PAC
Question de :
M. Christian Bataille
Nord (22e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 31 janvier 2001
M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Christian Bataille.
M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, l'un après l'autre, en même temps que nous, nos voisins européens - le Royaume-Uni, dans des proportions terribles, le Portugal, l'Irlande, la Suisse; aujourd'hui, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et d'autres encore - découvrent sur leur propre sol la réalité à laquelle certains croyaient échapper: celle de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Par ailleurs, la baisse de la consommation et des cours accroît la détresse de nos éleveurs, plongés dans l'inquiétude et l'angoisse du lendemain.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
M. Christian Bataille. Au fil des Conseils agricoles, les instances de l'Union européenne prennent elles aussi conscience de l'ampleur de la crise, de son coût pour les finances de l'Union et des remises en cause probables de la politique agricole commune.
Monsieur le ministre, vous venez de participer au conseil agricole du 29 janvier. Pouvez-vous nous indiquer, premièrement, comment est accueillie la demande que vous avez soutenue au nom de la France, d'ouvrir aux éleveurs et opérateurs de la filière viande l'accès à des aides directes communautaires,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Allô !
M. Christian Bataille. ... et, deuxièmement, dans quelle direction les autorités communautaires entendent s'orienter en vue d'un éventuel réexamen de la politique agricole commune et quelle proposition défendra la France dans ce concert pour l'instant dissonant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, au cours du Conseil agricole qui s'est tenu hier - hier et cette nuit, comme d'habitude, si j'ose dire -, nous avons en effet longuement traité de ces problèmes. Pour faire le point sur la question, je vous ferai part de trois éléments.
Le premier concerne la crise sanitaire. Nous avons pris cette nuit de nouvelles décisions, en particulier le retrait des colonnes vertébrales dans la commercialisation des carcasses de viande bovine. Cette mesure avait été adoptée et proposée voilà deux mois par la France. Elle était alors totalement isolée face à tous les autres pays du Conseil agricole. Hier soir, il y a eu une unanimité après un avis du comité scientifique directeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous avons accompli ainsi de nouveaux progrès, très utiles, pour la protection sanitaire des consommateurs.
En deuxième lieu, nous avons fait le point sur les mesures de marché, en particulier sur l'application du test sur les bovins de plus de trente mois, qui se met en oeuvre d'une manière quelque peu hétérogène dans l'ensemble du territoire européen. Mais je confirme qu'au plan national, les choses se passent maintenant d'une manière très huilée. Nous faisons quasiment 7 000 tests par jour. La mesure s'inscrit donc dans les faits, avec une trentaine de laboratoires agréés. Mais il n'en est pas de même partout. Nous avons également fait le point sur le pendant de ce programme, la destruction des bovins de plus de trente mois non testés, qui est aussi une mesure du marché. A cette occasion, nous avons constaté que deux pays seulement appliquaient très bien cette mesure, ou commençaient à l'appliquer massivement: la France et l'Irlande, qui assument tout le poids d'une mesure communautaire, au point que certains autres pays, qui ne veulent pas appliquer ce programme, sont en train d'exporter leur crise chez nous. Je pense à l'Allemagne, par exemple, qui n'applique pas le programme de retrait-destruction et qui exporte des viandes bovines à très bas prix, défiant toute concurrence, ce qui est en train de casser le marché français, dans des conditions tout à fait condamnables.
Mme Odette Grzegrzulka. C'est scandaleux !
M. Christian Jacob. Il y a deux mois, vous disiez que ce n'était pas possible !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous avons donc fait le point avec la Commission et les ministres concernés sur ce sujet.
En troisième lieu, nous nous sommes évidemment tournés vers l'avenir, pour savoir ce que nous allions faire. Là, le constat est simple. Je vais tenter d'être le plus bref possible, mais il faut vous expliquer les données du problème.
Si nous voulons, d'une part, faire droit à la demande exprimée par certains Etats, dont la France, de fournir une aide directe aux éleveurs bovins, qui sont sinistrés par la crise - et je précise que j'ai fait cette demande officiellement au nom du Gouvernement français -,...
M. Christian Jacob. Merci Chirac !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et si nous voulons, d'autre part, prendre des mesures de soutien de marché devant une crise qui s'aggrave, qui dure et face à laquelle les mesures déjà prises risquent de ne pas suffire, alors autant dire les choses comme elles sont: il n'y a plus d'argent dans la caisse européenne. A partir de là, les choses sont simples: de trois choses l'une.
Première possibilité: on décide de laisser tomber la filière bovine, en considérant que c'est au marché de régler le problème, ce qui aurait pour conséquence que des dizaines de milliers d'exploitations mettraient la clé sous la porte. Mais ce n'est pas du tout dans cette démarche que le Gouvernement s'inscrit,...
M. Christian Jacob. Ce n'est pas vous, ça !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et j'en veux pour preuve la lettre que nous avons adressée au commissaire Fischler. Mais après tout, c'est une possibilité: on peut toujours dire qu'il n'y a plus d'argent et que donc on ne peut pas faire plus.
Deuxième possibilité: on demande aux chefs d'Etat et de gouvernement de faire sauter ce qu'on appelle le «plafond sous Berlin» et de rallonger les moyens financiers de la politique agricole commune. Ce n'est pas la voie qu'ont empruntée - unanimement - les chefs d'Etat et de gouvernement à Nice. Mais peut-être tenterons-nous de le demander. Cela étant, comme de telles décisions doivent être prises à l'unanimité, je ne suis pas sûr que de grandes opportunités se présentent de ce côté-là.
Il y a enfin une troisième possibilité, dont il faudra peut-être débattre dans les semaines qui viennent. Nous devrons voir comment réorienter l'argent actuellement accordé à la PAC vers des dépenses visant à financer un certain nombre de mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Christian Jacob. Démagogue !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne tranche pas encore le débat, même si ma façon de présenter les choses vous laisse deviner dans quel sens je pense qu'il faut aller.
Le commissaire Fischler a dit, au nom de la Commission, que ces sujets seraient à l'ordre du jour du prochain Conseil, au mois de février. Il faut nous y préparer, et nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Christian Bataille
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2001