Question au Gouvernement n° 2793 :
commémoration de l'abolition de l'esclavage

11e Législature

Question de : M. Ernest Moutoussamy
Guadeloupe (2e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 23 mai 2001

M. le président. La parole est à M. Ernest Moutoussamy, pour le groupe communiste.
M. Ernest Moutoussamy. Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le vote à l'unanimité par le Parlement de la proposition de loi de notre collègue Christiane Taubira-Delannon, députée de Guyane, reconnaissant l'esclavage et la traite comme des crimes contre l'humanité, est un événement historique qui honore la République. Ce vote est l'aboutissement d'un long combat parlementaire et je ne peux pas oublier la contribution à cette lutte de Jean-Claude Gayssot, entre autres, il y a une dizaine d'années.
Cette loi, très attendue par les populations d'outre-mer qui demandent, depuis de nombreuses années, une reconnaissance officielle et solennelle de ces crimes dont les traces sont encore vives, met fin au silence que le pouvoir colonial a délibérément organisé après l'abolition de l'esclavage en 1848, pensant qu'il suffisait de ne pas parler de l'esclavage pour que ses crimes disparaissent.
Au cérémonial d'incorporation des esclaves qui devait effacer leur passé, leur culture, les tuer en tant qu'hommes libres pour en faire des morts sociaux, au combat des nègres marron pour leur liberté, au sacrifice des héros anti-esclavagistes, tels Delgrès, Ignace, Solitude, ce texte doit donner l'écho d'une nation majeure et responsable.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, en cette semaine de commémoration de l'abolition de l'esclavage outre-mer, pouvez-vous me dire quelles sont les mesures que vous entendez mettre en oeuvre afin que la reconnaissance symbolique de ce crime se traduise pour la nation tout entière par un travail de mémoire et de lutte contre l'oubli ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le député, votre assemblée s'honore d'avoir enfin qualifié ce crime et d'avoir ainsi rompu le silence de l'histoire, comme la République s'honore d'avoir, par deux fois, aboli l'esclavage, en 1794 d'abord, en 1848 ensuite, parce qu'il était incompatible avec son idéal.
M. le président. Monsieur Paul, un instant, s'il vous plaît.
Mes chers collègues, si vous pouviez cesser les conversations particulières, l'outre-mer mérite mieux, me semble-t-il.
Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Il fallait en effet que la reconnaissance de l'esclavage et de la traite comme crimes contre l'humanité prenne force de loi afin que la nation soit engagée dans son ensemble. C'est pourquoi ce gouvernement a soutenu l'initiative de Mme Christiane Taubira-Delannon, députée de Guyane, et de l'ensemble des parlementaires de l'outre-mer qui l'ont accompagnée dans ce combat. Je me réjouis que cette loi ait été adoptée à l'unanimité par le Parlement.
Sortir ce crime de l'oubli, c'est en effet reconnaître que ces événements font partie de notre histoire; c'est honorer la mémoire des victimes et celle des esclaves révoltés qui ont su conquérir leur liberté. Celle-ci ne leur a pas été octroyée; ils l'ont conquise, et vous avez cité, monsieur Moutoussamy, le nom de ceux qui ont conduit la révolte.
Aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, cette loi nous conduit à agir concrètement. Elle prévoit en effet qu'un comité de personnalités sera chargé de proposer des lieux et des actions afin de maintenir vive la mémoire des esclaves, la mémoire de ce qui fut. Ce comité doit être rapidement mis en place. Je travaille à sa composition, en relation avec les associations qui défendent la mémoire des esclaves.
En outre, il est nécessaire que les programmes scolaires accordent à l'esclavage la place qui lui revient. Jack Lang et moi-même sommes convenus que cette histoire devait être enseignée dès l'école primaire et trouver ensuite toute sa place dans les programmes d'histoire et d'instruction civique. Le concours national qui porte le nom de René Cassin, organisé par la commission consultative des droits de l'homme, ouvert à tous les lycéens et collégiens de notre pays, aura pour thème l'année prochaine «l'esclavage d'hier et d'aujourd'hui». Le lien est ainsi fait avec les esclavages modernes.
Enfin, l'histoire de l'esclavage doit être également présente dans les programmes de recherche de nos universités. A cette fin, j'ai décidé d'attribuer, dès la rentrée prochaine, une bourse d'études à de jeunes chercheurs sur cette question.
Ces mesures, mesdames, messieurs les députés, j'en suis convaincu, constituent un pas dans la reconnaissance collective de ce que fut l'esclavage, en n'oubliant pas que ceux qui combattaient pour leur liberté combattaient aussi pour la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Ernest Moutoussamy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Cérémonies publiques et fêtes légales

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 23 mai 2001

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