ordre du jour
Question de :
M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 30 mai 2001
M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe DL.
M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, vous avez décidément du mal à vivre en phase avec notre pays. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) A cet égard, il est des signes qui ne trompent pas.
Alors que la France avait, il y a quelques semaines, les pieds dans l'eau, vous avez surtout veillé à ne pas trop mouiller les vôtres (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.). Aujourd'hui que les beaux jours reviennent sur notre pays, votre ciel politique s'assombrit sérieusement. C'est quand même ce qui s'appelle avoir la guigne.
Après votre ministre des affaires sociales, oubliant de sortir des starting-blocks dans l'affaire Marks & Spencer, c'est votre grand texte prétendument de modernisation sociale qui y reste à son tour. Nous avons en effet appris ce matin que, pour la première fois de cette législature, vous aviez décidé, sous la pression de vos chers alliés communistes, de retirer ce projet jugé pourtant, par vous-même, comme un texte essentiel et sur lequel vous étiez censé vous ressourcer aux sources de la gauche. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Albert Facon. A droite il n'y a plus de sources !
M. Dominique Dord. Certes, dans votre camp - c'est de bonne guerre - on s'évertue à dédramatiser: on parle de fonctionnement normal de la majorité plurielle, d'une simple incompréhension, d'une déflagration qui n'aura pas lieu, d'un temps donné à plus de concertation.
Votre sens de la formule et votre angélisme nous raviront toujours, mais tout cela ne trompe personne, pas même le président du groupe socialiste de l'Assemblée qui parle de retour en arrière, d'intérêt du Parti communiste qui passe avant celui de la société quand Robert Hue évoque, de son côté, une situation gravissime et extrêmement sérieuse.
M. Gilbert Biessy. Et le MEDEF ?
M. Dominique Dord. Bref, il semble bien que nous assistions, incrédules, à un retour de la IVe République et du régime des partis (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) comme si votre modernisation sociale se terminait dans une grande régression politique. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Dord. (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Dominique Dord. D'autant plus grande est la surprise des Français qu'en janvier, sur ce même texte, vos alliés communistes n'avaient rien trouvé à redire et l'avaient voté comme un seul homme ! De là à penser que la déroute aux municipales pourrait expliquer ce revirement («La question !» sur les bancs du groupe socialiste) et que M. Hue ne veuille pas laisser à l'inoxydable M. Krivine le monopole de la surenchère à gauche, il n'y a qu'un pas que je franchirai avec vous.
M. le président. Monsieur Dord, la question s'il vous plaît.
M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, sous la pression de notre président qui me demande d'en venir à ma question...
M. le président. Cela fait trois minutes que vous intervenez, monsieur Dord.
M. Dominique Dord. ... je reprends une question angoissante et lancinante que votre camarade Jean-Marc Ayrault a posé ce matin dans Le Figaro car elle ne peut pas rester sans réponse de votre part.
M. le président. Merci, monsieur Dord.
M. Dominique Dord. A votre avis, les communistes sont-ils toujours en phase avec la société ? (Protestations sur les bancs du groupe communiste.)
Pour finir j'en ajoute une plus personnelle: vous-même, monsieur le Premier ministre, êtes-vous toujours en phase avec vos alliés communistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. Comme tout le monde lit Le Figaro, la question était limpide !
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. A propos de la Somme, vous ne devriez vraiment pas, monsieur le député, nous reprocher de n'avoir pas mis les pieds dans l'eau. (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A ma connaissance, en effet, le ministre de l'intérieur Daniel Vaillant, le ministre des transports et de l'équipement, Jean-Claude Gayssot, la ministre du logement, Marie-Noëlle Lienemann, le ministre de la défense, Alain Richard, et moi-même nous sommes rendus dans la Somme au moment où y régnait une méchante rumeur, sans chercher les applaudissements, mais en faisant notre devoir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), allant au-devant des citoyens, dans les conditions les moins favorables, alors que je connais un certain nombre de personnalités, sur vos bancs, qui sont restées les pieds au chaud et au sec. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Des noms ! Des noms !
M. le Premier ministre. Certes, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, on peut certainement critiquer ce gouvernement. C'est d'ailleurs votre rôle en tant que représentants de l'opposition. Toutefois, il me semble indéniable que, depuis quatre ans, nous avons constamment affronté et traité les problèmes du pays. Vous pouvez ne pas approuver les choix que vous avons faits, mais les Français, eux, nous témoignent encore, quatre ans après, une certaine confiance et je pense que nous continuerons à la mériter dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous semblez regretter que le vote du projet de loi de modernisation sociale soit légèrement différé, je dis bien différé et non pas interrompu. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vos questions et vos inquiétudes auraient d'ailleurs eu plus de poids si vous aviez soutenu ce projet de loi (Protestations sur les mêmes bancs).
M. le président. Mes chers collègues, du calme !
M. le Premier ministre. En fait, vous vous y êtes opposés pour des raisons totalement contraires à celles qui ont justifié les réticences exprimées récemment dans la majorité.
Cela étant, je répète, parce que c'est un fait politique qui s'est déroulé dans cette assemblée, que ce texte contient suffisamment d'avancées positives (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendante) pour avoir été voté en première lecture par l'ensemble des députés appartenant aux cinq partis de la majorité. Nous ne devons pas l'oublier.
M. Yves Fromion. Alors, il faut voter maintenant !
M. le Premier ministre. Ainsi, il comporte des pas en avant importants sur la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Il apporte des réponses en ce qui concerne la limitation des emplois précaires. Il réalise des avancées nouvelles, au-delà du fameux amendement Michelin qui avait prouvé notre réactivité en matière d'accidents sociaux.
M. Yves Fromion. Passons au vote !
M. le président. Monsieur Fromion, je vous en prie !
M. le Premier ministre. Il comporte également des avancées sur la prévention des licenciements économiques. Il met en lumière la défense de la dignité des salariés par l'interdiction du harcèlement moral dans les entreprises.
Il se trouve qu'un groupe de la majorité («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui avait sollicité un vote solennel, lequel devait intervenir aujourd'hui, a demandé, lui-même, le report de ce vote.
Pardonnez-moi, mesdames et messieurs de l'opposition, mais laissez-nous le soin, laissez-moi notamment la responsabilité de décider comment je règle les rapports au sein de la majorité. Je le ferai dans l'esprit de dialogue qui a toujours prévalu pour préparer la décision. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Autrefois, vous avez procédé autrement, mais cela ne vous a pas réussi, mesdames, messieurs les députés de l'opposition.
M. Jean-Michel Ferrand. Baratin !
M. le président. Monsieur Ferrand !
M. le Premier ministre. Des discussions peuvent exister sur le rôle de l'Etat ou du juge en matière de licenciement et des désaccords peuvent subsister.
M. Yves Nicolin. C'est la pagaille !
M. le Premier ministre. Néanmoins je crois profondément qu'un équilibre a été réalisé dans ce texte entre le nécessaire renforcement de la protection des salariés et la responsabilité de l'entreprise. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il correspond à la vision que nous avons du rôle de chacun des acteurs dans la vie économique.
Nous allons, pendant le délai que nous nous sommes librement donné, rechercher comment faire évoluer positivement ce projet. Je ne doute pas, à voir votre réaction, que nous saurons faire preuve, ensemble, de l'esprit de responsabilité nécessaire pour déboucher positivement. Les travailleurs l'attendent, parce qu'ils attendent les avancées sociales déjà présentes dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations puis huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Bernard Accoyer. Lamentable !
M. Jean-Michel Ferrand. Il se couche !
Auteur : M. Dominique Dord
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2001