Question au Gouvernement n° 2922 :
évasions

11e Législature

Question de : M. Bernard Accoyer
Haute-Savoie (1re circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 27 juin 2001

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe RPR.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, ma question, qui s'adresse à Mme la garde des sceaux, concerne les opérations réitérées, que l'on pourrait qualifier de «portes ouvertes», en faveur des détenus de la prison de Borgo. (Rires.)
Il y a quelques semaines, les Français, interloqués, apprenaient l'évasion par télécopie de trois détenus de cet établissement pénitentiaire, pourtant ultramoderne et non surpeuplé.
Hier, c'est par la voie des airs qu'un autre détenu, fiché au grand banditisme, décidait de «s'élargir», sans aucune difficulté, à l'aide d'un hélicoptère de la sécurité civile et d'une corde à noeuds. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Rires.)
Alors que les chiffres de la délinquance confortent cruellement les Français dans leur sentiment d'insécurité, particulièrement justifié, alors que la loi relative à la présomption d'innocence rend chaque jour plus difficiles les tâches de la police et de la justice, plutôt que de créer, comme l'a annoncé hier encore M. le Premier ministre, je ne sais quel observatoire de la délinquance ou de l'insécurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous attendons que vous donniez enfin priorité et écoute aux victimes et que vous prêtiez également attention aux revendications des gardiens de prison, bref que vous conduisiez enfin une politique en faveur de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Accoyer, permettez-moi de vous rappeler que les surveillants de prison ne veulent plus, pour des raisons d'évolution professionnelle, qu'on les appelle des «gardiens». Ils souhaitent être effectivement pris en compte dans la chaîne de sécurité de notre pays.
Je ne peux vous laisser dire que la loi relative à la présomption d'innocence rend le travail plus difficile (Protestations sur les les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) puisque vous avez vous-même, lors de la discussion parlementaire, largement souligné que le surpeuplement des maisons d'arrêt à la suite de détentions provisoires abusives provoquait de graves difficultés. Je vous renvoie à vos propres déclarations !
Vous avez ajouté qu'il fallait éviter les détentions provisoires abusives de gens qui n'avaient rien à faire en prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Cette grande loi a permis de diminuer le nombre des détentions provisoires de 26 %, les personnes concernées étant généralement poursuivies pour des délits d'ordre financier de faible importance et nul ne les considère comme dangereuses.
Je vous en prie, faites confiance à nos magistrats pour prendre les décisions !
Venons-en à la maison d'arrêt de Borgo. C'est parce que le nombre des détentions provisoires diminue...
M. François d'Aubert. Vous ne faites rien !
Mme la garde des sceaux. ... et que cet établissement n'est pas confronté à un problème de surpeuplement ou de personnels, que je trouve comme vous inacceptable que l'on ne se pose pas de questions à propos d'un fax qui ordonne la libération de trois personnes dans les heures qui suivent alors que leur comparution est prévue dans les prochaines semaines. («Y a-t-il eu des sanctions ?» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Sur place et en ce moment même a lieu une inspection des services.
Eu égard au respect que nous leur devons, c'est aux surveillants comme aux policiers, qui sont les remparts contre la déviance, que je dois cette enquête. Je leur dois aussi la transparence des résultats.
Quant à ce qui s'est produit hier, je n'incombe à personne la responsabilité qu'il y ait, dans une maison d'arrêt moderne, un mirador laissant un angle mort. Mais ce qui me pose un problème, c'est que ce soit justement cet angle mort qui ait permis l'évasion. Comment expliquer une telle coïncidence ? Je vous donnerai plus tard la réponse à cette question.
Cela dit, les surveillants ont besoin de notre soutien et il n'y a aucun doute sur la qualité de leur travail ni sur le bien-fondé de leur demande de moyens supplémentaires.
Je rappellerai pour finir que, dans le cadre des programmes concernant les établissements pénitentiaires, 10 milliards de francs supplémentaires ont été accordés par le Premier ministre. Pour quoi faire ? Pour reconstruire des établissements qui sont indignes de notre démocratie et d'où l'on peut s'échapper.
Nous travaillons avec le comité d'orientation stratégique. Et, puisque l'ambiance est si tendue, je tiens à remercier les parlementaires de l'opposition qui oeuvrent au sein du groupe chargé de l'élaboration de la loi sur l'application des peines, parce qu'ils sont courageux, que leur attitude est ambitieuse et qu'elle va dans le sens d'une démocratie qui demande, ici, autre chose que des cris !(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Pierre Soisson. Présentez donc votre démission par fax !

Données clés

Auteur : M. Bernard Accoyer

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 juin 2001

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