effets que l'année prochaine.
Certains présidents de groupes parlementaires ont déclaré que la communauté scientifique considérait, unanime, que les farines animales étaient responsables de la maladie; aucun scientifique ne l'affirme en France.
M. Jean-Pierre Soisson. Personne n'a dit cela non plus !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Si, je l'ai lu dans la déclaration d'un président de groupe. Il faut remettre les choses à leur place.
Nous saisissons l'AFSSA pour déterminer s'il y a un nouveau risque; nous en tirerons les conséquences, comme l'a dit le Premier ministre, mais nous nous préparons d'ores et déjà à cette décision.
En ce qui concerne les tests, les propos du Premier ministre sont l'évidence même: nous ne disposons pas de tests suffisants ni en qualité ni en quantité pour en systématiser l'usage. Si nous les avions, bien entendu, nous mettrions en oeuvre le dépistage systématique. Dès que nous le pourrons, nous le ferons, puisque ce sera la garantie suprême que nous pourrions obtenir. Les tests qui sont actuellement sur le marché n'ont même pas été évalués à grande échelle. Le programme que nous mettons en oeuvre nous permettra d'avancer vers une meilleure connaissance.
C'est donc bien dans cette voie que nous nous engageons. Mais nous ne pouvons pas faire plus vite que ceux qui inventent et produisent les tests, qui sont encore en nombre limité et insuffisamment fiables.
S'agissant enfin de l'élevage en France, il faut savoir que cette psychose collective - je l'appelle ainsi car certaines propositions vont au-delà du raisonnable - porte des coups très durs à la filière. Le Gouvernement, là aussi, est bien obligé d'affronter le problème avec sérieux.
Après-demain, jeudi 9, aura lieu à l'Office interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture - OFIVAL - une réunion avec l'ensemble de la filière. Je recevrai moi-même les principaux responsables au début de la semaine prochaine pour envisager les moyens de venir en aide aux éleveurs français qui sont frappés de plein fouet, tant en ce qui concerne leurs revenus que leurs conditions de travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. François Sauvadet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 novembre 2000