Question au Gouvernement n° 2465 :
avocats

11e Législature

Question de : M. Bernard Roman
Nord (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 6 décembre 2000

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
M. Bernard Roman. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Depuis trois ans, nous avons engagé une réforme en profondeur de la justice dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Thierry Mariani. Elle a capoté !
M. Bernard Roman. Cette réforme, mes chers collègues, est pour nous éminemment symbolique du renouveau que nous avons voulu et marqué dès le mois de juin 1997.
M. Thierry Mariani. Un échec !
M. Philippe Auberger. Ce n'est pas sérieux !
M. Bernard Roman. Pour une justice plus proche des citoyens (Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République), pour une justice plus respectueuse des libertés (Mêmes mouvements), pour une justice, chers collègues de l'opposition, que nous aurions voulu plus indépendante si vous n'aviez pas changé d'avis en bloquant la procédure de réforme du Conseil supérieur de la magistrature pourtant votée le 18 novembre 1998. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
Dans ce cadre, la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes doit entrer en application le 1er janvier prochain. Malgré des efforts budgétaires sans précédent depuis trois ans, des difficultés sont pointées tant par les magistrats que par les avocats. («C'est une catastrophe !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Madame la ministre, si nous pouvons comprendre qu'une démarche pragmatique doive être proposée, nous sommes attachés à ce que l'essentiel des dispositions contenues dans la loi du 15 juin 2000 soit mis en oeuvre dès 2001. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale comment le Gouvernement envisage de répondre d'une part aux revendications légitimes des avocats sur l'aide juridictionnelle, d'autre part aux problèmes liés à la mise en oeuvre des principales dispositions prévues dans la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, dispositions qui honorent les valeurs de notre démocratie ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste - «Allô !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de le souligner, la loi sur la présomption d'innocence marque une grande avancée en matière de libertés et de droits de l'homme. C'est un grand texte.
M. Philippe Auberger. Pas pour le budget.
Mme la garde des sceaux. C'est un grand texte qui a su conjuguer l'équilibre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) entre le respect des personnes qui sont amenées à se présenter devant une juridiction et le respect profond du droit des victimes. Je salue à ce propos l'excellent travail effectué par le Parlement tout comme la décision prise par lui, en 1999, en 2000 et en 2001, à la demande de Mme Guigou et avec le soutien de tout le Gouvernement, de créer un nombre considérable de postes - exactement 10 fois plus qu'avant - notamment de magistrats. Ces postes vont permettre d'appliquer dans de bonnes conditions la loi voulue par le Gouvernement et par le Parlement.
M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux !
M. Philippe Auberger. Dans l'Essonne par exemple ?
Mme la garde des sceaux. Je n'ai jamais caché, depuis que je réponds en tant que garde des sceaux à des questions d'actualité, dans le même esprit que celui qui animait Elisabeth Guigou, que deux des amendements adoptés par le Parlement posaient des difficultés d'adaptation de nos structures et de nos moyens.
J'ai demandé, ainsi que je l'avais annoncé aux membres de la commission des lois, à l'inspection de diligenter un travail «en dentelle» dans chaque tribunal de France pour voir ce qui posait vraiment problème.
Par ailleurs, j'ai entendu la demande des magistrats et je salue la grande responsabilité des personnels de la justice, greffiers et fonctionnaires, qui ont signé la semaine dernière un protocole d'accord. Ils m'ont dit vouloir un report, et ils sont déçus que celui-ci n'ait pas été décidé, mais, admirant le fond de la loi, ils acceptent l'accord parce qu'il contient des avancées significatives. Ces greffiers et ces fonctionnaires sont des gens responsables.
Un des problèmes les plus sérieux concerne, je l'ai déjà évoqué trois fois devant votre assemblée, la «juridictionnalisation» de l'application des peines. Le droit des détenus à être assistés a été défendu par vous tous. Il a suscité un espoir dans les prisons. Il s'agit maintenant de ne pas le décevoir. Pour cela, il faut étudier avec sérénité et pragmatisme ce que nous pouvons faire ensemble pour que tout se passe très bien à compter du 1er janvier 2001.
C'est en ce sens que je vais travailler dès demain matin et avec votre aide. Dès que le rapport de l'inspection me sera remis, à dix ou onze heures demain, je vous le transmettrai, comme je l'ai promis devant la commission des lois.
M. Maxime Gremetz. C'est bien ! C'est rare !
Mme la garde des sceaux. Vous serez les destinataires de ce rapport d'inspection. C'est votre droit. («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Depuis plusieurs semaines, les avocats posent le problème récurrent de l'aide juridictionnelle. Vous le savez comme moi, c'est dans notre mémoire collective, l'aide juridictionnelle a été réécrite en 1991 pour tenir compte de la difficulté de son exercice dans un strict cadre de solidarité entre les avocats des différents barreaux.
De fortes demandes émanant en particulier d'avocats qui ont à prendre en charge jusqu'à 80 % d'affaires qui relèvent de l'aide juridictionnelle ont été formulées, et des propositions ont été avancées. Les représentants des avocats ont accepté, hier soir, de les prendre en compte. Ils vont consulter leur base et donneront leur réponse demain.
Là encore, avec le soutien de l'ensemble du Gouvernement, notamment de Mme la secrétaire d'Etat au budget, dont je salue l'effort (Sourires), nous voulons que les avocats soient vraiment les premiers défenseurs de l'accès au droit dans ce pays, et que la France soit un exemple en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Roman

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Professions judiciaires et juridiques

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 décembre 2000

partager