Question au Gouvernement n° 2430 :
décentralisation

11e Législature

Question de : M. Maurice Leroy
Loir-et-Cher (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 22 novembre 2000

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy.
M. Maurice Leroy. Monsieur le Premier ministre, les maires de France, réunis en congrès depuis ce matin, jugent vos actes, et non vos discours, en matière de décentralisation.
A cet égard, quels sont les derniers avatars ?
Suppression de la part régionale de la taxe d'habitation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), suppression de la vignette (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) que vous avez décidée sans concertation avec les départements.
Il est vrai, mes chers collègues, que votre gouvernement est beaucoup plus fort pour s'attaquer à la suppression d'impôts (Applaudissements sur les mêmes bancs) dont il n'a pas la responsabilité. Il serait mieux inspiré de s'attaquer aux impôts d'Etat et à la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Tiens, c'est étonnant, vous n'applaudissez plus à gauche ! C'est un peu tristounet ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vingt-quatre mesures au total ont détérioré le lien fiscal entre les collectivités locales et l'Etat. Certes, elles ont été accompagnées du maître mot de compensation, mais les maires - tous les maires, mes chers collègues - savent d'expérience la fiabilité qu'on peut accorder à un tel engagement et ce qu'il faut en penser.
En fait, monsieur le Premier ministre, vous n'avez jamais autant parlé de décentralisation qu'au moment même où vous n'avez jamais autant recentralisé les ressources pour décentraliser les charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous n'applaudissez toujours pas, à gauche ?
Vous ne cessez de vous autoproclamer l'héritier de Gaston Defferre. N'êtes-vous pas plutôt, en ce domaine, le dauphin de Mme Thatcher ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Oui, monsieur le Premier ministre, les maires de France s'interrogent gravement et vous interrogent à ce sujet. Je pose donc ma question au nom des trois groupes de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Quelles sont vos intentions sur l'autonomie des communes de France ? A quelle sauce avez-vous décidé de manger les collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, si j'étais l'héritier de Mme Thatcher, vous m'adresseriez des compliments enthousiastes, comme vous le faisiez lorsqu'elle était aux responsabilités. Vous ne devriez d'ailleurs pas oublier que c'est à son époque, et en raison d'une vision libérale étroitement mercantile, qu'a commencé, à la suite du changement des modes de traitement des farines animales, l'épidémie d'ESB. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Si vous étiez les héritiers de Gaston Defferre, qui était mon ami (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), vous auriez voté les lois de décentralisation en 1982, or vous avez voté contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean Ueberschlag. Changez de disque ! Ca fait trois fois que vous le dites !
M. Thierry Mariani. Parlez-nous plutôt de Mitterrand !
M. le Premier ministre. Parce que ça fait trois fois que vous êtes en contradiction ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Moi, je reste cohérent et logique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Charles Ehrmann. Pitoyable !
M. le Premier ministre. Si vous étiez des partisans de la réforme de l'Etat, vous nous féliciteriez d'avoir opéré, dans l'éducation nationale, la déconcentration du mouvement dans le second degré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous nous apporteriez votre soutien lorsque le ministre de l'économie et des finances lance la grande réforme des marchés publics, qui permettra de clarifier les règles aux yeux des élus et de favoriser l'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés des collectivités publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
En matière de réforme de l'Etat - à cet égard, je veux faire preuve d'objectivité -,...
M. Thierry Mariani. Ca changera !
M. le Premier ministre. ... je reconnais que les débuts ne sont pas totalement négatifs. Vous devriez donc vous associer à la démarche du rapporteur général du budget, Didier Migaud, et du président de l'Assemblée nationale pour réformer enfin l'ordonnance de 1959 sur les procédures budgétaires.
M. Gilbert Meyer. Ce n'est pas suffisant !
M. le Premier ministre. J'espère que nous pourrons accomplir ce travail ensemble.
M. Patrick Devedjian. Il faudrait que vous teniez un autre discours !
M. le Premier ministre. De toute façon, nous, majorité et Gouvernement, nous mènerons ce projet jusqu'à son terme. Nous allons engager la réforme de l'Etat et sa modernisation la plus importante depuis quarante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je me réjouis aussi, monsieur le député, que vous ayez enfin remarqué que nous baissons les impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ceux qui n'ont plus à payer la vignette ou la part régionale de la taxe professionnelle ou qui voient diminuer leur taxe d'habitation s'en félicitent.
M. Maurice Leroy. Ce n'est pas la question !
M. le Premier ministre. De même, nous compensons intégralement les diminutions de produit qui en résultent pour les collectivités locales.
M. François Baroin. C'est faux !
M. le Premier ministre. On ne peut pas à la fois réclamer que l'impôt baisse et protester lorsque celui-ci diminue.
M. Serge Poignant. Mais c'est faux !
M. le Premier ministre. C'est ce que je dirai aux maires de France réunis cet après-midi, puisque j'aurai l'occasion d'aller les revoir après les questions d'actualité. Je compte sur leur courtoisie républicaine et, plus encore, sur leur lucidité. Ils savent qu'avec nous, depuis trois ans et demi, ils y ont gagné sur le plan des ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Maurice Leroy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Etat

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 novembre 2000

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