politique pénale
Question de :
M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 10 mai 2001
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe RPR.
M. Jacques Myard. Monsieur le Premier ministre, il y a quelques semaines, à la télévision, les Français, étonnés, vous ont entendu dire qu'en matière de sécurité il ne fallait plus être angélique. Mais entre cet acte de contrition, qui en a stupéfait plus d'un, et la réalité, il y a encore un gouffre que votre Gouvernement n'est malheureusement pas prêt de combler. Je vais essayer de vous en donner quelques illustrations.
M. Didier Boulaud. Essayez toujours !
Mme Odette Grzegrzulka. On n'a pas le temps !
M. Jacques Myard. Malheureusement, nous constatons, dans nos villes diverses et variées, quelle que soit la couleur politique du maire, qu'un certain nombre de méfaits, de délits, sont commis par de jeunes adultes, voire par des personnes en situation irrégulière, et que les policiers font bien leur travail - d'autant mieux que la loi Guigou du 15 juin 2000 est un véritable texte à chausse-trapes qui alourdit les procédures. Et quelle n'est pas leur surprise, lorsqu'ils saisissent le parquet, de s'entendre ordonner la remise en liberté de délinquants, souvent en situation irrégulière, avec citation à comparaître six mois plus tard ou même au-delà ! Bien évidemment, les personnes en question disparaissent dans la nature et la loi n'est pas appliquée.
Ma question est d'une simplicité biblique, monsieur le Premier ministre: quand allez-vous donner des instructions au parquet pour qu'il applique les lois de la République de manière précise, de manière totale, afin que les intérêts des victimes soient pris en compte et que le travail des policiers ne soit pas ruiné ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour une réponse brève.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Je serai brève, monsieur le président.
Monsieur le député, les parlementaires appartenant à la commission d'enquête parlementaire sur les prisons, quel que soit leur groupe, demandent instamment à ce que les personnes ayant commis un méfait peu grave ne soient plus emprisonnées.
M. René Mangin. Très bien !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Pas nous !
M. Lucien Degauchy. Nous n'avons pas dit cela !
Mme la garde des sceaux. Et je parle sous le contrôle de tous les membres de la commission, qui me demandent systématiquement de supprimer les incarcérations pour des faits mineurs.
Mais il faut effectivement appliquer la loi (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et, devant des faits graves,...
M. Jean-Michel Ferrand. Où commencent les faits graves ?
Mme la garde des sceaux. ... pas un magistrat de ce pays ne renonce à la détention provisoire, notamment lorsqu'il s'agit de protéger les victimes.
Trop de propos inexacts sont tenus au sujet de la loi sur la présomption d'innocence.
M. Jacques Myard. Et au sujet de la citation à comparaître ?
Mme la garde des sceaux. Elle a effectivement fait baisser la détention provisoire en cas de faits, crimes ou délits, essentiellement d'ordre financier, qui ne touchent pas à l'intégrité des personnes. Mais elle a aussi fait appel au débat entre les parquets et les juges de la détention provisoire. Personne de dangereux, aujourd'hui, ne sort de prison.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est faux !
Mme la garde des sceaux. Il faut en finir avec ce type de discours.
Mais il n'en demeure pas moins que, à la demande de M. le Premier ministre, pour prendre en compte le fait que nous ne sommes pas encore assez performants dans la lutte contre la violence, en particulier celle des plus jeunes, ce matin, avec le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense, nous avons décidé de mettre nos moyens en commun afin que les enquêtes aillent jusqu'au bout. Souvent, en effet, dans les jours qui suivent immédiatement un fait délictueux, l'enquête bénéficie de moyens massifs, tout le monde s'implique; puis survient un autre fait, et même si elle ne sombre pas dans l'oubli, l'enquête traîne et la sanction n'est prononcée que dix-huit mois après.
La justice doit aller plus vite, les procureurs doivent discuter et débattre des moyens d'enquête avec les services de police et de gendarmerie, mais nous ne croyons pas, monsieur le député, qu'une République digne de ce nom puisse avoir comme seule ambition d'emprisonner, pour un fait très mineur, un étranger parce qu'il est étranger ou un jeune parce qu'il est jeune ! Reprenez-vous, monsieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Jacques Myard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mai 2001