Question au Gouvernement n° 27 :
politique familiale

11e Législature

Question de : M. Jean-Louis Bianco
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 1997

M. le président. Questions et réponses doivent être relativement brèves. La parole est à M. Jean-Louis Bianco.
M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, mes chers collègues, il n'a échappé à personne qu'il se développe, depuis quelques semaines, une polémique sur la politique familiale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Thierry Mariani. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Bianco. De quelles mesures parle-t-on ?
Du quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, qui a bénéficié a beaucoup de familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Des mesures qui vont être prises dans le prochain budget pour améliorer l'aide au logement sociale et baisser la TVA ? (Mêmes mouvements.)
Du rétablissement de la déduction d'impôt pour les familles qui ont des enfants au collège, au lycée, à l'université et qui vont bénéficier à beaucoup de familles ? (Mêmes mouvements.)
Des dizaines de milliers de jeunes qui vont retrouver un espoir et un emploi grâce à la loi Aubry ? (Mêmes mouvements.)
Alors de quoi parle-t-on ?
On parle du plafonnement des allocations familiales, qui est une mesure de justice !
On parle de la diminution de la réduction d'impôt pour les personnes qui emploient des salariés à domicile. Elle s'élève actuellement à 45 000 francs, ce qui revient à faire payer par l'Etat les employés de maison des familles les plus riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Pouvez-vous, madame le ministre, nous confirmer que cette réduction de l'avantage fiscal concernera moins de 3 des familles ? («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Et comme nous souhaitons tous ici, même dans les rangs de l'opposition, j'en suis certain, une politique familiale ambitieuse, au service d'abord des familles appartenant aux classes moyennes et aux classes les plus défavorisées, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos orientations en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je crois que la famille est une affaire trop sérieuse, en tout cas pour le Gouvernement, pour qu'on puisse la traiter par des cris et des hurlements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Arthur Dehaine. Très juste !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaiterais que l'on parte d'abord d'un constat. Le constat, c'est que la politique familiale est faite pour transférer de l'argent des «non-familles» vers les familles. Notre système y réussit assez bien. Toutefois, notre politique familiale se caractérise par le fait qu'elle redistribue aussi de l'argent des familles les moins favorisées vers les familles les plus défavorisées.
M. Bernard Accoyer. C'est faux ! Faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en donnerai un seul exemple. Une famille de trois enfants qui gagne 100 000 francs par an touche 29 000 francs de prestations familiales, y compris par le jeu de la politique fiscale. Une famille qui gagne sept fois plus, soit 700 000 francs, touche environ trois fois plus de la politique familiale, c'est-à-dire 76 000 francs. C'est cette situation que le Gouvernement a voulu corriger...
M. Bernard Accoyer. Vous vous acharnez sur les classes moyennes !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors même que nous héritons d'une branche famille de la sécurité sociale qui est en déficit de 12 milliards de francs cette année et qui le sera encore de 11 milliards l'année prochaine.
Qu'a souhaité faire le Gouvernement ?
Comme M. Bernard Accoyer. S'acharner contre les familles !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme M. le Premier ministre l'a annoncé devant vous, il s'agit d'abord de prendre une mesure de solidarité en plafonnant les allocations familiales.
Je tiens à préciser, parce que beaucoup de chiffres faux circulent, qu'aucune famille de trois enfants ne se verra supprimer les allocations familiales si elle gagne moins de 30 000 francs net par mois, si un seul parent travaille, et moins de 37 000 francs net si les deux parents travaillent.
La mesure touche en fait 400 000 familles en France: 8 % de celles qui perçoivent les allocations familiales, moins de 2 % des familles françaises.
M. Bernard Accoyer. Pourquoi vous acharnez-vous sur les familles ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous comprendrez bien que, là, on touche les classes aisées et non les classes moyennes ! («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Bernard Accoyer. Seules les familles sont touchées !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Les deux autres mesures que le Gouvernement a été amené à prendre visent à supprimer des avantages injustifiés.
Nous avions créé - et c'est moi-même qui avait porté cette loi au Parlement - les emplois familiaux...
M. François Fillon. C'est faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... en permettant une exonération sous plafond de 25 000 francs pour toute embauche d'une aide familiale. Le Gouvernement de M. Balladur a porté ce plafond à 90 000 francs par an.
M. Arthur Dehaine. C'était une excellente mesure !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. De sorte qu'une famille qui a un employé de maison à temps plein, payé 115 000 francs par an, se voit rembourser les trois quarts de cette somme par l'Etat et la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Bernard Accoyer. Et alors ? Et les emplois publics !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En fait, cette famille ne verse que 3 000 francs par mois à cet employé, soit moins que ne lui aurait coûté le placement d'un enfant dans une crèche. Voilà l'injustice que vous défendez aujourd'hui ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.
Madame Aubry, acheminez-vous, je vous en prie, vers votre conclusion.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai bientôt fini.
En ce qui concerne l'AGED, la diminution par deux des avantages en matière de cotisations sociales va toucher 30 000 familles. Ce sont des familles aisées (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), ...
M. Bernard Accoyer. Non, ce sont des familles qui travaillent !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui, après les mesures que nous allons prendre, verront encore les salaires qu'ils versent pour des emplois familiaux remboursés à 50 % par l'Etat. Je ne connais aucun pays, même parmi les plus libéraux, qui fasse la même chose. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Bernard Accoyer. C'est de l'acharnement contre les familles !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je poserai maintenant une question à l'opposition, si elle veut bien l'entendre.
Qui s'occupe le mieux des familles: ceux qui ont prélevé, sous le précédent gouvernement, 120 milliards sur les familles ou ceux qui leur ont versé 10 milliards pour quadrupler l'allocation de rentrée scolaire, augmenter l'APL et qui ont pris des mesures en faveur des cantines scolaires ?
Qui s'occupe aujourd'hui le mieux des familles: ceux qui ont fait voter en 1994 une loi clientéliste qui n'est pas financée - ce qui explique le déficit actuel de la branche famille et nous oblige à prendre les mesures que nous proposons aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) - ou ceux qui, à la demande du Premier ministre, vont remettre à plat la politique familiale,...
M. Bernard Accoyer. Pour être à plat, elle va l'être !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... afin d'aider les familles, en prenant des mesures en matière de prestations, de réduction du temps de travail, d'amélioration du soutien scolaire, de logement ? Je laisse aux Français le soin d'arbitrer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Bianco

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 1997

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