délinquance
Question de :
M. Jean-Luc Warsmann
Ardennes (3e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 24 mai 2001
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe RPR.
M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Premier ministre, deux ministères de votre gouvernement, l'intérieur et la justice, ont fait réaliser une enquête sur la délinquance autodéclarée des jeunes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Qu'y apprend-on ?
L'âge moyen du premier acte de délinquance est de plus en plus bas: douze ans pour certaines infractions telles que les dégradations volontaires ou certaines agressions contre des personnes. Les auteurs de l'étude constatent que «les actes sont le plus souvent commis par des jeunes qui manquent l'école, qui ont des parents qui ne surveillent pas leur emploi du temps». Et ils ajoutent que «les plus actifs dans la délinquance sont également ceux qui pensent que commettre un délit est peu grave».
Cette étude, commandée, j'y insiste, par deux ministères de votre gouvernement, confirme ce que nous ne cessons de répéter: les textes relatifs aux mineurs délinquants, qui datent pour l'essentiel de 1945, ne sont plus adaptés. En 2001, un jeune de seize ans n'a plus rien à voir avec un jeune qui avait seize ans en 1945.
Monsieur le Premier ministre, il faut adapter la loi sur les mineurs délinquants, d'abord pour faire face au rajeunissement de la délinquance, ensuite pour aider et mieux responsabiliser les parents, enfin pour rendre à ces jeunes des repères et une chance de s'insérer dans la société grâce à une formation et à un travail.
Comme beaucoup d'autres dans cet hémicycle, je vous le demande à nouveau aujourd'hui: acceptez que nous adaptions ces textes pour que nos enseignants, nos policiers et nos magistrats n'entendent plus jamais cette phrase terrible dans la bouche d'un jeune délinquant: «Je ne risque rien parce que je suis trop jeune.» (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour une brève intervention, car elle a déjà répondu à une question similaire. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Louis Debré. Et alors ?
M. le président. Nous avons un horaire à respecter. C'est aussi simple que cela, monsieur le président Debré.
Je vous en prie, madame la garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne reviens pas, monsieur le député, aux arguments que j'ai déjà développés. Mais je relève avec intérêt que cette enquête a été lue par les parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Notre volonté est en effet d'utiliser les conclusions de ce type d'études pour essayer d'avancer collectivement sur ce dossier.
Vous me parlez toujours, sur vos bancs, de l'ordonnance de 1945. Or je viens de rappeler qu'aux termes des dispositions en vigueur, les jeunes de treize à seize ans peuvent être incarcérés. D'ailleurs, beaucoup le sont en ce moment.
Vous demandez, et le Sénat vient de le confirmer, la révision de l'ordonnance de 1945 sur deux points: pour rendre possible dès treize ans le placement en détention provisoire et pour abaisser à dix ans l'âge de la responsabilité pénale. Cette révision, monsieur le député, nous conduirait à passer des heures au Parlement en ayant l'impression que nous allons faire diminuer la délinquance, ce qui ne serait peut-être pas vrai, vous le savez bien.
M. Jean-Louis Debré. Alors, ne faisons rien !
Mme la garde des sceaux. La République doit être plus ambitieuse. L'ordonnance de 1945, déjà révisée sept ou huit fois, peut-être dix, est un texte dont la philosophie, expliquée largement à l'époque par le général de Gaulle, tient en trois principes: prévention, éducation, sanction, et qui ne traduit ni angélisme ni sous-estimation du problème.
Si vous voulez abaisser la majorité pénale à dix ans et placer les mineurs en détention provisoire dès treize ans, je ne vois pas comment vous allez rendre votre discours cohérent avec celui de la commission d'enquête parlementaire sur les prisons. Nous aménagerons des espaces réservés aux délinquants mineurs à l'intérieur des établissements pénitentiaires, parce que nous en avons besoin. Nous ferons passer de quarante-trois à cinquante le nombre des CPI, parce que nous en avons besoin. Nous travaillons avec le ministre de l'éducation nationale pour que des internats scolaires accueillent plus chaleureusement ces enfants perdus, parce que nous en avons besoin.
Bref, nous avons ouvert beaucoup de chantiers. Ce serait se fermer les yeux et reprendre un discours souvent entendu à l'extérieur, mais inefficace et surtout non respectueux des plus jeunes, que de s'arrêter simplement à la responsabilité pénale à dix ans et à l'incarcération à treize. Vous n'en seriez même pas fier, monsieur Warsmann ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jean-Luc Warsmann
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 mai 2001