Moyen-Orient
Question de :
M. Georges Hage
Nord (16e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 19 avril 2001
M. le président. La parole est à M. Georges Hage pour le groupe communiste.
Mes chers collègues, je vous invite à ramasser la présentation de vos questions.
M. Georges Hage. Ce n'est point qu'Ariel Sharon, monsieur le ministre des affaires étrangères, venant à résipiscence, eût été soudainement inspiré par l'avertissement évangélique prononcé en Palestine quelque deux mille ans plus tôt, c'est que l'administration Bush a mis le holà !
Monsieur le ministre, même l'administration Bush aura été plus prompte que la France à condamner la violence de l'intervention militaire israélienne dans les territoires palestiniens autonomes ! Elle l'a fait toutefois de façon très mesurée au regard des événements de ces derniers jours qui constituent une escalade propre à embraser le Proche-Orient tout entier.
En effet, Ariel Sharon, égorgeur des camps de Sabra et Chatila n'a pas failli à sa réputation devant l'Eternel. Eût-il ordonné le retrait, ce matin, des troupes israéliennes de la bande de Gaza, le message qu'il a lancé n'en est pas moins sans équivoque. Il le dit lui-même: les règles du jeu ont désormais changé. Depuis le 29 septembre 2000, début de la nouvelle Intifada, aucune opération d'une telle envergure n'avait été menée dans le cadre de la répression criminelle à laquelle se livre quotidiennement Tsahal sur des populations palestiniennes exangues.
Encore cette violation renouvelée des accords d'autonomie succède-t-elle, par un cynisme calculé, aux premiers bombardements des positions syriennes au Liban depuis 1982. Ces pratiques sonnent comme un défi au monde arabe et à la communauté internationale. Elles laissent entrevoir les graves dangers d'une stratégie israélienne au Proche-Orient qui joue à l'extension du conflit et à la guerre.
Ne convient-il pas, monsieur le ministre, comme vous le suggériez vous-même, de faire preuve de courage politique et d'user de toutes les procédures dont nous disposons pour contraindre Israël à la raison avant qu'il ne soit trop tard ? La France ne devrait-elle pas saisir d'urgence le Conseil de sécurité des Nations unies afin de répondre à la demande palestinienne d'envoyer dans les territoires autonomes une force de protection des populations civiles,...
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Georges Hage. ... et exiger la condamnation d'Israël, coupable de violations réitérées du droit international ?
La France ne devrait-elle pas imposer la suspension de l'accord d'association entre Israël et l'Union européenne aux fins d'une relance de la négociation de paix par le gouvernement Sharon ? Monsieur le ministre, qu'envisage de faire la diplomatie française ?
M. le président. Monsieur Hage !
M. Georges Hage. S'il vous plaît, monsieur le président !
Il me faut sans doute préciser à l'intention des profanes, incrédules et autres mécréants, si d'aventure il s'en trouvait ici, le message évangélique du mont des Oliviers: «Remets ton glaive au fourreau, car qui règne par le glaive... périra par le glaive.» Dédié à Ariel Sharon ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, sur un sujet aussi difficile, de vous demander une réponse brève, compte tenu du temps qui nous reste.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Chacun ici est aussi sensible que vous, monsieur le député, en particulier le Gouvernement puisqu'il y va de sa responsabilité immédiate, à l'extrême gravité d'une situation, qui est sans doute la pire depuis dix ou quinze ans, une situation tout à fait explosive. Chacun sait pourquoi, constate chaque jour l'engrenage. Je n'y reviendrai pas, M. le président me demandant d'être bref.
Nous faisons absolument tout ce que nous pouvons, non pas pour rétablir une illusoire confiance, à ce stade et dans ce contexte, ni pour instaurer une négociation politique, tout aussi illusoire dans l'immédiat, mais simplement pour arrêter l'engrenage: pour que, la semaine prochaine, les choses ne soient pas pires ! Voilà sur quoi nous nous sommes concentrés.
Vous me posez deux questions précises.
Vous me demandez d'abord si nous ne devrions pas saisir le Conseil de sécurité. Nous l'avons fait il y a quelques semaines. Et s'agissant du projet d'envoyer des observateurs, nous avons bien dû constater qu'il ne passerait pas s'il ne s'appuyait pas sur un accord entre les deux parties. Comment des observateurs pourraient-ils arriver au milieu d'un tel affrontement sans l'appui d'une résolution ? Qui les enverrait ? Pour faire quoi ?
La proposition de faire garantir par des observateurs internationaux la sécurité des populations a un avenir. C'est un vrai projet, un vrai concept mais qui ne peut que s'intégrer dans un ensemble, lui-même agréé. Il faut donc remettre en marche la mécanique de la discussion et je viens d'expliquer pourquoi c'est presque impossible à ce stade où nous n'en sommes qu'à essayer d'éviter le pire.
Quant à l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, un certain nombre de pays veulent s'appuyer sur ses clauses de dialogue politique pour mettre les dirigeants israéliens et le gouvernement de M. Sharon devant leurs responsabilités.
Le conseil d'association doit se réunir prochainement et si un décalage aussi flagrant devait perdurer entre l'objectif de l'accord,
son contenu, les dispositions qu'il permet, la coopération qu'il encourage et ce qui se passe sur le terrain ainsi que la politique du gouvernement israélien, cela finirait pas poser un vrai problème à l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Georges Hage
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 avril 2001