emploi
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 3 mai 2001
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.
M. Yves Nicolin. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Hier, 1er mai, les différents cortèges syndicaux ont exprimé d'importantes préoccupations qui témoignent de la dégradation du climat social dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Laurent Cathala. A cause de la droite !
M. Yves Nicolin. Or, face à cette situation, le Gouvernement ne semble plus savoir sur quel pied danser. Les contradictions de la majorité plurielle - on vient d'en avoir un exemple - apparaissent sur presque tous les sujets et les Français n'y comprennent plus rien. Je voudrais prendre six exemples.
Premier exemple, monsieur le Premier ministre: alors que vous déclarez qu'il ne faut pas tout attendre de l'Etat et qu'on ne peut pas administrer l'économie, votre majorité adopte l'«amendement Michelin» sur les 35 heures, puis les «amendements Danone». Pouvez-vous nous donner la position officielle du Gouvernement ?
M. Lucien Degauchy. Il n'y en a pas !
M. Yves Nicolin. Deuxième exemple: alors que votre ministre de l'économie souhaite un assouplissement du passage aux 35 heures, notamment pour les petites entreprises, votre ministre de l'emploi répond qu'il n'en est pas question. De la même façon, alors que votre ministre de la fonction publique refuse la mise en application des 35 heures dans la fonction publique, celui qui est en charge des collectivités locales incite les villes à engager la réduction du temps de travail. Pouvez-vous nous donner la position officielle du Gouvernement ?
Troisième exemple: alors que vous vantez les mérites du dialogue social, votre gouvernement fait voter des amendements au projet de loi de modernisation sociale sans même y avoir associé les partenaires sociaux. Pouvez-vous nous donner la position officielle du Gouvernement ?
M. Didier Boulaud. Quel baratin !
M. Yves Nicolin. Quatrième exemple: alors que les élus de votre majorité manifestent avec les syndicats pour réclamer la retraite à cinquante-cinq ans dans les transports, plusieurs de vos ministres se montrent franchement hostiles à une telle mesure. Pouvons-nous avoir la position officielle du Gouvernement ?
Cinquième exemple (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
M. le président. Monsieur le député, si vous voulez avoir la réponse officielle, peut-être faudrait-il abréger votre question !
M. Yves Nicolin. Je conclus, monsieur le président.
... alors que vous avez fait voter ardemment l'écotaxe, on s'aperçoit, aujourd'hui, que le ministre des finances essaie de trouver un autre dispositif. Nous aimerions, là encore, avoir la position officielle du Gouvernement. Il en va de même s'agissant de la retraite par capitalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Nicolin.
M. Georges Hage. Vous êtes parfois moins tolérant, monsieur le président !
M. Yves Nicolin. J'en viens à ma question, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Alors que les contradictions se multiplient, la pluralité de votre majorité trouble de plus en plus votre message, monsieur le Premier ministre. Ma question est donc la suivante («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste): votre majorité n'aurait-elle pas cédé la place, sur fond de cacophonie plurielle, à un VGIE, un vague groupement d'intérêt électoral (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui n'a, à l'évidence, aujourd'hui, plus de ligne politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, lorsqu'un débat s'ouvre dans ce pays, y compris parfois, dans un premier temps, en des termes qui peuvent être contradictoires - sinon, pourquoi y aurait-il débat ? - cela ne se fait jamais en tout cas à partir des propositions de la droite, puisque l'opposition n'en formule aucune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Soisson. C'est vous qui êtes au pouvoir !
M. le Premier ministre. Pourtant, pour le bénéfice de la démocratie, pour structurer la vie politique française, pour justifier les différences, ô combien éclatantes, existant entre nous, nous voudrions bien que vous participiez au débat public en avançant des propositions qui puissent justifier la critique. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Dans le peu de temps que vous m'avez laissé, je vais m'efforcer de reprendre chacun des points évoqués pour vous montrer qu'il n'y a pas de contradiction.
Sur la question des licenciements économiques, je soulignerai que, dans le projet de loi de modernisation sociale, nous avions déjà introduit des mesures permettant d'augmenter les responsabilités des entreprises qui licencient et les droits des salariés. Aujourd'hui, face à une vague de licenciements décidés - faut-il le rappeler - par des entreprises privées, le Gouvernement et sa majorité réagissent, tirent des leçons de ce qu'ils constatent et proposent des dispositions nouvelles.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Ca ne sert à rien !
