Question au Gouvernement n° 2918 :
durée du travail

11e Législature

Question de : M. Claude Gaillard
Meurthe-et-Moselle (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 27 juin 2001

M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.
M. Claude Gaillard. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'annonce que vous avez faite concernant la hausse du SMIC n'a pas rencontré le succès escompté, ni chez vos partenaires politiques ni chez les salariés.
Nous pouvons le comprendre, car les 35 heures placent les salariés bénéficiaires du SMIC devant une situation particulièrement injuste et absurde. Vous avez, d'ailleurs, été contrainte de mettre fin au SMIC unique en instaurant un SMIC mensuel dont l'évolution est beaucoup plus lente.
M. François Goulard. Une demi-chaussure de Dumas !
M. Claude Gaillard. Les salariés à 39 heures n'ont donc pas intérêt à passer à 35 heures, s'ils ne veulent pas perdre de pouvoir d'achat, et les salariés à 35 heures perçoivent des salaires différents selon la date à laquelle ils ont bénéficié de la réduction de leur temps de travail. Pour ceux qui sont passés aux 35 heures en juin 1998, l'écart en brut avec ceux qui y sont venues en juin 1999 est de l'ordre de 300 francs, ce qui n'est pas négligeable.
J'aurais tendance à dire que suivre le Gouvernement, c'est pénaliser les smicards.
M. Maurice Leroy. C'est vrai !
M. Claude Gaillard. Qu'avez-vous fait, madame la ministre, du principe: à travail égal, salaire égal ? D'autant que tout cela s'inscrit dans une stagnation du pouvoir d'achat.
M. François Goulard. Il a raison !
M. Claude Gaillard. Naturellement, c'est le Gouvernement qui porte une telle responsabilité, notamment à un moment où la croissance ralentit.
Vous êtes donc placée devant l'alternative suivante: ou bien vous procédez à un rattrapage massif du SMIC, de l'ordre de 11 %, mais, dans ce cas, comme vous l'avez dit, vous compromettez la création d'emplois peu qualifiés; ou bien vous laissez perdurer cette injustice, et l'on aboutira en 2005 au chiffre hallucinant d'au moins huit SMIC, ce qui voudra dire qu'il n'y aura plus de SMIC en France.
Nous vous avions mis en garde au cours de la discussion parlementaire, mais, bien entendu, vous n'en aviez pas tenu compte.
Comment comptez-vous, madame la ministre, réparer cette injustice, notamment à l'égard des smicards dont l'augmentation sera la plus faible à la suite de la décision que vous venez de prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, votre question comporte deux aspects.
D'abord, s'agissant de l'incidence générale de l'augmentation du SMIC proposée par le Gouvernement - cette mesure sera prise sans doute demain en conseil des ministres, puisque, pour l'instant, nous n'en sommes encore qu'au stade de la consultation des partenaires sociaux -, je vous ferai simplement remarquer que ce gouvernement a réussi à faire progresser de concert...
M. Maurice Leroy. Huit SMIC !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... les salaires - plus 8,4 % de 1997 à 2000 - et l'emploi: plus 8,5 % durant la même période. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Par conséquent, ce gouvernement ne considère pas qu'il y ait incompatibilité entre la progression des salaires et celles de la croissance et de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Renaud Donnedieu de Vabres. Et les charges ?
M. Rudy Salles. Répondez à la question !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En revanche, entre 1993 et 1997, période durant laquelle le pouvoir d'achat des salaires nets a diminué de 4 %, il n'y a eu ni forte croissance ni haut niveau de l'emploi. Au contraire, cette période s'est caractérisée par une augmentation constante du chômage et par une stagnation, voire par une récession.
M. Marc-Philippe Daubresse. Répondez à la question !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de la garantie mensuelle, je dirai d'abord qu'il n'existe qu'un seul SMIC: le SMIC horaire, qui est fixé par la loi.
M. Renaud Donnedieu de Vabres. Non, il y en a deux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'établira à 43,72 francs, si la hausse que nous prévoyons est décidée par le Gouvernement.
Je rappelle que, lors de la discussion de la loi sur les 35 heures, le Gouvernement a proposé au Parlement, qui l'a votée, une garantie mensuelle, qui a pour objet, comme son nom l'indique, de garantir aux salariés qui passent de 39 heures à 35 heures de percevoir la même rémunération qu'avant.
M. François Goulard. Et après ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est vrai aussi que la loi a prévu que la réévaluation de cette garantie mensuelle se ferait ensuite à un rythme un peu moins élevé que celle du SMIC. («Voilà !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Toutefois, ce n'est pas illogique, puisque les salariés ne travaillent plus que 35 heures au lieu de 39 heures ! («Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Lucien Degauchy. Nous y voilà !
M. le président. Mes chers collègues, du calme s'il vous plaît !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est cela qui a fait l'objet de débats et qui a été voté par le Parlement.
La loi a également prévu que, d'ici à 2005, la garantie devrait être devenue sans objet. Nous sommes donc bien d'accord: d'ici à cinq ans, la garantie mensuelle devra être remplacée par un autre dispositif.
M. Jean-Paul Charié. Où est l'augmentation du pouvoir d'achat !
M. Charles Cova. Ils verront plus tard !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai donc décidé d'ouvrir des consultations avec les partenaires sociaux, pour leur demander comment ils estimaient que nous devions procéder pour rendre cette garantie mensuelle sans objet. Une première réunion d'un groupe de travail a eu lieu; il y en aura d'autres.
A ce stade de la discussion, il faut reconnaître que les positions des uns et des autres sont assez éloignées. Certains syndicats demandent une augmentation brusque et en une fois du SMIC...
M. François d'Aubert. M. Chevènement la demande aussi !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de plus de 11 %, ce qui, convenez-en, serait très difficile à supporter pour les entreprises. Or, je le répète encore une fois, nous voulons ne pas freiner l'embauche.
D'autres comme le patronat demandent une révision complète du système du SMIC et son annualisation, ce que ce gouvernement ne fera pas: nous maintiendrons le SMIC horaire avec les garanties qui l'accompagnent.
M. Jean-Paul Charié. Et le pouvoir d'achat ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. D'autres encore préfèrent s'en tenir à une seule garantie mensuelle plutôt qu'il y en ait plusieurs. Il est vrai que c'est une suggestion intéressante, mais qui pose le problème de la garantie mensuelle à retenir.
En tout cas, il faudra attendre que toutes les entreprises soient passées aux 35 heures avant que nous puissions éventuellement envisager - je dis bien «éventuellement» - une telle mesure.
M. Georges Tron. C'est trop long !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Bref, j'ai commencé à travailler sur cette question avec les partenaires sociaux. Si nous pouvons simplifier le système qui est appliqué, et le faire vite, eh bien, nous le ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Il serait temps de le simplifier !
M. le président. Puis-je demander aux uns et aux autres d'être un peu plus rapides, car nous avons cinq minutes de retard. Cette fois-ci, ce sera le groupe socialiste qui sera pénalisé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je dis cela par rapport à ce qui s'est passé la semaine dernière.
M. Jean-Paul Charié. Nous avions compris !

Données clés

Auteur : M. Claude Gaillard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 juin 2001

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