chômeurs
Question de :
Mme Michèle Alliot-Marie
Pyrénées-Atlantiques (6e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 1998
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie.
Mme Michèle Alliot-Marie. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Aubry.
Nous commençons à avoir, les uns et les autres, une certaine expérience de la cacophonie gouvernementale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.) Et le mouvement actuel des chômeurs ne fait que nous en donner un nouvel exemple.
En effet, vous le déclarez illégal, madame Aubry, et vous enjoignez sèchement, peut-être un peu trop sèchement, à ses auteurs de l'arrêter immédiatement, tandis que vos collègues, Mme Voynet, Mme Buffet et M. Allègre, et un certain nombre de députés socialistes, le jugent légitime et déclarent comprendre ses motivations.
Au-delà de cela et de quelques excès, il est certain que des situations de précarité et d'exclusion graves demeurent.
Un député du groupe socialiste. Celles que vous avez créées !
Mme Michèle Alliot-Marie. Or il existe depuis plusieurs mois un texte consensuel préparé et présenté par l'ancien gouvernement dont il a été largement discuté. Il permettrait de répondre à plusieurs situations. Je pense, en particulier, à celle des chômeurs âgés, pour lesquels l'Assemblée avait proposé - cette disposition avait été acceptée par M. Barrot -, s'ils avaient cotisé quarante ans, le versement immédiat de leur retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Madame le ministre, pourquoi ne reprenez-vous pas tout simplement certaines des dispositions incluses dans ce texte, que vous pouvez d'ailleurs amender ? Cela permettrait de régler certains cas extrêmement difficiles sans attendre un hypothétique nouveau projet que vous présenteriez pour des raisons politiciennes mais qui ne serait pas prêt, selon vos propres propos, avant le printemps prochain. («Très bien !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Au lieu de chercher à répondre très concrètement à ces situations difficiles en reprenant des dispositions existantes, certains de vos amis ont vu, derrière ces actions, des manipulations ou des récupérations. Il s'agit d'accusations graves dans la mesure où, d'après leurs auteurs, ces manipulations ou récupérations pourraient provenir de formations ou d'organismes proches de votre majorité.
Que pensez-vous de la situation ? N'est-il pas urgent de prendre un texte ? Quel est votre avis sur ces accusations de manipulation ou de récupération ? Estimez-vous qu'il existe de telles tentatives, et, dans ce cas, d'où viennent-elles ?
Mme Odette Grzegrzulka. Les chômeurs s'en moquent et les Français s'en moquent !
Mme Michèle Alliot-Marie. Viennent-elles d'un parti politique, mais lequel ? Viennent-elles d'un syndicat, mais lequel ? Viennent-elles d'un autre organisme, mais lequel ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la députée, il y a en effet, depuis plusieurs jours,...
M. Arnaud Lepercq. Depuis plusieurs semaines !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... des occupations de locaux d'ASSEDIC et des revendications de chômeurs. Dès samedi, j'ai souligné, au nom du Gouvernement, que, au-delà de ces mouvements, nous ressentions tous profondément - et je pensais que tout le monde, ici, pouvait avoir le même sentiment - que ces mouvements exprimaient d'abord l'angoisse, le cri de ceux qui sont au chômage, notamment au chômage de longue durée, et qui connaissent l'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Bernard Roman. Ils ne savent pas ce que c'est, à droite !
M. Jean Ueberschlag. Vous avez dit autre chose !
M. Patrick Ollier. Qui manipule ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand on a augmenté le nombre des chômeurs de longue durée de 350 000 ces trois dernières années,...
M. Arnaud Lepercq. Et 1981 ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... quand on a attendu deux ans pour présenter un texte sur la cohésion sociale qui n'a aucun contenu véritable, quand on n'a pas augmenté l'allocation spécifique de solidarité depuis 1994,...
M. François Vannson. Ce n'est pas une réponse !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... on aborde ce problème autrement que vous ne l'avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Francis Delattre. Vous avez tout de même envoyé les CRS !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la députée, aucun membre de cette majorité n'a parlé de manipulation.
M. Patrick Ollier. On n'a pas compris, alors !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai donc indiqué samedi, au nom du Gouvernement - cela va peut-être vous choquer -, que derrière ces mouvements nous voyons des chômeurs qui sortent de leur isolement, du repli sur soi, du silence (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), pour lancer enfin une action collective.
M. François Vannson. Merci la CGT !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette action manifeste une volonté d'engagement de citoyenneté. Eh bien ! à gauche, nous comprenons parfaitement ce mouvement, nous ressentons profondément la signification des occupations de locaux d'ASSEDIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Comment en effet, madame, ne pas comprendre ? Dans leurs déclarations, certains membres de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) ont dit que nous avions tous échoué sur le chômage et que nous étions tous responsables - mais tel n'est pas le ton de votre intervention ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Arnaud Lepercq. C'est facile !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est la réalité !
Je n'ai heureusement pas entendu beaucoup de voix s'élever pour dire que nous devions faire de la lutte contre le chômage une affaire politicienne, et monter les catégories de Français les unes contre les autres.
M. Louis de Broissia. C'est ce que vous faites !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je regrette donc d'autant plus que vous ayez posé ainsi cette question aujourd'hui.
M. Arnaud Lepercq. Parce qu'elle vous gêne !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme la majorité, le Gouvernement pense qu'il faut comprendre l'inquiétude et l'angoisse de ceux qui sont au chômage. C'est la raison pour laquelle nous avons fait de la luttre contre le chômage et l'exclusion la priorité numéro un.
M. Arnaud Lepercq. Il ne suffit pas de comprendre, il faut agir !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui a relancé la consommation ? Qui a fait en sorte que la confiance revienne et que l'investissement reparte ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Qui a agi pour que le chômage commence à reculer ?
M. François Vannson. Ce n'est pas grâce à vous !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui, puisque vous en avez parlé, madame Alliot-Marie, va inscrire à l'ordre du jour, le 14 janvier, un projet de loi qui, non dans les discours, mais dans la réalité, permettra à tous ceux qui, âgés de cinquante-cinq ans, ont quarante ans de cotisations de prendre leur retraite ? C'est cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Patrick Ollier. Ce sont nos propositions !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui est en train de recentrer les contrats emploi-solidarité, les fonds de l'insertion du RMI et les CIE.
Vers les chômeurs de longue durée ?
M. Jean Ueberschlag. Et l'amendement Barrot ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui prépare une loi contre les exclusions, à laquelle travaillent dix-neuf ministres, qui a entraîné plus de cent réunions avec les associations et qui aura, elle, un contenu réel ? C'est cette majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Patrick Ollier. Ce sont le RPR et l'UDF qui ont fait ces propositions !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'espérais que, sur ce terrain, l'opposition éviterait la démagogie et que nous n'aurions pas à entendre des propos tels que ceux que vous avez tenus, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Michèle Alliot-Marie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 janvier 1998