Question au Gouvernement n° 266 :
dépénalisation

11e Législature

Question de : M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 1997

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. De toute façon, monsieur Chevènement, n'ayez crainte. Les mêmes causes produisant les mêmes effets; votre tour d'être condamnés viendra !
Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, tous les députés ont reçu d'une association une Lettre ouverte sur le cannabis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) à laquelle était joint un «pétard». Cette lettre précisait, pour ceux qui ne l'auraient pas su, qu'il s'agit d'une cigarette roulée main, mêlant cannabis et tabac.
Cette incitation grossière à la consommation de cannabis tombe, vous le savez, monsieur le Premier ministre, sous le coup du code pénal et de la convention internationale sur le trafic illicite de stupéfiants de 1988, ratifiée par 142 Etats, parmi lesquels la France, et dont l'article 3 est très sévère pour ceux qui mettent à disposition du cannabis.
M. Jean-Yves Le Déaut. Myard-Pétard !
M. Jacques Myard. Mais il y a plus grave encore. On assiste aujourd'hui, au sein de votre majorité hétéro... plurielle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), à une véritable cacophonie. L'un de vos ministres propose même ouvertement la dépénalisation de la consommation de cannabis («Scandaleux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - il s'agit de M. Kouchner -, tandis que d'autres, qui ont davantage les pieds sur terre, ne sont pas d'accord. Vous-même, monsieur le Premier ministre, m'avez répondu le 8 décembre dernier qu'aucune modification de la législation sur la drogue n'était actuellement envisagée - je tiens cette lettre à la disposition de M. Kouchner. Allez-vous poursuivre ces irresponsables qui proposent la dépénalisation du cannabis ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre un terme à la cacophonie au sein de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Claude Bartolone. Le pétard est mouillé !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, j'ai bien entendu votre question et j'ai noté avec intérêt que cet envoi ne comportait aucune obligation de votre part ! Mais cessons de plaisanter sur ce sujet ! Je crois que vous faites allusion aux journées qui se sont tenues au ministère de la santé, pendant lesquelles 300 spécialistes de la toxicomanie se sont réunis pour échanger leurs expériences, en particulier à propos du cannabis. Certains souhaitaient que la loi de 1970 soit modifié, et ont demandé s'il existait une possibilité de dépénalisation.
Mme Christine Boutin. Non ! Il n'y avait qu'une tendance !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Mais ce n'est pas l'essentiel de ce qui a été dit. Ces gens qui consacrent leur vie à tendre la main à ceux qui ont des problèmes de santé, à ceux qui ont besoin d'être pris en charge, ont échangé des expériences et proposé des solutions de santé publique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Mme Christine Boutin. C'est un piège mortel ! (Mme Boutin brandit un livre.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Kouchner !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Ne soyez pas si véhémente, madame Boutin ! Nous avons besoin de débattre, et, en particulier, avec vous.
M. Pierre Mazeaud. Pas de débat particulier !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Même avec vous, monsieur Mazeaud, nous devons débattre, sans aucun doute ! S'il vous plaît, prenez avec sérieux quelque chose qui, dans notre pays, concerne des centaines de milliers de personnes, voire des millions d'après le dernier recensement !
Vous parlez de l'application de la loi, monsieur le député. En 1996, il y a eu près de 57 000 interpellations et près de 12 000 incarcérations. Mais apparemment, cela n'a pas été efficace et c'est bien le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Mme Christine Boutin. Non, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Un peu de silence, je vous prie ! Monsieur le secrétaire d'Etat, acheminez-vous vers votre conclusion !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Lorsque, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale en particulier, nous débattons de ce sujet ou de l'usage des psychotropes, de la consommation d'alcool et de tabac, là vous êtes tous d'accord pour dire qu'un débat serait utile. Eh bien, débattons-en un jour sérieusement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groue communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Pour le moment, monsieur le député, la révision de la loi de 1970 n'est pas à l'ordre du jour et Mme le garde des sceaux a annoncé qu'aucune consigne individuelle ne serait adressée au parquet. En revanche, il faut en débattre car, en termes de santé publique, la loi de 1970 n'est ni un tabou, ni un préalable. J'espère, madame Boutin, que nous nous en entretiendrons un jour sans passion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Arthur Dehaine. C'est nul !

Données clés

Auteur : M. Jacques Myard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 décembre 1997

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