délinquance
Question de :
M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 1er février 2001
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour le groupe RPR.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis maintenant plus de trois ans, nous n'avons cessé de vous alerter sur l'aggravation de la délinquance dans nos banlieues (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), une délinquance toujours plus violente, des délinquants toujours plus jeunes.
Les malheureux événements de ces dernières semaines - un collégien assassiné à Courcouronnes, dans l'Essonne, un professeur poignardé dans le Val-d'Oise, des bandes qui se livrent à une véritable guerre dans un centre commercial - témoignent de la gravité de la situation.
Il ne suffit pas, monsieur le Premier ministre, d'accuser vos prédécesseurs, il ne suffit pas de créer des comités - au fait, qu'est devenu le fameux comité national de lutte contre la délinquance dans les établissements scolaires ? - ou d'annoncer, pour la énième fois, le recrutement d'emplois-jeunes supplémentaires, qui ne seront pas, quel que soit leur mérite, en mesure d'enrayer le phénomène, tous les acteurs de terrain le savent.
A la source de la dérive actuelle, il y a bien le sentiment d'impunité partagé et même clamé haut et fort par des délinquants de plus en plus nombreux. En vérité, nous le savons tous très bien, dans nos quartiers, dans les quartiers, la peur a changé de camp. Comment s'en étonner quand on connaît la difficulté qu'a un proviseur à exclure un élève d'un collège ?
M. Jean Marsaudon. Eh oui !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Et la directive de juillet 2000 de l'éducation nationale n'a rien arrangé. Comment s'en étonner quand on sait que les policiers se font fréquemment insulter devant la population, sans réaction de leur hiérarchie ni de la justice ?
M. Lucien Degauchy. Eh oui !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Comment s'en étonner quand on connaît le pourcentage des affaires classées ?
M. Bernard Accoyer. C'est à cause de Guigou !
M. Nicolas Dupont-Aignan. En Essonne, au tribunal d'Evry, en 2000, 128 000 procès-verbaux ont été dressés et transmis par la police nationale et la gendarmerie, soit une augmentation de 25 %. Mais le tribunal correctionnel n'a prononcé que 5 266 jugements, soit une baisse de 15 %.
M. Bernard Accoyer. Triste bilan !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question est simple. Je la pose au nom des députés des trois groupes de l'opposition. Quand le Gouvernement se décidera-t-il enfin à agir contre la délinquance, notamment celle des mineurs ?
M. Jean-Michel Ferrand. Jamais !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Quand réviserez-vous l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants, afin d'abaisser la majorité pénale ? Quand vous déciderez-vous, comme l'a fait Tony Blair en Grande-Bretagne, à créer des établissements fermés, à mi-chemin entre la prison et l'internat, afin d'éloigner, seule mesure possible, les petits caïds qui font vivre un cauchemar aux habitants des cités, aux usagers des transports en commun et aux enseignants ?
M. Jean-Michel Ferrand et M. Michel Hunault. Très bonnes questions !
M. Nicolas Dupont-Aignan. En un mot, quand cesserez-vous les effets d'annonce qui ne s'attaquent pas à l'origine du mal menaçant notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, le Gouvernement a un objectif en la matière: garantir le droit à la sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)...
M. Jean-Michel Ferrand. On ne s'en aperçoit guère !
M. le ministre de l'intérieur. ... première condition de l'exercice des libertés. De surcroît, l'insécurité est une injustice sociale, mais cela, vous vous en préoccupez peu... (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Michel Ferrand. C'est nul !
M. Lucien Degauchy. Nul et scandaleux !
M. Jacques Baumel. Lamentable !
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a une politique, fondée sur un double axe. Premièrement, une police de proximité, proche des citoyens, plus nombreuse sur le terrain,...
M. Georges Tron. Il n'y a pas d'effectifs prévus !
M. le ministre de l'intérieur. ... avec la capacité d'exercer l'ensemble des missions de la police, que vous ne lui aviez pas donnée. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Du calme !
M. le ministre de l'intérieur. Deuxièmement, un partenariat de la police et de la justice avec les acteurs de terrain, pour qu'elles puissent mieux faire leur travail et lutter contre les phénomènes de délinquance, y compris ceux que vous avez dénoncés;...
M. Richard Cazenave. Arrêtez le pipeau, ça suffit !
M. le ministre de l'intérieur. ... c'est le sens des contrats locaux de sécurité. Cela non plus, vous ne l'aviez pas fait. (Vives protestations sur les mêmes bancs.)
M. Georges Tron. Ce ne sont que des mots !
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement se donne les moyens de cette politique... (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez faire un peu de silence, s'il vous plaît. Monsieur Ferrand, monsieur Mariani, séparez-vous, car il semble que ce soit contagieux... (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous avez la parole. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. le ministre de l'intérieur. Vous pouvez toujours vitupérer, mais les chiffres sont là: de 1998 à 2003, ce sont 25 000 policiers partant en retraite qu'il convient de remplacer, et vous n'avez pas anticipé leur départ. (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Georges Tron. Venez plutôt dans les banlieues !
M. le ministre de l'intérieur. Vous n'avez pas voulu le voir. Vous avez fait l'impasse. (Vives protestations sur les mêmes bancs.)
M. Guy Teissier et M. Bernard Deflesselles. Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ?
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement de Lionel Jospin a fait procéder à des recrutements exceptionnels allant bien au-delà des recrutements habituels: 3 000 de plus en 1999-2000. Et, depuis hier, il est acquis que 1 000 gardiens de la paix supplémentaires seront engagés ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Michel Ferrand. Ce ne sont que des discours !
M. le ministre de l'intérieur. Ce Gouvernement a par ailleurs décidé de créer 20 000 postes d'adjoint de sécurité, soit, en pratique, un doublement par rapport au nombre de policiers auxiliaires en fonction avant la suspension du service national. Au total, 45 000 nouveaux policiers, en comptant les ADS, seront recrutés et formés.
M. Jacques Baumel. Arrêtez !
M. le ministre de l'intérieur. Puisque d'autres questions, je le sais, seront posées sur ce sujet, je m'arrêterai là. Permettez-moi simplement de vous faire observer, mesdames, messieurs les députés, qu'il y a, d'un côté, ceux qui veulent combattre l'insécurité, qui veulent sanctionner le crime et la délinquance,...
M. François d'Aubert. Nous !
M. le ministre de l'intérieur. ... parce que ce sont des fléaux inacceptables,...
M. Eric Doligé. Résultat zéro !
M. le ministre de l'intérieur. ... et, de l'autre côté, je suis au regret de la constater, ceux qui regrettent de ne pas réussir à exploiter ces phénomènes avant une campagne électorale.
M. Charles Cova. Vous en faites partie !
M. le ministre de l'intérieur. Croyez-moi, mesdames, messieurs les députés, ceux qui nous regardent à la télévision le savent: il y a ceux qui agissent et ceux qui exploitent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées et sifflets sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, il n'est peut-être pas indispensable d'ajouter les sifflets aux cris ?
Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er février 2001