protection
Question de :
M. Didier Boulaud
Nièvre (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 18 janvier 2001
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour le groupe socialiste.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Madame la ministre, depuis quelques mois, un jouet d'un genre particulier a fait son apparition sur le marché français. Lancé aux Etats-Unis en juillet dernier, 65 000 exemplaires y ont été vendus en deux mois. Son principe est simple: il s'agit d'une petite figurine assise sur une chaise. A première vue, il n'y a rien d'anormal. Mais en s'approchant plus près, on remarque des fils qui partent en boucle de la partie supérieure du dossier et une petite manette de commande. En actionnant le mécanisme, on provoque une décharge électrique qui achève ce qui symbolise un prisonnier. Ce dernier, ainsi exécuté, mime les spasmes de la douleur, crie, et ses yeux, composés de petites diodes rouges, s'illuminent. L'enfant possesseur du jouet peut ainsi procéder tout à loisir à la mise à mort d'un condamné.
Madame la ministre, j'ai été alerté à la fois par l'ANACEJ, l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes, et par Mme
Claire Brisset, Défenseure des enfants, qui a pu faire vérifier que ce jouet avait été mis en vente à divers endroits, à Paris et en province, en particulier dans un grand établissement dont la réputation est d'ordinaire plutôt orientée vers la diffusion culturelle. Et même si l'article a été retiré de la devanture des magasins, on peut toujours se le procurer.
Madame la ministre, au moment où s'ouvre le salon du jouet, avez-vous l'intention et la possibilité d'interdire la commercialisation de cet ignoble jouet dans notre pays ? Envisagez-vous d'engager des poursuites pénales à l'encontre des distributeurs et des magasins concernés pour apologie de la peine de mort en cette année où la France célébrera, avec fierté, le vingtième anniversaire de son abolition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur le député, je vous ferai une réponse brève pour ne pas faire de publicité à cet objet fabriqué aux Etats-Unis que je me refuse à appeler un jouet. Il pose en effet un grave problème, puisqu'il banalise la peine de mort, abolie par notre assemblée en 1981.
Plus grave encore, il met l'enfant ou l'adolescent qui l'utilise dans la posture ludique et jubilatoire d'un bourreau, ce qui est totalement inadmissible.
J'ajoute qu'il est associé à un jeu vidéo, et cela pose à nouveau la question de la violence et de la bêtise de certains jeux.
Je pense qu'avant d'engager des procédures lourdes, il y a place pour un appel à la raison, au bon sens, à la responsabilité éducative à l'égard des enfants et des jeunes. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François Rochebloine. Cela ne suffit pas !
Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance. C'est ce que j'ai fait, je suis heureuse de vous le dire, et le distributeur a décidé de ne plus mettre en vente ce jouet. Si d'autres devaient s'obstiner, le Gouvernement engagerait les procédures que vous appelez de vos voeux.
Au-delà, à la suite du conseil de sécurité intérieure que préside régulièrement le Premier ministre, j'ai rencontré chacun des présidents des chaînes de télévision. Je réunirai prochainement une table ronde («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à laquelle participeront les présidents de chaînes, les responsables des radios et de la presse pour adolescents ainsi que les importateurs et les distributeurs de jeux vidéo. Chacun doit prendre conscience de ses responsabilités éducatives et cesser de considérer que la violence, les images dégradantes constituent une fatalité. En tout état de cause, la recherche du profit commercial ne saurait en aucun cas justifier que l'on porte atteinte à la dignité humaine en général et à la protection des mineurs en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Didier Boulaud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : famille et enfance
Ministère répondant : famille et enfance
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 janvier 2001