politique économique
Question de :
Mme Béatrice Marre
Oise (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 1er février 2001
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Marre, pour le groupe socialiste.
Mme Béatrice Marre. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, François Huwart a rappelé hier, ici même, la position équilibrée de la France, présente dans les deux forums de Davos et de Porto Alegre: Davos, forum trentenaire où débattent en vase clos quelques centaines de représentants et d'analystes d'un monde dominé par l'économique; Porto Alegre, premier forum mondial des forces de progrès dans la ville de la gestion municipale participative, où plusieurs milliers de responsables associatifs et syndicaux, dont de très nombreux Français, ont réfléchi pendant cinq jours à la construction d'un autre monde, dans lequel l'économique serait au service de l'homme. En effet, monsieur le ministre, à Porto Alegre, tous considèrent aujourd'hui que la mondialisation est non seulement inéluctable, mais encore et surtout qu'elle est souhaitable dans la mesure où elle est celle des droits de l'homme, du développement durable - avec, notamment, une agriculture non intensive -, de la culture, de la recherche, de la santé. Bref, une autre mondialisation.
A Porto Alegre s'est aussi tenu le premier forum parlementaire mondial des forces de gauche, réunissant quelque 400 députés et sénateurs. Nous étions une dizaine de Français, de la majorité plurielle ou de la gauche européenne. Nous avons adopté une déclaration finale marquant l'engagement des élus nationaux dans ce combat. C'est à ce titre, monsieur le ministre, que je vous pose une double question: avez-vous eu le sentiment que l'appel de Porto Alegre exhortant en pratique à une réorganisation de la mondialisation était parvenu jusqu'à Davos ?
M. Yves Fromion. Oh oui !
Mme Béatrice Marre. Si oui, de quelle manière ?
Dans quelle mesure la position équilibrée de la France pourra-t-elle se traduire concrètement au sein des organisations financières internationales, en particulier au sein du FMI et de la Banque mondiale, principaux sujets d'inquiétude des pays en développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, merci pour votre question et votre interpellation.
La mondialisation est un fait. Il s'agit, et vous l'avez souligné vous-même, de la rendre humaine et d'en maîtriser les effets. Le développement des échanges internationaux, tous le reconnaissent maintenant, est un moteur de la croissance mondiale. En même temps, la globalisation est porteuse de risques, d'inégalités, d'instabilité et d'uniformité. D'où un défi, voire une contradiction. La responsabilité politique des gouvernements et des élus est tout à fait claire: il faut élargir le bénéfice que procure l'ouverture des frontières, mettre en place les régulations sans lesquelles l'économie internationale ne peut pas prospérer, humaniser la mondialisation pour que l'ensemble des habitants de notre planète en bénéficient enfin.
Les réunions de Davos et de Porto Alègre ont été l'occasion de réfléchir à cette dialectique. Très souvent, elles ont été présentées d'une façon caricaturale. Or je considère que l'une et l'autre sont légitimes et que les deux doivent être rapprochées. Il n'y a pas, en tout cas il ne doit pas y avoir, d'un côté des responsables économiques étrangers aux idées de solidarité et d'environnement, ignorants des problèmes posés par le sous-développement et la pauvreté et, d'un autre côté, une société civile protestant contre les progrès de la technologie, l'intensification des échanges entre nations ou le dynamisme de l'économie.
Voilà pourquoi le Gouvernement français était représenté aussi bien à Porto Alegre qu'à Davos, pour y tenir le même langage. Débattre de ces questions - cette fois-ci je l'ai fait à Davos, peut-être une autre fois le ferai-je à Porto Alegre - avec le Président de l'Afrique du Sud, le Président du Mexique, le ministre des finances indien, M. Joschka Fischer ou des représentants d'ONG était utile. Et mon collègue et ami M. Huwart, avec des parlementaires français, a pu faire de même à Porto Alegre.
Peut-on pour autant imaginer un sommet «Davos-Alegre» ? (Sourires.) Je n'en sais rien. En tout cas, la France est très activement engagée pour que les gouvernements, agissant sous le contrôle de leurs Parlements, exercent les responsabilités qui doivent être les leurs en annulant la dette des pays les plus pauvres, en luttant contre la délinquance financière, en organisant la stabilité monétaire internationale et, puisque vous y avez fait allusion, en faisant en sorte que le Fonds monétaire international, à partir de la création du comité monétaire financier international, travaille dans l'intérêt de tous les pays du monde.
Je terminerai, madame la députée, sur des chiffres que j'avais déjà cités devant votre assemblée. Si on pouvait réduire la population de notre terre à un village de 100 habitants en conservant toutes les proportions humaines, économiques et démographiques actuelles, on verrait que, sur ces 100 personnes: 80 vivent dans un logement de mauvaise qualité, 70 sont analphabètes, 50 souffrent de malnutrition, 6 personnes - habitant d'ailleurs toutes aux Etats-Unis - possèdent 60 % de la richesse mondiale et 1 personne sur 100 seulement a un niveau d'études universitaires.
Tant que les réalités resteront celles-là, il y aura place et nécessité pour débattre et pour agir. On parle souvent de l'universalisme de la France. Ce n'est absolument pas de l'arrogance: nous nous battons pour la justice dans tous les forums, qu'ils se tiennent dans un continent riche ou dans un contingent pauvre. Je crois que c'est cela la mission de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Charles Ehrmann. Très bien !
Auteur : Mme Béatrice Marre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er février 2001