M. le Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, nous n'irons pas jusqu'à interdire par décret les licenciements car nous serions alors le seul pays au monde à imaginer que cela soit possible. Mais nous voulons rendre les choses plus difficiles. Il n'y a là rien de contradictoire. Il y a au contraire un choix juste entre les nécessités économiques et la volonté de défendre les intérêts des salariés dans les entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
S'agissant du passage aux 35 heures au 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de vingt salariés, vous parlez d'assouplissement.
M. Arthur Dehaine. Ce sont les entreprises les plus nombreuses de notre pays !
M. le Premier ministre. Mais le Premier ministre que je suis n'ouvrira pas un débat sur la modification de la loi sur les 35 heures.
M. Jean Marsaudon. C'est un tort !
M. le Premier ministre. C'est dans le cadre de cette loi que des assouplissements seront trouvés, s'ils doivent l'être. Telle est notre réponse. Et il n'y a là aucune contradiction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Troisième question, la fonction publique. Là non plus, je ne vois pas de débat entre des ministres qui auraient des positions différentes. Nous ouvrons simplement les discussions sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Les problèmes ne peuvent pas se poser dans les mêmes termes dans un secteur qui garantit la sécurité de l'emploi et du statut, et dans le privé, où existent la précarité et le chômage.
M. Yves Nicolin. La différence est de taille !
M. le Premier ministre. Il ne peut pas se poser dans les mêmes termes dès lors que l'on était au-dessus de 39 heures dans le privé et où l'on est souvent en dessous de 39 heures réelles dans la fonction publique.
M. Jean-Pierre Soisson. Les fonctionnaires apprécieront !
M. le Premier ministre. C'est dans ces termes que nous engagerons les discussions. («Très bien !» sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
S'agissant des mérites du dialogue social, je rappelle que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a ouvert, sur les propositions faites à l'Assemblée, un dialogue avec les organisations syndicales. Au cours des derniers huit jours, j'ai moi-même rencontré les secrétaires généraux de FO, de la CFDT et de la CGT, et j'ai l'intention de prendre, avec, je pense, leur accord, des initiatives visant à renforcer le nécessaire dialogue avec les syndicats. En effet, ce n'est pas le seul législateur qui peut régler les problèmes sociaux dans les entreprises, y compris du point de vue des mesures qui doivent être prises.
M. Jean-Jacques Jégou. Ni l'Etat !
M. le Premier ministre. Sur l'écotaxe, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient de vous répondre excellemment. Nous rendrons les arbitrages nécessaires.
Enfin, sur la retraite, point sur lequel Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vous a déjà répondu abondamment, je peux vous assurer que nous ne ferons pas reposer, comme vous le souhaitez en réalité, le système des retraites français sur la capitalisation et les fonds de pension. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous assoirons le système par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Bonjour la démagogie !
M. le Premier ministre. Sur la base d'un débat qui subsiste la majorité continue et continuera à avancer.
M. Michel Hunault. Vos propos sont caricaturaux !
M. le Premier ministre. En matière de caricature, permettez-moi de citer deux interventions récentes de deux membres de l'opposition qui s'efforçaient de critiquer mon action. L'un d'entre eux, le nouveau secrétaire général adjoint du RPR, M. Serge Lepeltier,... (Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République: «Il n'est pas «adjoint» !...»)
M. le Premier ministre. a déclaré que je me «balladurisais».
M. Pierre Lellouche. C'est un compliment !
M. le Premier ministre. Le deuxième, M. de Robien, a considéré, quant à lui, que j'étais droit dans mes bottes, c'est-à-dire que je me «juppéisais». Mesdames, messieurs de l'opposition, je suis frappé de constater que, quand vous cherchez à me critiquer, vous ne trouvez des exemples que chez vos anciens Premiers ministres ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Eh bien non, je ne me «balladurise» pas, je ne me «juppéise» pas ! Avec la majorité, je continuerai à avancer pour le bien du pays. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 mai 2001