Question au Gouvernement n° 2524 :
politique monétaire

11e Législature

Question de : M. Georges Sarre
Paris (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 21 décembre 2000

M. le président. La parole est à M. Georges Sarre.
M. Georges Sarre. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, lors du sommet de Nice, les fédéralistes ont incontestablement perdu une bataille. La réalité et la puissance du sentiment national ont conduit chaque gouvernement à se battre pied à pied pour défendre ce qui lui apparaissait essentiel aux intérêts de son pays. M. Hubert Védrine avait d'ailleurs clairement indiqué, avant Nice, que le peuple français n'était sans doute pas mûr pour de nouveaux transferts de souveraineté. Il est clair qu'il faut construire l'Europe avec les peuples et pour les peuples.
Si les fédéralistes ont perdu une bataille, monsieur le ministre, ils n'ont pas pour autant renoncé à imposer un projet fédéral à un noyau dur de pays à partir du terrain monétaire. Sur cette question, ils ont pourtant déjà subi - je le rappelle - une première défaite: ceux qui rêvaient d'une monnaie forte à cinq ou six pays se retrouvent aujourd'hui avec un euro large à onze pays, donc faible, qui contribue à nous donner plus de croissance et d'emplois.
L'intérêt de la France et de l'Europe n'est pas de renouer avec le mythe de la monnaie forte, qui nous a coûté tant de chômeurs supplémentaires. Il faut aujourd'hui être vigilant sur les difficultés qui résulteraient de critères de convergence budgétaire trop stricts et d'une politique de relèvement des taux d'intérêt inconsidérée.
Maintenant, la France peut et doit oeuvrer à une réforme des statuts de la Banque centrale européenne pour que les exigences de la croissance et de l'emploi soient prises en compte au même titre que la lutte contre l'inflation, inflation qui a d'ailleurs disparu. Et il n'y a pas besoin pour cela de créer une avant-garde de pays choisissant l'option fédérale.
Loin de devenir un enjeu au service d'un projet fédéral, l'euro peut permettre une coopération renforcée en matière monétaire avec un conseil économique à onze capable de mener des politiques contracycliques au service de l'emploi.
Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il décidé à peser dans ce sens auprès de nos partenaires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, chacun, ici, connaît les positions que vous défendez, et que vous venez de confirmer.
M. Jacques Myard. Elles sont bonnes !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On connaît aussi les positions du Gouvernement.
S'agissant de la question de fond que vous avez posée sur l'euro, sur le rôle de la Banque centrale européenne, sur la nécessité de modifier, oui ou non, les textes, je voudrais vous faire part de mes réflexions, après six mois de présidence du conseil des ministres des finances.
L'essentiel n'est pas dans la rédaction des textes, l'essentiel est dans l'objectif qu'on poursuit et notamment dans la définition de la politique monétaire, de la politique budgétaire et de la politique économique.
Il nous faut définir dans tous les pays européens, surtout dans cette phase de croissance, une politique budgétaire sérieuse, ne serait-ce que pour reconstituer nos marges de manoeuvre et d'action, si jamais la conjoncture s'inversait. Parallèlement, il faut conduire une politique monétaire responsable et accommodante, qui permette d'avoir des taux d'intérêt relativement modérés pour encourager la croissance et développer l'emploi car, comme vous l'avez soutenu, c'est évidemment l'objectif à poursuivre.
La banque centrale doit être indépendante, mais j'ai toujours pensé que plus on est indépendant, plus on doit discuter avec des contreparties.
M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et lorsqu'il s'agit de l'autorité politique, c'est le conseil des ministres des finances, en particulier l'eurogroupe.
Pour ce qui est du Conseil de Nice, je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous. Certains pays sont plus ouverts que d'autres à opérer ce partage de souveraineté qui est nécessaire pour reconquérir la souveraineté dont nous avons besoin. Parmi ces pays se trouvent notamment ceux qui ont fait le choix de l'euro, et ce n'est pas une coïncidence, c'est bien parce qu'ils ont fait le choix politique d'avancer ensemble.
Compte tenu de ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe - la croissance des pays européens va probablement dépasser celle des Etats-Unis - nous devrions assister, dans les semaines ou les mois qui viennent, à une certaine remontée de l'euro qui, au demeurant, a déjà commencé à s'apprécier. Cette évolution nous permettra d'aborder dans de bonnes conditions la phase de concrétisation qui aura lieu début 2002. A ce moment-là, nos concitoyens s'apercevront que finalement l'euro était un bon choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Georges Sarre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politiques communautaires

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 décembre 2000

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