immigration
Question de :
M. François Guillaume
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 1997
M. le président. La parole est à M. François Guillaume. (Mmes et MM. les députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Bernard Derosier. Ils applaudissent l'extrême droite !
M. François Guillaume. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, si je n'ai pas pu, pour les raisons que vous savez, participer au débat sur la révision du code de la nationalité et de la loi sur l'immigration (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
Mme Odette Grzegrzulka. Vous ne nous avez pas manqué !
M. François Guillaume. ... j'ai eu l'avantage, en contrepartie, d'aller pendant deux mois à la rencontre de la population d'une circonscription de Lorraine assez représentative de la France profonde: elle est, en effet, géographiquement rurale et démographiquement urbaine.
Or tous ces gens de bon sens, rencontrés au hasard d'une campagne électorale, m'ont dit dans leur très grande majorité ne pas comprendre vos projets, dont l'un porte atteinte à l'identité française et dont l'autre assouplit dangereusement les conditions d'accès des étrangers à notre territoire et les procédures de régularisation des clandestins. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Ils le comprennent d'autant moins qu'à ces nouveaux venus, nous n'avons pas de travail à offrir, pas de logement à fournir, pas de réserve de la sécurité sociale à notre disposition pour les prendre en charge.
Mme Odette Grzegrzulka. Caricature !
M. Didier Boulaud. Saint Louis est de retour ! C'est une croisade !
M. François Guillaume. Pourtant, monsieur le Premier ministre, les Lorrains, pas plus que les autres Français, ne sont racistes ou xénophobes. Au cours du siècle qui s'achève, ils ont accueilli successivement des Italiens, des Polonais, des Yougoslaves, des Portugais avant que ne viennent les Africains. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.)
La première génération de ces immigrés s'est rapidement intégrée. A la seconde génération, leurs enfants se sont parfaitement assimilés, au point de se montrer plus fiers d'être Français que bien des Français de vieille souche.
M. Didier Boulaud. Où l'on voit poindre l'ombre de Le Pen !
M. François Guillaume. Monsieur le Premier ministre, un débat aussi déterminant pour l'avenir de notre société et de notre pays, débat que j'ai suivi avec attention depuis ma Lorraine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ne peut pas se limiter à cet hémicycle.
Si les Français vous ont donné en juin dernier la majorité pour gouverner le pays,...
M. Didier Boulaud. Ils ont bien fait !
M. François Guillaume. ... ils ne vous ont pas donné un blanc-seing pour transformer la société française dans sa nature profonde. («Très bien !» et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Ils veulent être consultés !
Etes-vous disposé, monsieur le Premier ministre, à leur donner la parole par la voie du référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. François Guillaume. N'ayez pas peur d'un tel débat national. Notre peuple n'est pas ingrat. Nos compatriotes se souviennent que les ascendants de ces immigrés d'Afrique sont venus nombreux participer à notre défense puis à la libération de notre patrie.
M. Bernard Charles. La question !
M. Patrick Ollier. Elle est posée !
M. François Guillaume. Ils vous demandent, par mon intermédiaire, si, au-delà des traditionnelles politiques internationales de développement aux résultats décevants, vous avez un vrai projet,...
M. Didier Boulaud. Il se prend pour Sainte Bernadette !
M. François Guillaume. ... bien dans la vocation de la France, de rééquilibrage Nord-Sud,...
M. le président. Concluez, monsieur Guillaume !
M. François Guillaume. ... susceptible d'aider les immigrés potentiels à vivre dignement chez eux pour qu'ils ne viennent pas clandestinement chez nous ! (Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il se prend pour Bernadette Soubirou ! Il a entendu des voix !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'observe que M. Guillaume a peine à sortir de la campagne électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen, Vert et du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Patrick Ollier. Au moins, il a gagné !
M. le ministre de l'intérieur. J'aurais dû dire qu'il prend l'hémicycle du Palais-Bourdon pour la campagne lorraine. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Nous avons eu l'occasion de débattre de ce projet de loi pendant treize jours, et je suis très heureux de voir qu'il a suivi la discussion de ce texte à la télévision. C'est très remarquable. Cela rend d'autant plus flatteur les résultats qu'il a obtenus. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Michel Ferrand. La parole au peuple !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
M. le ministre de l'intérieur. Son intervention montre très bien d'où vient l'impulsion qui voudrait, sur ce sujet que nous savons très passionnel, réveiller les vieux démons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
La politique du Gouvernement a consisté d'abord à solder l'addition que vous nous avez laissée. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe du rassemblement pour la république. Scandaleux !
M. Jean-Michel Ferrand. Vous n'êtes pas représentatif, monsieur le ministre !
M. le ministre de l'intérieur. Les étrangers en situation irrégulière qui se sont fait connaître ne sont pas tombés du ciel. Ils étaient là à l'époque où M. Pasqua et M. Debré étaient ministres de l'intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. Les immigrés sont venus à partir de 1982 !
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a adopté un langage très différent du vôtre qui est celui de la raison. («Non !» et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Franck Borotra. Non, il a utilisé la langue de bois !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !
M. le ministre de l'intérieur. Il a demandé que l'on examine la situation de chacun d'entre eux.
M. Patrick Ollier. Il les régularise !
M. le ministre de l'intérieur. Je vais vous donner des résultats que je connais depuis peu. Les statistiques font apparaître que sur le nombre de ceux qui se sont fait connaître, soit environ 150 000 personnes, un peu plus de 10 000 se sont vu délivrer un titre de séjour à la fin du mois de novembre, un peu plus de 9 000 se sont vu refuser ce titre et 17 000 ont reçu des récépissés indiquant que leurs dossiers étaient incomplets.
Voilà le processus, et je vous l'ai déjà décrit à de nombreuses reprises (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), puisque vous m'interrogez chaque semaine sur ce sujet. Ce processus se poursuit dans la sérénité.
M. Patrick Ollier. Et les 120 000 qui restent, qu'en fait-on ?
M. Jean-Michel Ferrand. Eh oui, quoi ?
M. le président. Un peu de silence, monsieur Ferrand !
M. le ministre de l'intérieur. Quant au projet de loi dont nous aurons l'occasion de parler tout à l'heure, il vise à stabiliser et, si possible, à intégrer les étrangers présents régulièrement sur notre sol.
M. Patrick Ollier. C'est faux ! Vous ouvrez les portes !
M. le ministre de l'intérieur. Il tend à faire en sorte que la France, qui est un pays naturellement ouvert au monde, le soit dans des conditions compatibles avec ses intérêts et qu'elle puisse maîtriser ses flux migratoires.
M. Patrick Ollier. Vous ouvrez la porte à tout le monde !
M. le ministre de l'intérieur. ... dans le respect des droits des immigrés. Voilà ce que le Gouvernement a voulu.
M. Jacques Myard. Baratin !
M. le ministre de l'intérieur. La politique que nous menons - d'ailleurs, M. le Premier ministre s'efforce aujourd'hui même de resserrer les liens avec les pays d'Afrique et continuera à le faire dans les jours qui viennent - qui tend à traiter le problème comme il doit l'être, c'est-à-dire comme un problème de solidarité entre le Nord et le Sud. Nous savons très bien que le problème des étrangers en situation irrégulière ne fait que traduire les déséquilibres du monde et ce sont ces déséquilibres que nous voulons corriger. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Auteur : M. François Guillaume
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 1997