accords de Schengen
Question de :
M. Robert Pandraud
Seine-Saint-Denis (8e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2001
M. le président. La parole est à M. Robert Pandraud, pour le groupe RPR.
M. Robert Pandraud. Ma question s'adresse à un ministre...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lequel ?
M. Robert Pandraud. ... mais je ne sais lequel, car, en matière européenne, on ne sait jamais qui est compétent et qui fait quoi. (Rires et exclamations sur divers bancs.)
M. Jacques Myard. C'est bien vrai !
Mme Odette Grzegrzulka. Il faut assister plus souvent aux séances !
M. Robert Pandraud. J'imagine qu'il y en a bien un qui se déclarera compétent.
M. Jacques Myard. Incompétent, plutôt !
M. Robert Pandraud. Ainsi donc, et sans la moindre consultation populaire, nous allons procéder le plus rapidement possible à l'élargissement de l'Union.
Il faudra que les nouveaux membres adoptent ce que l'on appelle l'acquis communautaire, et qui comprend notamment le système Schengen, inclus dans le chapitre XXIV des accords d'adhésion, intitulé «Coopération en matière de justice et d'affaires intérieures». Toutefois, comme la libre circulation des personnes et des biens à l'intérieur de l'Union repousse aux frontières extérieures de celle-ci le contrôle des mouvements en provenance des pays tiers, j'espère que vous ne vous faites pas trop d'illusions sur l'efficacité future de ce contrôle, d'autant que les diplomates ou les hauts fonctionnaires qui préparent les textes en la matière connaissent peu de choses des frontières, habitués qu'ils sont à les franchir en présentant leur passeport diplomatique ou leur passeport de service.
Lorsque je présidais la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, avant M. Barrau, j'ai pu constater sur place que les points de passage entre l'Allemagne et la République tchèque sont de véritables passoires, que les contrôles ne s'appliquent qu'à ceux qui veulent bien les subir et que, parallèlement, il y a des chemins de traverse bien signalés et beaucoup plus simples à emprunter.
Vous devez penser, monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, que la frontière franco-suisse est contrôlée, mais ce n'est pas vrai. De même, vous savez bien qu'entre l'Italie et la Slovénie il n'y a pratiquement aucun contrôle.
Et qu'en sera-t-il demain de la frontière entre la Roumanie et la Moldavie ? Pour l'heure, il n'y a aucun contrôle, mais demain, cette lacune aura des conséquences encore plus dangereuses.
Croyez-vous qu'entre la Pologne et la Biélorussie, entre Kaliningrad et la Lituanie, il y aura demain des contrôles aux frontières, et que celles-ci ne seront pas de véritables passoires ? Ces contrôles me paraissent difficiles à instaurer.
M. Didier Boulaud. C'est intéressant: on fait le tour de l'Europe !
M. Robert Pandraud. Vous allez sûrement me répondre que le système informatique de Strasbourg permettra de régler toutes ces difficultés.
M. le président. Monsieur Pandraud, je vous prie de bien vouloir poser votre question.
M. Robert Pandraud. Vous connaissez pourtant les limites de ce système.
Et, de grâce, ne me dites pas que des directives ou des recommandations sont en préparation. Vous savez bien que celles qui existent sont à ce point abstraites qu'elles sont inapplicables; d'ailleurs, les nouveaux Etats membres ne les appliquent pas.
Si vous voulez conduire une véritable politique en ce domaine, il convient de créer un corps international de garde-frontières chargé de contrôler toutes les frontières extérieures. Est-ce prévu ? Si ce n'est pas le cas, nous aurons peut-être un marché élargi pour les marchandises, mais nous risquons de perdre notre âme avec une liberté totale des personnes. Le libre-échange des marchandises risque de se traduire par le libre-échange pour tous les trafics. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse rapide à l'occasion de laquelle il ne fera pas le tour de l'Europe.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, la question que vous posez est débattue chaque fois que nous nous rencontrons soit au niveau du Conseil européen dit conseil JAI, soit dans les rencontres bilatérales, soit dans des rencontres organisées avec les pays candidats à l'élargissement; c'est donc une question importante.
L'idée de la création d'une police européenne aux frontières a été publiquement lancée par plusieurs pays européens comme l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et l'Autriche. Le Premier ministre Lionel Jospin l'a également évoquée dans son intervention sur l'avenir de l'Union européenne. Elle a aussi été abordée par les ministres de l'intérieur et ceux des affaires étrangères lors de la rencontre de Fribourg, dans le cadre du sommet franco-allemand.
La question du contrôle des frontières extérieures va, c'est vrai, revêtir une importance particulière dans le contexte de l'élargissement. La création d'une police européenne aux frontières destinée à assurer un contrôle homogène aux frontières extérieures se pose d'une double manière.
Il y a d'abord ce que nous pouvons faire d'ores et déjà. A cet égard, j'ai préconisé l'amélioration à court terme des mécanismes existants. Avant d'envisager la création d'un mécanisme nouveau de police européenne aux frontières, il convient de développer une coopération internationale sur le contrôle aux frontières, ce qui implique une action coordonnée en amont, avec la mutualisation des officiers de liaison des Etats membres dans les pays sources, ou de transit, de l'immigration, l'intensification de la coopération aux frontières - patrouilles mixtes, centres de coopération policière, mais aussi douanière - et le renforcement de la coopération opérationnelle sur l'ensemble de l'espace commun dans le domaine de la lutte contre les filières d'immigration clandestine, notamment avec des équipes mixtes d'enquête.
Mais, bien évidemment, il nous faut aussi réfléchir à la constitution d'une police européenne aux frontières. Il s'agirait de moyens policiers mobiles qui pourraient se rendre sur les points difficiles, voire les points de crise, pour évaluer la situation, conseiller ou encadrer temporairement la police locale aux frontières, notamment dans les pays de l'espace Schengen après élargissement de celui-ci, et, en cas de crise grave, soutenir les polices aux frontières locales.
Ce mécanisme présenterait l'avantage de coûter moins cher qu'une force permanente et de responsabiliser les Etats concernés.
De nombreuses questions techniques et juridiques restent à régler. Ces discussions, que nous avons commencées dans le cadre que j'ai évoqué tout à l'heure, vont se poursuivre. Mais l'idée est bien de protéger les frontières extérieures de l'Europe, notamment après l'élargissement. Les problèmes que vous posez sont réels, je ne les sous-estime pas et je les aborde dans les discussions auxquelles je participe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Robert Pandraud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 juin 2001